- Sebastian Moran.
Il se retourna et tomba à nouveau sur la jeune femme qui l'avait accueilli à son arrivée. Elle avait l'air occupée mais plutôt intéressée par le fait que le jusqu'alors étranger avait rencontré le patron.
- Monsieur Moriarty m'a chargée de vous expliquer en quoi consiste votre engagement, et le fonctionnement de l'entreprise.
Il eut envie de sourire ; appeler tout ceci une « entreprise » était une idée légèrement exagérée selon lui. Mais après tout, il était encore nouveau et n'y connaissait pas grand-chose, si ce n'est que le fameux Monsieur Moriarty était du genre sérieux sur le sujet.
- Ici, reprit la jeune femme, c'est ce que vous pourriez appeler le QG. Les contacts avec les pays étrangers, les systèmes de codes, les caméras de surveillance, les achats de matériel se font ici. Tout est très rigoureux, précis, organisé et planifié dans les moindres détails. D'après mes informations, vous êtes un sniper ?
Encore une fois, elle n'attendait aucune réponse, et poursuivit :
- Vous aurez donc souvent affaire à Jones. C'est lui qui s'occupera de vous trouver les armes dont vous aurez besoin en fonction des circonstances. Il est bien sûr inutile de préciser que ces armes ne sont pas de votre propriété et ne vous sont que temporairement prêtées, par conséquent vous n'êtes pas en droit de les utiliser pour vos fins personnelles. C'est compris ?
Il acquiesça. De toute façon, il avait son sniper à lui, et il ne voyait pas trop en quoi il aurait besoin d'un flingue supplémentaire pour ses « fins personnelles ». La jeune femme trifouilla dans la pile de dossiers qu'elle serrait dans ses bras pour en sortir un feuillet qu'elle lui tendit. Il le prit, curieux, et parcourut rapidement la première page ; ce n'était que des mots mis à la suite des autres, sans grand sens à son humble avis. De temps en temps, en face ou entre les mots, des chiffres, des nombres, des pourcents, des degrés, des pounds,...
- Votre première « mission », précisa la femme. Lisez ce dossier attentivement. Il contient toutes les informations dont vous aurez besoin.
- On ne peut pas dire que ça soit tout à fait... clair...
- C'est normal, c'est la copie informatisée des notes du patron.
Ah, il comprenait mieux. Soudain ce feuillet approchait de la relique en or entre ses mains.
- Écoutez, pour l'instant je n'ai pas le temps de vous expliquer le système en détails, reprit la femme. Lisez-le, essayez de comprendre un maximum, et si tout à l'heure vous avez besoin de mon aide pour le décrypter, venez me trouver.
- D'accord, merci.
- Vous avez des questions, à part ça ? demanda-t-elle.
- Hum... Vous allez toujours me parler comme ça ?
La jeune femme le regarda bizarrement, puis rougit et replaça une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille.
- Je suis désolée, c'est l'habitude... Il faut être très rigoureux, sérieux et précis, ici, vous savez, donc ne le prenez pas contre vous si je suis un peu... sèche.
- Ce n'est rien. Mais on pourrait commencer par se présenter, non ?
La femme releva la tête, intriguée :
- Je sais qui vous êtes.
- Quelle est ma couleur préférée ?
La jeune femme le regarda quelques secondes puis rougit de nouveau.
- Je veux dire que je sais que vous vous appelez Sebastian Moran.
- Et moi je sais que vous vous appelez Katherine, mais ça ne veut pas dire que nous nous connaissons.
Elle parut surprise, presque choquée :
- Comment connaissez-vous mon prénom ?
- C'est Ji... le boss qui me l'a dit.
Elle prit brutalement une teinte écarlate, encore plus qu'auparavant et le regarda d'un air affolé mais timide, hésitant :
- Il... Il vous a parlé de moi ?
Il eut envie de sourire mais se retint. Alors comme ça, le stéréotype se confirmait : les secrétaires tombaient amoureuses des patrons. Bon, il s'imaginait bien que, pour une jeune femme, Jim Moriarty pouvait avoir un charme fou et intimider autant que séduire, mais tout de même... Ça lui faisait bizarre. Savoir que quelqu'un aimait l'homme qu'il venait de rencontrer et qui l'avait tant passionné, dès le premier regard.
- Oh, il a évoqué votre nom... Pour me dire que vous viendriez m'informer, vous voyez...
- Ah, oui, je vois... murmura la femme en baissant les yeux.
Après quelques instants, il tendit la main et reprit :
- Sebastian Moran.
Elle releva la tête, surprise et encore rouge, mais lui serra la main :
- Katherine Evans.
Il fit un effort surhumain et lui fit un sourire, car sourire n'était décidément pas dans ses habitudes, même si elles avaient été chamboulées par son nouveau boss. Elle parut un peu rassurée et parvint même à lui rendre son sourire, plus confiante. Soudain un éclair de malice traversa ses yeux et elle dit :
- Quelle est votre couleur préférée ?
Il sourit sans effort cette fois.
- Je n'en ai pas la moindre idée. Un café ce soir, ça vous dit ?
Elle se mit à rire.
- Avec plaisir.