C'est sur la pointe des pieds, chaussures à la main, T-shirt déchiré, trempée et salie que je débarquais dans ma chambre. Je priais pour ne pas que Charleen ne me surprenne dans cet état, ou même Elody. Il y avait une certaine différence entre rentrer le sourire aux lèvres en cachette d'une sortie tout aussi secrète, et rentrer à moitié en lambeau au lever du soleil dans le même état qu'une serpillière. Il me restait à peine quelques minutes, avant que l'horloge biologique de Charleen ne la fasse se lever pour emmener sa fille à l'école et aller elle-même au travail.
Je m'enfermais dans la salle de bain, fermais le verrou et soupirais. Je devais me persuader que je n'étais toujours pas en train de m'imaginer cette soirée, qu'elle était bien réelle, et que tout ce que j'avais vu l'était de même. Alexis qui manipulait le feu, Lucie qui contrôlait la lumière, et moi qui apparemment serais capable du même genre de trucs complètements irréalistes. " Irréalistes mais bien réels. " me persuadais-je encore. C'était complètement fou.
J'enlevais ce qu'il restait de mes vêtements, soupirais en voyant leur état et allumais l'eau de la douche. Le jet d'eau brûlant me détendit instantanément et je me forçais à me vider la tête en attrapant une bouteille de gel douche qui traînait. Hors de question d'avoir un mal de tête dès maintenant, et de réfléchir sur quelque chose que je n'arrivais toujours pas à assimiler sans paniquer. Je devais me préparer et aller au lycée suite à cette nuit assez étrange, sans broncher.
La température de l'eau était supportable mais je sursautais néanmoins en sentant le savon réveiller une douleur aiguë à mon mollet. En me penchant je constatais les dégâts: cet idiot de roux pyromane ne m'avait pas ratée. Ma peau était rougie sur une zone de la taille de ma main, et la douleur me fit monter les larmes aux yeux. " Heureusement tout de même que j'étais en mouvement, sinon ce n'est pas ma jambe qu'il aurait atteint. " Je frissonnais. Il m'en avait voulu, il me tenait responsable d'avoir attirer l'attention sur eux. Peut-être avait-il raison.
Après avoir lavé mes cheveux de toute l'eau et de la poussière de cette nuit, je sortis de la douche, surprise par ma propre rapidité. Mon regards croisa alors celui de mon reflet dans la glace embuée. J'attrapais une serviette, passais une main sur la surface humide et dévisageais la presque inconnue qui me faisait face. Mis à part mes yeux et les pointes lavandes de mes cheveux, j'étais physiquement une fille tout ce qu'il y a de plus banale. Des grands yeux, une petite bouche aux lèvres gercées, une peau pâle et d'énormes cernes. Une taille dans la moyenne, des formes que je détestais et que je m'empressais de cacher. Je détournais le regard. Il fallait que je me fasse à l'idée que ce corps était bien le mien. Cela faisait presque cinq ans déjà, et je ne m'y étais toujours pas habituée.
Une serviette sur la tête, je me rendis dans ma chambre en trottinant. Je fus forcée d'enrouler ma blessure dans un bandage. Même après avoir enfilé mon jean la douleur m'empêchais de poser mon pied normalement. Je me demandais comment je ne m'en étais pas rendue compte avant de rentrer quand la porte de ma chambre trembla sous un petit coup. Affolée je me jetais sur mes vêtements abîmés, les fourrais dans ma corbeille, fini d'enfiler mes chaussettes et un pull noir, puis ouvris la porte.
" Bonjouuuur ! " hurla la terreur aux cheveux sombre qui déboula dans ma chambre en sautant sur moi.
Je reculais sous l'assaut, ne pouvant néanmoins retenir un sourire. Elody, déjà vêtue d'une de ces robes à rubans ample, me fixait avec de grands yeux. Une expression encore plus joyeuse que d'habitude illuminait ces traits malgré l'heure. Elle me tira par le bras et je n'eus que le temps d'attraper mon sac et de jeter ma serviette sur le lit qu'elle me fit descendre les escaliers. En bas, je sentis une odeur embaumer la maison, et curieuse j'allais de moi-même jusqu'à la cuisine, suivie de près par une Elody surexcitée. Du coin de l'oeil je vis une scène que je n'avais jamais pensé voir un jour: Charleen, s'attelant à faire un jus de fruit et des crêpes. " Où est passée la vraie Charleen ? " Elody malgré sa petite taille eu la force de me forcer à poser mes fesses sur un tabouret et je dévisageais avec étonnement la femme qui se trouvait devant moi. Ses cheveux étaient relâchés, ce qui n'arrivait que très rarement, et ondulaient dans son dos. Elle ne portait pas ses vêtements de travail ordinaires, mais une chemise claire et un jean qui lui donnèrent un air que je ne lui connaissait pas. Charleen avait l'air de bonne humeur ce matin, bien qu'elle ne sourit pas pour autant, et je n'avais même pas besoin de déchiffrer son comportement tellement c'était évident. Cette dernière se retourna vers nous, posant une assiette de crêpes accompagnées de morceaux de fraises et de banane devant nos nez. Elody trépignait sur place, quand à moi je voulu me relever, mais mon ventre émit un gargouillis qui me discrétisa devant tout le monde. Vaincue je m'asseyais et savourais ce petit-déjeuner, convaincue que j'arriverais de toutes façons en retard.
Je passais finalement le portail du lycée plus d'un quart d'heure après le début des cours, en boitant, nauséeuse à cause d'avoir couru le ventre plein, et Marc m'accueillit en salle de permanence avec un moue moqueuse. Je m'étalais sur une chaise, chassant la fatigue de la presque nuit blanche que je venais d'affronter, éparpillant le contenu de mon sac sur la table à la recherche de quelque chose à faire. Je n'arrêtais pas de sécher en ce moment, et ce n'était vraiment pas mon but de me faire virer ou quoi que ce soit, alors s'atteler à mes devoirs pour une des premières fois de mon arrivée ici me semblait être une manière assez facile de me faire pardonner. Une bonne manière de penser le moins possible à tout ce qui me fusillaient la tête aussi. J'ouvris un cahier au hasard et commençais à en lire les exercices. Cependant au bout de quelques minutes je balançais le-fit cahier au bout de la table: je ne comprenais strictement rien à tous ces chiffres et tous ces calculs. Ce fut alors que Marc se leva et vint s'asseoir sur une table devant moi en haussant les épaule.
" Tu as l'air complètement perdue Ana.
- Tu dit ça par pitié ou pour te foutre de ma gueule ? "
Marc souri en posant sa tasse de thé près de ma trousse, me fixant de ses yeux couleur absinthe. Contrairement à la plupart des élèves de cette petite ville je ne le connaissait pas depuis ma seconde mais comme tout le monde ici lui parler sans retenue ne gênait aucun de nous deux. Peut-être parce qu'avec ses cheveux en bataille, sa barbe naissante qui lui mangeait la moitié du visage et le fait qu'il n'avait pas l'air de dépasser les vingt-cinq ans il inspirait la confiance.
" Tu veux de l'aide peut-être ? "
Je soufflais en secouant la tête, déjà lassée d'avoir essayer. Le surveillant regarda par dessus son épaule et se mit à fixer sa tasse d'un air absent. Je levais discrètement les yeux vers lui. Il semblai concentré, une ride barrait son front.
" Euh... Marc ? Si tu n'y comprend rien c'est pas grave hein. "
Il releva la tête et une lueur étrange traversa ses prunelles. Puis il reprit un visage souriant et retourna à sa place tout en fixant de nouveau sa tasse.
" Ne t'inquiètes pas pour ça, je comprend très bien. " me répondit-il, sourire aux lèvres.
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Human - Somnum (tome 1)
Siêu nhiênAna Mathews est l'exemple typique d'une adolescente à problèmes : en famille d'accueil, elle enchaîne conneries sur conneries, et du haut de ses seize ans, elle a déjà un casier judiciaire bien rempli. Malgré cette vie un peu bordélique, Ana a cepen...