Partie10

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Nous étions en juin 2015, je devais partir en voyage à Londres dans le cadre de ma formation avec toutes mes camarades de classe. Le jour du départ, j'étais déprimée, je ruminais la dispute avec Lydia. Je réfléchissais, j'hésitais à quitter la formation. Je me suis remise en question et je me suis rendue compte que les choix que j'avais fait concernant mon avenir professionnelle, je les avais fait par dépit à cause de la maladie. Ma passion première était l'événementiel, comme j'ai été recalée de toutes les licences que je souhaitais intégrer, je me suis retrouver dans le domaine du secrétariat. Pourquoi ? Parce que j'estimais que les métiers du secrétariat sont des métiers dans lesquels on exige une grande discrétion car on ne voulait de moi nulle part à cause de ma grande réserve. De plus c'est un secteur dans lequel il y a en général du travail. Aujourd'hui, je me rends compte que je ne m'épanouis pas dans ce type de poste. Durant mon expérience en contrat d'apprentissage, j'ai remarqué que c'est une fonction qui est très dévalorisée en France. Je discutais beaucoup avec les filles de ma classe, à plus de 90 %, nous étions d'accord sur le fait qu'on nous prenait pour des écervelées.

J'attends juste de guérir pour enfin m'épanouir professionnellement et choisir de travailler dans un secteur d'activité qui me plait. Pendant mon voyage à Londres, j'ai ruminé cette histoire durant tout le séjour, je pensais à ce clash. Même lorsqu'on faisait des visites intéressantes, j'avais l'esprit ailleurs, j'étais meurtrie intérieurement, c'était un mélange de tristesse, de rage et de haine. J'en avais des insomnies, le djinn me manipulait, je n'arrivais pas à enlever cette histoire de mon esprit, j'y ai pensé tous les jours durant mon séjour. Lorsque j'ai des ruminations mentales, je deviens insupportable, je parle plusieurs fois par jour de la même chose. Mes amis et ma famille ont parfois du mal à me supporter, je souffre énormément intérieurement, c'est comme si il fallait que j'en parle pour évacuer ma douleur. Je n'évacue rien du tout en fait, je m'enfonce encore plus dans ma souffrance, je n'arrive pas à passer à autre chose. Je me rappelle lorsque le djinn avait presque quitté tout mon corps, j'étais comme transparente, les remarques ne m'atteignaient quasiment plus, je les oubliais en 2 minutes. C'est à partir de là que je me suis rendue compte que cette grande susceptibilité et les ruminations mentales sont dues à mon djinn. Il veut que ma vie soit le plus triste possible.

A mon retour d'Angleterre je devais passer tout l'été en entreprise à temps plein, Lydia m'a accueilli avec un grand sourire hypocrite. Elle me faisait souvent ce type de sourires depuis que nous avions eu un clash, c'était ridicule à voir tellement c'était faux. Elle savait désormais que j'avais du caractère. Elle a quand même continué à me lancer des petits piques jusqu'à la fin de mon apprentissage, je préférais l'ignorer. Il y avait une nouvelle arrivante au sein de l'équipe, elle s'appelait Sophie, c'était la remplaçante de Paola. Sophie n'était pas très appréciée, pourquoi ? Parce qu'elle était très franche, c'était une femme très directe. Je m'entendais très bien avec elle car elle n'était pas hypocrite, elle avait la même façon d'être avec tout le monde quelque soit le niveau hiérarchique, lorsque nous étions amenées à travailler ensemble, elle me donnait des conseils sur comment améliorer mon travail, elle essayait de me faire avancer. Quant à Lydia, c'était une hypocrite de première, très peu de gens connaissaient réellement sa vraie face. Malheureusement dans le monde de l'entreprise on préfère les hypocrites qui rigolent et font causette avec tout le monde.

Après tout ce que j'ai traversé durant cette période d'apprentissage, j'attendais la fin avec impatience, je comptais les jours. J'ai même posé quelques jours de congés avant la date de fin de mon apprentissage, j'ai quitté l'entreprise un peu plus d'une semaine avant la fin de mon contrat. J'ai beaucoup appris professionnellement car je me suis battue mais je garde tout de même un mauvais souvenir de cette expérience. J'ai rendu mon mémoire de fin de formation, j'ai obtenu mon diplôme d'assistant de direction avec mention. A cause de mes expériences professionnelles chaotiques, j'ai une grande crainte du monde de l'entreprise. J'ai peur de la mauvaise langue des gens. Peu de gens font attention à la manière dont ils s'adressent aux autres. L'entreprise est un système dans lequel les intérêts personnels priment sur tout.

A cause de la maladie je suis bloquée au niveau du travail ça fait plus d'un an et demi que j'ai terminé mon contrat d'apprentissage. En un an et demi, je n'ai travaillé que un mois et demi, je peine à trouver un emploi stable. Pourquoi ? Parce qu'en France aujourd'hui la personnalité compte plus que les compétences, on recherche des gens qui ont la joie de vivre et surtout qui ont confiance en eux, tout le contraire de moi. La maladie paralyse ma vie pourtant, j'ai toute mes facultés mentales pour travailler. Etre black en France aujourd'hui est déjà un handicap et en plus de cet handicap, je manque de confiance en moi, je suis renfermée, mes chances de trouver un emploi sont donc très minimes. Lors d'un entretien, on vous fixe, en analysant tous vos faits et gestes. On analyse aussi votre façon de parler. Je parle couramment l'anglais, j'ai deux diplômes supérieurs mais avec la maladie tous ces bagages ne me servent à rien. On ne me laisse pas ma chance et je m'enfonce encore plus dans ma maladie, je passe mes journées à la maison, à ne rien faire à part broyer du noir.

Avoir une activité professionnelle me permettrait de donner un minimum de sens à ma vie, en même temps j'ai peur que le monde cruel de l'entreprise me détruise encore plus. Ma période d'apprentissage en entreprise a beaucoup aggravé mon état de santé. Je savais qu'un deuxième voyage au Sénégal s'avérait nécessaire. Je gagnais peu durant ma période d'apprentissage entre 700 et 800 € par mois mais je mettais un peu d'argent de côté entre 100 et 200 euros par mois, j'ai aussi mis de côté tout mon 13ème mois. Tout l'argent épargné m'a permis de financer mon deuxième voyage.

Le 22 mars 2016, deux ans jour pour jour après mon retour de mon premier voyage, je m'envolais à nouveau vers le Sénégal pour retenter à nouveau ma chance...

Posséder par un djinnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant