Comment me rattraper

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,Chapitre 38 : comment me rattraper

Le temps était morne aujourd'hui, comme l'était mon humeur. Je regardais les gouttes d'eau se déposer sur le verre pour ensuite glisser jusqu'au rebord de la fenêtre, un spectacle qui se répétait à l'infini et je suivais des yeux les innombrables gouttes de pluie emprunter inlassablement le même chemin que la première.

La tête collait sur la vitre froide, une jambe repliée sur le rebord de la fenêtre, tandis que la seconde ballottait dans le vide, je tentais de méditer sur ma situation. Toutefois, c'était sans compter mon téléphone qui ne cessait de vibrer.

J'y jetai un regard du coin de l'œil, c'était un énième message de Bess.

Ça faisait plus de trois jours que je n'étais pas allé en cours ni même dans le local de notre petite société.

Je n'arrivais pas à me sortir les mots de Lucie de la tête, étais-je vraiment comme mon père ? Souffrait-elle autant ? Ma demande était-elle si égoïste ? Après tout, c'est la société qui veut donner un nom à toutes les sortes de relations, mais si deux personnes sont d'accord pour ne pas respecter cette règle, tant qu'ils ont confiance l'un dans l'autre. En quoi cela change-t-il quelque chose ? Je savais très bien ce qu'elle avait dû penser, que mon seul but était de pouvoir continuer à flirter avec d'autres filles. Pourtant, elle avait tort. Je ne savais juste pas comment exprimer avec des mots mon problème.

J'avais vu depuis tout petit mon père devenir de plus en plus indifférent envers ma mère, passer sans réellement la voir, répondre aux messages que d'autres femmes lui envoyaient lors des repas, quand il était à la maison. Il avait même fini par m'ignorer à mon tour. Parfois, dans ses bons jours, il s'asseyait sur le canapé et me racontait des histoires : comment il avait fondé sa société et comment il avait réussi à faire fortune et monter les échelons, mais dès que je posais des questions sur ma mère, il les évitait et partait dans son bureau pour s'y enfermer. Tout ce que je savais sur leur relation, je l'avais su par le biais de ma mère.

Elle l'avait rencontré quand il était encore qu'un étudiant en commerce, il était adorable à cette époque ne cessait-elle de me répéter, il lui offrait des fleurs, lui faisait toujours des surprises. Elle aimait particulièrement me raconter l'histoire où il était venu la voir en Espagne alors qu'elle était en vacance avec ses parents, il avait réussi à garder le secret jusqu'au bout.

Je n'avais jamais vraiment su si cette histoire était vraie ou si elle essayait de donner un semblant de bonté au personnage qu'était mon père. « C'est l'argent qui lui a fait tourner la tête, mais bientôt, il redeviendra ce qu'il était, j'en suis sûr » m'avait-elle confessée avant de m'enlacer aussi fort qu'elle pouvait, je savais déjà à cet âge qu'elle essayait juste de se convaincre. 

La plupart du temps, elle restait près de la fenêtre à attendre le retour de mon père, un café à la main, les yeux bouffis par les pleurs et le manque de sommeil. Généralement, quand il rentrait, il sentait le parfum d'une autre femme, ou son col avait une trace de rouge à lèvres. Ma mère feignait de ne pas voir, et l'embrassait ; quand il la laissait approcher ; comme si de rien n'était, se contentant de lui demander de poser sa chemise dans le panier de linger car elle était « tâchée ». Puis un jour, Sofia est rentrée dans sa vie et il n'est plus revenu. Il a envoyé les papiers de divorce ainsi que rajouter sa condition, qui consistait à prendre ma garde à mes seize ans.

Voir ma mère souffrir et se briser à petit feu m'avait fait haïr les relations amoureuses, et je m'étais promis de ne jamais réellement dans une relation amoureuse.

J'émis une profonde inspiration. Depuis que j'avais revu Lucie la promesse que je m'étais faite à moi-même ne tenait plus debout. Elle avait réveillé un sentiment que je m'étais efforcé d'ignorer. Je la voulais, je la désirais et je ne supportais pas de savoir qu'elle serait peut-être avec quelqu'un d'autre que moi.

Je me décidais enfin à lire les messages de Bess, qui commençait sérieusement à m'irriter du fait du nombre, on en était à plus de vingt maintenant. Ils étaient écrits tout en majuscule et parsemés de point d'exclamation. Décidément, celle-là, elle ne pouvait pas me laisser en paix, depuis ce qu'elle avait dit à Lucie j'avais commencé à l'ignorer une couleuvre qu'elle avait décidément beaucoup de mal à avaler.

Enzo :

Bess, arrête de me harceler, j'ai besoin d'espace !

Une seconde après mon téléphone vibra encore.

Bess :

Très bien ! Je voulais juste te dire que l'on avait gagné le concours, mais si tu n'en a rien à faire ! « Je te laisse respirer » maintenant !!!

On avait gagné le concours ? Je me relevai et me dirigeai vers mon ordinateur, pour voir le site où le nom du groupe gagnant était affiché, ainsi que la photo considérait comme la favorite du jury, c'était sans étonnement que je découvris la photographie de Lucie qui affichait une moue sexy en maillot de bain. Je sentis un élan de fierté se glisser dans mon cœur. Je m'empressai de prendre le téléphone prêt à appeler Lucie, mais je me ravisai, jamais elle ne répondrait à un simple coup de fil. Il me fallait une autre stratégie. C'est alors que mes yeux se posèrent sur le tissu Lila, qui pendait sur mon mannequin. Je savais exactement comment rattraper mon comportement et la récupérer.



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