Chapitre trois

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La revoilà....

Les yeux rouges de la silhouette sombre se tenant devant moi me scrutent. Curieuse, je reste là. Peut-être n'ais-je pas la force de bouger, ou peut-être que oui, je suis curieuse... Curieuse de savoir ce qu'elle va dévoiler, aujourd'hui ! Ses yeux perçants rouges scintillent dans la pénombre. Je me sens tressaillir, trembler, bafouer. La silhouette fais un pas gracieux vers moi, ses jambes ensanglantées entrent encore plus dans la lumière, ses pieds sales et aux ongles longs et cassés sont plus encore dans la lumière, ses mains pleines de sangs à la peau arrachée s'avancent vers moi en tremblant. J'aperçois son menton, sa bouche... et la lumière s'arrête là... sa mâchoire est arrachée. J'arrive à voir ses dents, jaunes et monstrueuses alors qu'elle me sourit... Un cri aigue résonne dans le noir. Je me bouche les oreilles et cris aussi fort que je le peux, effrayée.


Je me réveille en sursaut. Je sens la sueur me coller à la peau, le pyjama trempé... Je soupire. Depuis que j'ai dix ans, je fais ce genre de rêve. Toujours le même en fait. Chaque jours, il se passe quelque chose. La silhouette se dévoile peu à peu. Et depuis quelques temps, elle se dévoile vite. Trop vite, par apport aux premières années... Je me lève, essayant de ne plus y penser. Je tâtonne mon lit. Des tissus différents. Là. Mes habits. Eléonore les y met, pour que je sois prête. Je me lève et avance, les mains en avant. Je cherche l'armoire. Mes mains touchent, non, percutent une matière. Du bois. L'armoire. Je la longe vers la gauche jusqu'à ne plus sentir le bois sous mes mains à la peau fine. Je me tourne, vers la droite. Saisie la poignée et entre dans une pièce chauffée. La salle de bain. Je me déshabille et entre dans la douche en enjambant parfaitement les marches. Comme si je les voyais.


- Je serais devant ta classe à la sonnerie, si je ne suis pas là, tu m'attends. D'accord Cassandre ?

J'acquiesce en regardant ma petite sœur. Elle me cris de loin que je suis devant la classe de SES. Je la remercie en chuchotant, sachant pertinemment qu'elle ne m'entend pas. Je rentre dans la classe bruyante. Plus personne ne parle. Je sens leurs regards chauds, même brûlants sur moi. Je suis pour eux un allien...


Je tape sur le clavier de mon ordinateur spécial ce que dit le professeur. Les touches sont en braille. Mais maintenant, je connais l'emplacement de chaque touche par cœur... à la maison, je n'aurais qu'à imprimer ce que j'écris et le texte sera imprimé avec des lettres, puis, en braille. Je n'aurais plus qu'à lire le cours. Enfin, avec les mains. Je sens une présence sur mon côté gauche. J'entends la respiration régulière de mon voisin. Il dort. Je soupire. Il est paisible. Comment être aussi paisible, alors qu'on dort en cours ? C'est interdit, il risquerait une heure de colle... ou peut-être que c'est parce que je suis trop à cheval sur les règles, que je réagis comme ça.

Je n'ai jamais bravé les règles. Je n'ai jamais dis non à quelqu'un, à un professeur, à un adulte. Je suis l'élève de laquelle on se moque parce que j'ai peur des répercutions, alors qu'il n'y a pas à avoir peur... En plus d'être celle qu'on regarde parce que je suis aveugle.

Un bruit sourd retentit sur la table en me faisant sursauter. Je sens mon voisin se relever en sursaut, lui aussi. C'est le professeur, qui vient de taper avec le tampon du tableau sur la table, pour réveiller mon voisin. Sous l'évidente hilarité des autres élèves. Le professeur s'excuse auprès de moi et sermonne mon voisin avant de prendre son carnet. Je souris, bizarrement.

A côté de moi, mon voisin n'a pas l'air de s'inquiéter grandement pour ça. Il rigole même avec les autres, en fait. Ce qui énerve le professeur.


La sonnerie retentit. Je range mes affaires, plus lentement que les autres évidemment. Je me lève, repousse la chaise... Les élèves sont déjà partis. Tous, sauf mon voisin. Il attend surement de reprendre son carnet. J'entends le stylo du professeur frotter contre la feuille du carnet. Je sors de la classe. Lentement. Eléonore n'est pas là. Je ne sens pas sa présence. Je m'adosse contre un mur et attend, tranquillement, les yeux clos –de toute façon, qu'ils soient ouverts ou fermés, ça ne change rien.-

- T'attends qui ? Une voix masculine me fait rouvrir les yeux.

- Ma sœur.

- Tu sais qui je suis ?

- Non.

- Tu veux savoir ?

- Non.

Il semble vexer de ma réponse car je n'entends plus un mot de sa part. Je sens toutefois son regard se poser sur moi. Il m'observe.

- Tant pis. Je te le dis quand même, il insiste, déterminé. Mais qu'est-ce qu'il me veut ? Il reprend : Je suis Matthieu. Ton voisin de SES.

- D'accord, dis-je d'une voix monotone.

- Tu t'en fiches ?

- Oui !

- Pourquoi ? je sens de la surprise, de l'inquiétude dans sa voix.

- Tu me veux quoi à la fin ? je demande agacée.

- Répond à ma question... S'il te plait !

- Je m'en fiche parce que tu ne m'intéresse pas. Ni ta vie ni ton identité ne m'intéresse !

- D'accord... Moi, je voulais juste te parler. Salut ! A demain. Enfin, en cours.

Est-il triste ? Si oui, pourquoi ? Je ne suis pas plus intéressante que lui, je le suis sûrement moins d'ailleurs. Je l'entends s'éloigner. J'entends aussi une personne s'avancer vers moi. Elle me prend la main. Eléonore. Vient-elle d'arriver ? Si non, depuis combien de temps est-elle là ? Elle me tire. Je la suis. Nous rentrons à la maison.


Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant