Chapitre vingt-neuf

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            Les yeux de Sylvain restent baissés pendant toute la tirade où Aaron explique ce qu'il s'est passé pendant la mission. La trahison de Damon, son emprisonnement lorsqu'il a retrouvé Chrystal, le moment où je les ai rejoints, la rencontre avec Samuel, le moment où Damon m'a emmené avec lui –j'ai dû expliquer ce qu'il s'est passé de mon côté, lorsque j'ai rencontré Monsieur Roy-, leur libération par Tiago et les garçons, lorsqu'il est venu me chercher, que Damon l'a découvert et à élaboré son plan, la course poursuite, l'explosion... Il a finis par raconter mon rêve concernant la Harpie et le moment où nous sommes retournés à l'entrepôt pour la retrouver.

Nous avions demandés à Sylvain si nous pouvions lui expliquer la disparition de Damon en privée. Ni Aaron ni aucun de nous n'avait envie que les autres pensionnaires apprennent la trahison de Damon, alors qu'il avait tout fait pour nous sauver après coup. Alors Sylvain nous avait conduits dans son bureau, sous les protestations des autres Empathes qui pourtant attendaient dehors.

Sylvain n'a finis par relevé les yeux qu'après de longues minutes de silence, et sans doute de réflexion pour lui. Il était triste : si j'avais bien compris, il connaissait bien Damon. Ce devait être quelque chose de choquant d'apprendre qu'un homme qu'on pensait connaître avait quelque chose à voir avec des enlèvements et la création des créatures. J'avais eu du mal à l'assimiler, moi aussi, mais je ne connaissais sans doute pas Damon aussi bien que d'autres le connaissaient. Le pire je pense à comprendre pour Sylvain devait être la mort du jeune homme aux yeux sombres. Mais Sylvain était fort et tenait bon. Ses yeux clairs n'avaient pas laissés échapper la moindre larme. Il n'avait pas étouffé le moindre sanglot. Ses yeux étaient juste... embués. Incertains. Et j'avais du mal à ressentir exactement les émotions de l'homme, et je compris à cet instant que c'était lui qui avait dû apprendre à Damon à contenir si bien ses émotions auprès des Empathes. C'était vrai qu'un homme important au sein d'une société ne devait pas être cerné par les autres. La moindre faiblesse, le moindre instant où il pouvait ne pas être bien... pouvait lui être fatal.

- Merci, les enfants, pour ce que vous avez fait. Vous avez ramenés ceux que vous pouviez, et c'est le plus important, annonce-t-il d'une petite voix.

- On aurait pu l'aider et le ramener, lui aussi, annonce alors Matthieu entre ses dents.

- Damon avait décidé ce qu'il ferait, rien n'aurait pu l'en empêcher.

- Si, si on avait su avant... répond Matthieu en serrant les poings.

Sylvain secoue la tête en guise de réponse, les yeux fermés. Je n'avais jamais vu Matthieu comme ça. Lui qui semblait pourtant détester Damon... Il se sentait coupable de sa mort. Comme nous tous. Mais nous avions assimilé. Nous avions compris. Pas lui. Et je comprenais, qu'il ne l'ait pas encore bien intégré. Il avait dû se rendre compte d'énormément de choses en peu de temps, tout comme moi, même si quelques fois j'avais l'impression de peut-être mieux les avoir compris que lui...

- Avant que nous ne commencions à manger et à fêter le retour de nos amis, j'aimerais porter un toast en l'hommage de Damon, mort afin de laisser la possibilité à ses amis de rentrer saufs de leur mission. Il était important pour cette société que nous avons crées et il le restera toujours.

Sylvain se rassoit après ce bref discours, son verre de champagne toujours levé. Il n'avait pas évoqué le fait que la famille de Damon soit impliquée, il n'avait pas évoqué cette trahison. Il n'avait fait que porter un toast en l'honneur de lui, le qualifiant de héro pour les yeux des pensionnaires. Il m'a adressé un regard, avant de lever un peu plus son verre en ma direction, discrètement, avant de commencer à boire. Je lève le mien, puis l'imite, avant de donner mon verre à Matthieu qui était encore à côté de moi.

- T'aimes pas ?

- Non, j'ai jamais aimé le champagne.

- Tant mieux, ça en fait plus pour moi ! Tu te rends compte qu'on a le droit qu'à un seul verre ? C'est pas normal ! Je suis majeur, et je fais même pas partie de cette communauté... Je devrais avoir le droit de boire ce que je veux et autant que je veux !

Je souris au ton qu'il avait employé. Il exagérait. Il le faisait exprès. Et j'avais retrouvé le Matthieu qui avait toujours un mot pour faire rire, bien que je sache pourquoi il faisait ça. Il disait ça pour lui-même se changer les idées. Il disait ça pour lui-même tenté de redevenir lui-même, alors qu'il savait très bien que ça ne serait jamais plus le cas. Il redeviendrait un peu comme il était avant. Mais avant, il ne croyait pas en toutes ces choses, avant, il n'avait pas vu ce qu'il avait vu. Avant il était ce jeune homme qui dormait en classe de SES, avant il était ce garçon qui passait ses nuits devant un écran d'ordinateur à jouer à ces jeux additifs dont raffolent les garçons. Mais il avait grandit. Il avait gagné en maturité. Il avait rencontré de nouvelles personnes, il avait appris de nouvelles choses sur le monde qui l'entourait.

Moi,avant j'étais une fille aveugle. Avant je vivais dans un néant infinis, sans la moindre couleur, sans la moindre forme... Mise à part peut-être dans mes rêves.Ça m'avait toujours étonné de réussir à voir les formes, les couleurs, deviner ce qu'étaient les choses que je voyais... Mais je ne m'étais jamais posée plus de questions que ça. Au final, j'avais vécu jusqu'à aussi loin que je pouvais m'en rappeler en faisant des rêves et des cauchemars où je pouvais voir. J'avais toujours été habituée à voir, inconsciemment. Alors oui, avant je ne voyais pas. Pouvait-on vraiment dire que j'étais aveugle ? Je n'en étais pas sûr.Que voient réellement les aveugles ? Une lumière blanche infinie ou un vide sombre et interminable ? On ne pourra jamais le savoir.




Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant