Chapitre Douze.

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Je passais une jambe par dessus le rebord de ma fenêtre, puis l'autre. Bien évidemment, j'étais consciente que j'aurais pu utiliser les escalier et descendre comme quelqu'un d'honnête, mais à vrai dire je craignais le moment ou je me retrouverais face à face avec Charleen. Depuis l'incident du bureau - qui avait mystérieusement disparu de ma chambre quand j'étais rentrée - je ne l'avais pas croisée et je crois que c'était mieux ainsi. Car même si certes j'avouais que ma réaction avait été comme toujours exagérée, j'étais moi aussi de mon côté blessée.

" Charleen pensera toujours de toi que tu es une mauvaise personne Ana, ne cherche pas à te persuader du contraire. "

Je n'avais jamais compris le pourquoi du comment Charleen avait finit par demander ma garde définitive. Au départ c'était juste quelques visites à l'hôpital, des silences qui n'en finissaient pas. Elle assise sur un fauteuil, moi les bras droits et les yeux vagues, branchée de partout. Mais j'aimais ces silences, ces pauses d'honnêteté au milieu de tous ces soi-disant médecins, leurs questions et leurs diplômes à deux balles. Non, je n'avais jamais compris pourquoi une femme tel qu'elle avait voulu d'un chamboule-tout comme moi dans sa vie.

Mes converses atterrirent sans un bruit dans un tapis de feuilles mortes. Mes habituelles converses oui, toujours fidèles et plus fiables qu'une paire de talon. Ça détonnait un peu avec ma jupe argenté et mon haut noir mais Ana resterait Ana. Ana, ses converses abîmées, sa cordelette autour du cou et ses iris dépareillés.

Je jetais un coup d'œil à la fenêtre entrouverte de ma chambre, puis continuais mon chemin lorsque je fus sûre que personne n'eut remarqué ma descente. Le ciel était teinté d'ébène, et le froid mordant me fit frissonner. Je me pressais, sachant très bien que même dans une petite ville comme ici une fille de mon âge qui traînait dehors à la nuit tombée en jupe, violant par ailleurs le couvre-feu, serait "la victime idéale" pour des pervers nocturnes. Quand à savoir si il y avait plus de pervers nocturnes dehors ou à la soirée, cela resterait à vérifier.

Tout en marchant à grands pas, je jetais de temps en temps quelques regards à l'écran de mon portable; ne connaissant pas entièrement les lieux, Anaïs m'y avait envoyé l'adresse ou me rendre et le moyen le plus simple et le plus sûr d'arriver chez la résidence des Cooper. Apparemment les Cooper étaient riches - " clichééé " hurla ma conscience - et ça ne les dérangeaient pas du tout de laisser leur maison à leur fils de 17 ans. Bon en même temps je devais l'avouer, bien que Tristan soit un idiot et sans doute un mec dérangé, ses notes et son comportement en classe étaient excellents. Ce qui expliquait pourquoi ce dernier se prenait pour un caïd et se permettait à peu près tout sans se faire réprimander par une autorité quelconque. Je me surpris à penser que si comme Laurie et lui je travaillais ne serait-ce qu'un minimum je pourrais moi aussi me permettre de faire ce qui me plaisait sans en subir les conséquences négatives.

Après avoir marché près d'un quart d'heure, j'arrivais devant une espèce d'énorme baraque blanche. Comme une maison, en aplatie, en allongé, et étincelant de blanc. La vrai réplique d'une de ses baraques qui postulerait pour devenir le logis des Kardashian. Des vingtaines - non carrément des centaines de petites lumières sorties du sol lui-même éclairaient la demeure du dessous. Il y avait également une dizaine de croix en bois et de fausses plaques funéraires plantées dans le sol, ainsi que quelques citrouilles aux regards effrayants qui émergeaient d'une sorte de brouillard artificiel. Tout semblait grand, intimidant, et je failli en avaler ma salive de travers tant l'ambiance était impressionnante.

C'est ainsi que je m'avançais vers la " villa " des Cooper, mes cheveux attachés en queue de cheval dont les pointes lavandes me fouettaient le dos, les joues rougies par le froid, tortillant la lanière de ma sacoche entre mes doigts.

Human - Somnum (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant