Chapitre Vingt-Trois.

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" Une aile entière du lycée privé de Shadows Hill ravagée par les flammes; accident d'origine électrique ou incendie volontaire ? Aucune personne n'a été retrouvée sur les lieux... "

Le vieil homme qui me faisait face secoua en crachant ses poumons le journal entre ses mains, ce qui me sortit de ma lecture. Je penchais la tête pour tenter de déchiffrer de nouveau le texte qui couvrait la page froissé, et l'homme posa finalement le papier sur ses genoux, me fixant d'un air agacé.

En haussant les épaules je détournais le regard et collais ma tête contre la vitre du bus. Seules quelques bribes de voix chuchotées par les rares passagers et le ronronnement du bus rythmaient le trajet, que je commençais à trouver long. À travers la vitre je voyais l'étrange rituel de la ville qui se préparait au couvre-feu - couvre-feu que je trouvais toujours aussi stupide soit dit en passant, bien que je n'en connaissais pas les raisons. Les quelques personnes qui s'aventuraient encore dehors à cette heure-ci pressaient le pas, comme si elles avaient le temps à leurs trousses. Les vitrines illuminées des quelques magasins encore ouverts du centre-ville s'éteignaient une par une; les quelques bars se vidaient par torrents de jeunes bourrés et titubants.

Et moi, j'étais là, dans un bus dont je ne connaissais même pas la destination, dans lequel je m'étais jetée après avoir vaguement réussi à comprendre une carte de la ville, armée seulement de mon portable qui me servait plus de lampe de poche qu'autre-chose. Cela faisait déjà presque une demi-heure que l'engin sillonnait la route; je venais de faire le tour entier du centre-ville, et je me sentais plus perdue que jamais.

Charleen pensait que j'étais en pleines " révisions " chez Brayan; Brayan et Alexis pensaient que j'étais en pleines " vraies révisions " chez Charleen. Autant dire que si jamais quelqu'un découvrait ce mensonge improvisé non seulement je pouvais dire adieu à toute forme de liberté, mais en plus si jamais je finissais perdue dans le trou du cul de Shadows Hill, personne n'en saurait jamais rien.

D'un mouvement lent et ennuyé je glissais ma main dans ma poche et en tirais la petite boîte d'allumettes aux écritures colorées. " Shadow'sSon ". Un des boîtes de nuits de la ville. Il m'avait fallut plus d'une heure de recherche pour en trouver la quelconque trace sur l'ordinateur professionnel de Charleen. Apparemment cet endroit n'aimait pas faire entendre parler de lui.

Soudainement le bus pilla net, et je faillis me retrouver projetée face la première contre une des barres de maintiens. Le vieil-homme au journal secoua la tête en me dévisageant, et je lui lançais un regard énervé.

" Désolé les jeunes, il est presque l'heure, et je n'irais pas plus loin que... "

Le chauffeur qui s'était approché s'interrompit en nous fixant. Nous, " les jeunes " qu'il restait, soit une fille aux cheveux violets qui n'avait pas l'air suspecte du tout, et un vieux sénile dont on ne pouvait que se demander la raison de sa présence dans un bus à une heure aussi tardive.

" On rentre ou on descend. "

Il désigna la portière de la main et celle-ci s'ouvrit sur un arrêt de bus à l'aspect flippant. " Il nous ordonne de foutre le camp ? " J'écarquillais les yeux.

" Excusez moi, mais il n'est pas tout à fait l'heure, pourquoi ?...

- Hors de question que je m'aventure là-bas alors qu'il se fait aussi tard. Je fais demi-tour. "

Il désigna de nouveau le dehors, qui semblait englouti dans l'obscurité la plus totale. Je le regardais avec incompréhension et cette fois-ci il sembla à son tour irrité.

" Bon écoute fillette, sois tu poses tes fesses sur ce siège et tu rentre chez toi sagement, sois tu prend tes affaires et tu descends; ce qui est une mauvaise idée. Je vais pas m'aventurer dans l'ancienne ville alors que le couvre-feu arrive, après les rumeurs sur ce qu'il s'y est passé l'année dernière on sait jamais. "

Human - Somnum (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant