Chapitre vingt

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- Je t'ai dis de DEGAGER !

Je me réveille en sursaut.

- Attends, Tiago... fais une voix, désespérée.

- Putain de merde, Mattieu, tu comprends pas ? J'y vais, quoi qu'en dise Damon, Tristan, toi, ou même Cassandre ! répond une autre, celle qui m'avait réveillée, brutalement.

Je suis plongée dans mon néant habituel, et pourtant, je ressens tout, comme si j'y étais. Tiago, oui Tiago, qui, avant-hier encore, était adorable, calme, patient, dans une colère profonde, peut-être même un désespoir, hors du commun pour lui. Je n'avais jamais encore senti ce sentiment, émanant si fortement de sa personne. A côté, je sentais Matthieu, désespéré lui aussi, inquiet, lui aussi, mais pas de la même manière que Tiago. Il essayait de le contenir, de permettre à Tiago de se calmer.

Je ne sentais ni la présence de Damon, ni celle de Tristan, à l'extérieure de la tente. Comme s'ils avaient disparus.

Je me dirige vers la porte de la tente, sans grandement faire attention à ma discrétion. J'aurais pu réveiller une horde de paresseux, s'il en existait en France –et si une horde de paresseux était possible !-. Le silence se faisait percevoir à l'extérieur, seul le piaillement des oiseaux et le bruit du vent contre les feuilles et les germes des arbres étaient audibles.

L'un de mes pieds nus se pose sur l'herbe. Je frissonne, et ne bouge plus pendant de longues secondes, me rendant compte de ce qu'il se passait, avant de fermer les yeux.

Devant moi, Matthieu, tête baissée, les poings serrés, évite mon regard. Quant à Tiago... Il me dévisage, les sourcils froncés, inquiet, ses yeux clairs bouffis et ses joues rougies par sa colère, sa tristesse, sa peur... Je le regarde, incertaine, l'interrogeant de la seule expression de mon regard. Il baisse les yeux et je crois discerner une larme coulant sur sa joue, avant qu'elle ne tombe peut-être, ne laissant plus aucune trace d'un possible passage sur la joue mate du jeune homme.

Mon expression se fige, ma bouche s'ouvre lentement. Je comprends enfin.

Déjà deux jours matinée qu'Aaron était parti. Sans provisions de grande ampleur. Sans rien pour s'abriter. Juste des armes, et de quoi le protéger en cas d'attaque.

Il n'était censé que partir en simple reconnaissance. Un éclaireur. Trouver Chrystal. Non pas la ramener.

Et j'avais arrêté de rêver. Je l'avais dis, ça ? Nan, j'crois pas... Si j'ai arrêté de rêver, c'est que ça veut dire qu'il s'est passé quelque chose. Que le rêve, ou plutôt la vision, s'est réalisée.

Il était arrivé quelque chose à Aaron. Déjà hier, la tension était palpable à cause de son absence. Avant-hier aussi. Il avait cette prestance, qu'aucun autre n'avait. Il avait beau ne parler presque jamais, sa simple présence nous suffisait pour savoir où nous en étions. Il n'était pas le plus âgé, et pourtant, c'était comme s'il était le père de cette famille... Si on oubliait Damon.

Et puis Chrystal... Ne plus rêver d'elle ne m'inquiéter pas plus qu'avant... Je restais anxieuse, mais tout autant qu'avant. Il ne pouvait rien lui être arrivé, je le sentais, j'avais cette impression qu'elle était toujours là... Sinon, il était certain qu'une flamme se serait éteinte, indirectement, dans le regard de Tiago. Je l'aurais su.

- Personne ne quitte cette clairière avant qu'on décide ce qu'on va faire. C'est bien compris Tiago ?

Je sursaute. Les garçons, eux, relèvent la tête de surprise.

Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant