Part 13

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Je lisais tour à tour l'étonnement, l'incrédulité, et la gêne peut être, sur son visage tout en étant sûre que le mien reflétait des sentiments aussi contradictoires.

Je regardais par-dessus son épaule et constatais que mon frère était tout sourire, ce qui me donna le booste nécessaire pour me ressaisir. Me rapprochant encore plus d'elle, je prenais sa main transformant la poignée de main en pression légère.

- Yacine. J'avais à peine soufflée son nom, je devrais être la seule à l'avoir entendue. Si ce n'est une coïncidence... D'habitude je ne crois pas à la mauvaise fortune, mais là je commence vraiment à avoir des doutes.
Mon dernier « Chinese takeout » (commande d'un restau chinois) m'a littéralement laissé « sur ma faim » avec un fortune cookie (biscuit dans lequel les chinois insèrent un bout de papier qui contient une citation qui a pour but de nous prédire l'avenir) qui disait : « circumstance doesn't make the man ; it reveals him to himself » (nous n'avons pas toujours le controle des circonstances de la vie, mais nous pouvons décider de comment réagir face à toute situation. La manière dont nous résolvons les situations auxquelles nous sommes confrontées nous révèle qui nous sommes mais aussi nous aide à façonner qui nous serons demain. Après cette étape, nous changeons soit légèrement, soit de manière drastique, ce qui a un impact important sur notre personnalité à la date d'aujourd'hui ainsi que notre aptitude à affronter les autres circonstances qui émergeront dans le courant de notre vie.)

Je me ressaisis en me rapprochant plus d'elle pour une bise et pour la prendre chaleureusement dans mes bras.

- Bonjour Aisha, comment vas-tu ? J'ai tellement entendu parler de toi ?
- Moi aussi, d'une certaine manière...
Mansour me lança un regard inquisiteur, le sourcil levé. Nous prenons place sur le canapé qu'elle occupait. Bijou se leva pour s'enquérir du choix de boisson de tout un chacun et me tendit un verre de jus d'orange que je saisis avec reconnaissance. La vitamine C me redonnera peut être un peu d'énergie, j'essayais de ne pas trahir mes sentiments en m'accrochant aussi peu que possible au pauvre verre qui ne m'avait pourtant rien fait.

Mansour discutait avec maman et Bijou, nous laissant le soin de faire connaissance Yacine et moi. Je crois qu'il accorde vraiment beaucoup d'importance à ma relation avec cette dernière. Il m'a toujours fait part de ses « inquiétudes » par rapport à la relation qu'on entretiendrait avec sa femme. Maman est de nature assez douce, même si comme toute bonne femme elle aime se faire respecter et en tant que mère de famille elle a l'habitude de prendre les décisions importantes dans les affaires de notre famille mais elle comprend que le jour où son fils prendra femme, celle-ci se devra de construire sa famille à elle-même et que bien vrai qu'elle ait besoin d'être épaulée, maman ne peut se permettre « d'empiéter » dans sa vie de femme mariée. Comme on dit si bien, à chacun son tour chez le coiffeur... sa belle mère a été des plus compréhensibles avec elle, il est temps qu'elle en fasse de même avec sa future belle-fille. Surtout qu'elle ne sait pas du tout sur quoi je vais tomber. C'est aussi un sujet qui m'inquiète un peu, nous vivons dans une société dans laquelle la vie conjugale ne s'arrête pas qu'aux époux. Quand tu te marie avec un sénégalais, un africain je dirai même bon pas tous mais la plupart, c'est comme si tu étais mariée à toute la famille, tout le monde pense avoir son mot à dire aussi bien la maman que les sœurs et cousines et toi tu dois juste acquiescer et te taire.

Je jette un regard en coin à Yacine qui boit son jus à petites gorgées, Mansour nous regarde avec insistance ne comprenant pas notre calme. J'ai tellement pitié de lui en ce moment, il ne peut pas comprendre tout ce qui passe dans ma tête en ce moment...donc Yacine la cousine de Ndeye Astou est sa fiancée, je meurs d'envie de la bombarder de questions, mais je me retiens au dernier moment essayant de paraître aussi gracieuse et calme que possible même si je ne fais que bouillir de l'intérieur. Je comprends maintenant l'empressement d'Anta quand elle me posait toutes ses questions au sujet de Ndeye Astou. Je me décide donc de me jeter à l'eau parce que non seulement elle est venue chez moi, je me dois donc de me comporter en hôte accueillant et agréable, mais aussi si je me tiens de mon côté je n'aurais pas les réponses à toutes ces questions que je me pose en ce moment.

Chronique d'Aisha - Conféssions Intimes: L'inconnu au regard de braiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant