Une proposition plus que choquante (version 2)

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- Lucie avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec un homme ?

Mes yeux s'écarquillèrent. J'avais dû mal entendre sa question. Je fronçai les sourcils et fixai mon éditeur qui continuait à annoter mon manuscrit sur sa tablette numérique, déboussolée. « Pardon ? » Il réitéra sa question en articulant chaque mot. « Avez-vous déjà couché avec une personne du sexe opposé ? ».

Toujours muette, je cherchai comment pouvoir répondre à cette question qui dépassait de loin le domaine professionnel. Nous étions simplement en train de parler de mon dernier livre, comment avions-nous pu dériver sur ce sujet.

- Pourquoi cette question soudaine ? demandais-je timidement. Pendant un instant une idée me frôla l'esprit. Peut-être avait-il des sentiments pour moi. Cette idée me fit sourire intérieurement. Impossible, pas cet homme froid qui prenait un malin plaisir à s'acharner sur moi quand je ne respectais pas mes délais.

Il leva ses yeux de son écran, s'assit au fond de son siège en cuir, et se contenta de croiser les bras en guise de réponse. Pas besoin de mots, ses sourcils froncés et son regard fixé sur moi suffisaient à me faire comprendre que tant que je n'aurais pas répondu à sa question, je n'aurais pas de réponse. Après un silence insoutenable, je décidais à prendre les devants.

- C'est personnel... Je... Je ne vois pas pourquoi je devrais répondre à cette question. La chaleur me montait aux joues. Comment pouvais-je rester si docile, après une telle question. Logiquement, je devrais m'emporter, lui dire ses quatre vérités et partir en claquant la porte, Pourtant je restais là, statique, pendant que lui semblait se complaire dans ma gêne.

Toujours silencieux, il me transperça du regard pendant plusieurs secondes, qui me parurent des heures, avant de finir par se lasser de mon mutisme.

Il soupira, posa ses coudes sur son bureau acajou et entrelaça ses doigts afin d'y poser son menton.

- De toute évidence vous ne me direz rien tant que je n'aurais pas répondu à votre question. Je vais être franc avec vous Lucie. Nous avons publié plusieurs de vos romans, car vous avez une plume assez originale. Seulement, voilà, vos scènes d'amour ne sont pas assez explicites. C'est raconté de manière superficielle, un peu comme l'écrirait une personne sans expérience. Je réitère donc ma question, avez-vous déjà eu une relation sexuelle.

Les lèvres serrées, je gesticulai sur la chaise en bois, mes doigts entortillés sur mes cuisses. Cette chaise soi-disant design avait toujours été inconfortable, mais en ce moment, elle était au-delà du supportable. Croisant mes jambes à droite, puis à gauche, je tentais désespérément de diminuer la raideur que je sentais dans mon dos.

Je me découvris une soudaine passion, pour le tableau derrière lui. Il s'agissait d'une reproduction de la femme à l'ombrelle de Claude Monet. Il continuait à me dévisager, je le sentais en train de scruter le moindre de mes mimiques. Sans le vouloir mes yeux croisèrent les siens. Je les détournai rapidement vers ses étagères rouges sur lesquels trônaient l'ensemble des livres des auteurs qu'ils avaient publiés. Le mien n'était pas dedans. Evidemment, je ne devais pas vendre assez à son goût pour le mériter.

Il se racla la gorge et mon attention retourna de nouveau sur lui.

Il fallait que je réponde, mais quoi ? Devais-je lui mentir ou bien lui dire la vérité ? Il allait certainement se moquer. Ce n'est pas lui, avec ces petites bouclettes blondes et son sourire ravageur qui pourrait me comprendre. Il faisait partie de cette espèce d'homme que je détestais, ceux qui avaient conscience de leur pouvoir de séduction, et qui de ce fait enchaînaient les histoires d'un soir.

« Non, je n'ai encore eu aucune relation sexuelle, et alors ?! Mes livres se vendent non ? N'est-ce pas le plus important. Et puis, tous les écrivains ne donnent pas les détails des scènes sexuelles dans leur roman. Qui vous dit que je ne fais pas parti de ces gens-là. » Si ces mots me brûlaient les lèvres ce n'est pas pour autant que j'avais le courage de les dire.

Je restais donc là, coi, pendant que mon esprit fusait à 100 à l'heure à la recherche de la parfaite répartie pour lui clouer le bec sans pour autant mettre en péril ma vie de romancière.

Il claqua sa langue. C'était le signe qu'il était arrivé à la limite de sa patience. Si je ne répondais pas tout de suite je ne donnais pas cher de ma peau. J'inspirai un grand coup, et tout en me forçant à fixer ses iris vert clair, je cherchais toute la confiance que j'avais en moi pour répondre à sa question.

- Non, je n'ai pas encore eu de relation sexuelle. Même si ma voix était montée dans les aiguës, cette réponse ne me semblait pas démontrer la honte que je ressentais en ce moment.

Il tenta de dissimuler un sourire goguenard mais sans grand succès. Ce qui eut le don d'accentuer ma colère, tout en serrant les poings, j'attendais sa réponse.

- Hé bien il va falloir y remédier. Répondit-il en remettant son stylo numérique droit sur son bureau.

D'ici notre prochaine réunion il faudra vous documenter et acquérir de l'expérience dans ce domaine, si vous voyez ce que je veux dire. Il me lança un regard en coin, qui semblait plein de sous-entendu que je n'appréciais guère. Je veux que vos scènes soient si chaudes qu'elles émoustilleront vos lecteurs.

Moi qui pensais que mes yeux ne pouvaient pas s'écarquiller plus que ça je me trompais. Devant mon absence de réaction, il rapprocha son visage à dix centimètres du mien et rajouta « Vous avez compris Mademoiselle Minot ? »

Mon sang ne fit qu'un tour. Je me levais de ma chaise et frappai mes deux mains sur son bureau « Et que se passera-t-il Monsieur Duchêne si je refuse votre requête ? » demandais-je avec un sourire crispé. Son visage se fendit en un sourire encore plus hypocrite que le mien.

- L'édition arrêtera de publier vos romans et vous devrez rechercher une autre édition qui vous dira la même chose que nous. Vos scènes de cul sont nulles.

J'étais abasourdie par tant de franchise, mais je ne m'avouais pas vaincu.

- Si mes scènes étaient tellement nulles pourquoi me le dire que maintenant !

- Tout simplement, car vous étiez nouvelle, personne ne connaissait encore votre plume. De plus vos histoires sortaient du lot, mais au bout du troisième roman, on se lasse de voir les mêmes scènes sexuelles sans saveur. Le public commence à trouver ça en-nu-yeux. Ma proposition est donc simple, soit vous pimentez tout ça soit vous prenez la porte. Il jeta la version papier de mon manuscrit sur le bureau.

A ce moment-là, je le fusillai du regard. Mon égo venait d'en prendre un coup. Tout en enfournant mon manuscrit dans mon sac je lui rétorquai.

- Vous voulez du sexy, c'est ça ?! Vous allez voir, je vais faire de mon prochain roman un best-seller et alors vous serez obligé de ravaler vos paroles.

Son regard se mit soudainement à briller « Oh !  Mais avec grand plaisir Mademoiselle. J'accepte votre défi. Si vous faites de votre roman un best-seller, je vous promets que nous continuerons à publier vos romans ».

Après une poignée de main qui conclut notre marché, il me raccompagna à la porte, et me chuchota à l'oreille « Bonne documentation ». Tout en tenant mon oreille, je fis volteface mais mon éditeur avait déjà fermé la porte.





êtes vous prête à coucher?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant