Chapitre quatre

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Je sombre dans l'ennui le plus profond. Eléonore fait ses devoirs, et l'imprimante de braille est en panne. Le temps qu'un réparateur vienne et qu'il s'occupe d'elle, il sera déjà tard. Enfin, ça c'est s'il conte s'en charger aujourd'hui. Il y a de grandes chances –pour ne pas dire immenses- pour qu'il s'en occupe demain, et seulement demain... Je pousse un soupire.

Je pense à Matthieu. Pourquoi ? A vrai dire, il occupe mes pensées depuis cette fin d'après-midi. J'imagine un visage derrière cette voix grave, mais cette voix virant à l'aigue lorsqu'il est surpris, inquiet ou encore déçu. J'imagine un visage derrière cette douce voix d'homme.

J'imagine un jeune homme, plus grand que moi, à vrai dire, ça j'en suis sûre, je sentais tout à l'heure son souffle chaud caresser mon visage, mon front. Balayer d'un léger souffle quelques mèches rebelles. Un garçon au visage fin et fort. J'imagine ce garçon avec un sourire amusé, un sourire taquin, sans cesse dessiné sur le visage. J'imagine un doux et beau regard perçant, se poser sur moi. Je regrette aussitôt ces paroles, prononcées quelques heures plus tôt, avec ce dédain habituel qui m'habitait.

Mais je n'ai pas l'habitude, qu'on vienne me parler. Je n'ai pas l'habitude qu'on veuille savoir des choses sur moi. Qu'on veuille me connaître. Alors j'ai arrêté d'être douce, d'être gentille, avec les gens qui viennent me parler. Parce qu'au collège, j'en ai tiré de mauvais souvenirs.

Je ferme les yeux. Je sais que mon poult ralenti. Je vais m'endormir. Je vais m'endormir en pensant à ce garçon, à ce Matthieu je ne sais comment, qui peut-être voulait me connaître, ou qui peut-être cherchait à se moquer de moi, à se servir de moi, comme l'avaient fait de nombreux autres avant lui, qui étaient venus me voir, me parler, m'intimant de devenir leur amie, pour finalement derrière me lâcher, me dire que je ne suis rien, que je ne vois rien, que je ne sais rien faire seule, que je suis une assistée. Je m'endors en voyant Matthieu, ce que j'imagine de lui, et son visage d'ange, me sourire, gentiment, sans aucune arrière pensée malsaine, juste... gentiment.


- Cassandre ? Nous partons faire les courses avec ta sœur. On revient dans une petite demi-heure !

Je me réveille en sursaut, sentant une main douce sur mon épaule. La main de Maman cette fois. J'acquiesce en baillant, la main devant ma bouche. Quelque bruit de pas. La porte se referme en claquant. Je soupire, tente de me rendormir, en vain. J'ai beau penser et repenser encore et encore, à des sujets diverses et variés, mon cerveau lutte pour ne pas céder au repos que je lui propose. Je soupire une fois encore.

Je me lève en prenant appuis sur l'accoudoir remplit de mousse, ce dernier me fait tomber à la renverse. J'atterris sur le tapis ancien de Maman. Je pousse un énième soupire. Déjà maladroite accompagnée, plus encore étant seule !

Je tourne en rond –sur place-. Que faire ? Chenoa est sans doute dehors, vue l'heure qu'il est –nous sommes en fin d'après midi, l'heure idéale pour se prélasser au soleil sans qu'il fasse trop chaud-, je n'ai pas mes cours de la journée pour réviser et ni Eléonore ni Maman ne sont présentes... Je ne vois rien et donc je ne peux faire aucun jeu ni aucune série ne peut m'occuper. J'avance et me dirige vers l'entrée de la Maison.

Pourquoi l'entrée ? Simplement pour les attendre. Bien qu'elles ne soient pas parties depuis plus de cinq minutes, les courses ne durent jamais plus de vingt minutes, vingt-cinq quand il y a quelques problèmes à la caisse ou sur la route. Elles font très peu les courses toutes les deux, si c'est le cas, c'est qu'il y a des choses lourdes à porter. Les petites courses, Maman les fait seule.

Regard NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant