Chapitre deux

3.5K 298 43
                                    


 La porte s'ouvre en grinçant. J'entre dans la pièce fraiche qui s'offre à Eléonore et moi. Elle me tient toujours la main. Je l'entends refermer la porte. Le cliquetis de la serrure retentit. Le trousseau de clef tinte dans un bol en un son clair. Le bol en porcelaine de maman. C'est là où on met les clefs, pour ne pas les perdre, ou les oublier. J'entends des bruits de pas, des talons sur du carrelage. Je reçois une étreinte, chaude et affectueuse. On m'embrasse sur les deux joues. Ma mère. Ma mère qui s'appelle Anne. Ma mère qui est Américaine, mais qui vis en France depuis dix-huit années. Et qui a 43 ans. Je crois. Elle ne parle jamais de son âge. Je sais, qu'en tant que fille, je devrais savoir, mais elle n'en a jamais parlé. Elle parle de sa cuisine, de son travail... Jamais de son âge. Ni même de Papa. Lorsqu'Eléonore aborde la question, Maman change automatiquement de sujet, elle se débrouille pour faire oublier à Eléonore sa question, lui parlant de chose qui la passionne. Maman, elle est futée. Moi je ne dis rien. Je sais qu'elle ne répondra jamais à cette question, alors je les écoute, un sourire en coin. Le regard vide, au loin, sans rien voir, comme d'habitude.

Maman est cuisinière. Dans un grand restaurant, c'est la patronne. Nous n'avons jamais mangé dedans. Je suis simplement au courant du nom du restaurant. « Dreaming ». Je ne connais malheureusement pas l'histoire de ce nom. Maman nous cache beaucoup de choses...

J'enlève mes chaussures, prenant appuis sur le mur froid de l'entrée. La maison est très grande. Enfin, c'est Eléonore qui me l'a dit. Mais je la crois. Maman a mis ma chambre en bas, elle a fais tout un baratin a l'architecte de la maison pour que je sois en bas. Il ne voulait pas. Mais, elle a finalement gagné le combat. Leur chambres, à ma mère et Eléonore sont à l'étage. Mais Eléonore vient toujours dormir dans ma chambre, elle se sent seule me dit-elle... Bien que ça ne me dérange pas qu'elle soit avec moi ! Justement... Dans ma chambre, j'ai l'impression d'être perdue, même si j'y suis depuis que je suis née. Eléonore est ma sœur, mais c'est aussi ma meilleure amie. Ma seule amie. Elle me connait bien, vraiment bien. Mieux que quiconque, en fait. Et puis, surtout, elle me connaît mieux que moi.


Je sens le fumet du dîner de ce soir. J'entends Eléonore mettre la table, et Maman cuisiner. J'aimerais tellement les aider... Mais elles ne veulent pas. De toutes manières, je n'aurais pas pu aujourd'hui. Chenoa, la chatte de la famille fait un somme sur mes genoux, et n'a pas l'air de vouloir partir. J'ai souvent essayé de me débarrasser d'elle, mais c'est peine perdue. Je caresse son doux pelage. Chenoa signifie « Colombe Blanche » dans la langue Amérindienne. C'est Eléonore qui à choisie. Elle l'a nommé ainsi pour son pelage, soi-disant Blanc et long. Chenoa est donc une chatte blanche, au pelage angora, aux oreilles adorables et douces, ainsi qu'un petit museau rose pâle et duveteux, et aux coussinets identiques. Elle est courte sur patte. Quand je caresse ses pattes, j'arrive vite au vide. Comment je le sais ? C'est Eléonore qui me l'a dit. Eléonore me dit tout, quand je lui demande, elle me décrit avec plus de passion, chaque détail compte pour elle, même le plus discret, le plus petit, le moins important... parce que tout est important, pour Eléonore.

J'hume lentement le parfum qui se propage dans la maison. Je sens une viande, du poulet peut-être... ou quelque chose y ressemblant. Une odeur de lait vient chatouiller mes narines. De la crème ? Sûrement. Maman accompagne souvent sa viande avec de la crème, sa la rend plus onctueuse, plus douce aussi. Je n'en sens pas plus : La voix d'Eléonore résonne dans le salon.

- Viens Cassandre !

Sa main douce se pose sur mon bras découvert. Le poids de Chenoa s'enlève avec douceur. J'entends la chatte pousser un petit cri plaintif, mais rien de plus. Je souris. Elle ne veut jamais partir lorsqu'elle est sur mes genoux, mais se laisse enlever par Eléonore. Elle repose sa main sur mon bras. Son souffle vient chatouiller mon cou. Elle poursuit.

Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant