Chapitre 28

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          Il n'avait pas de mission ce matin-là ; c'était tant mieux, il n'y serait probablement pas allé de toute façon. Il était neuf heures et demie quand il se réveilla sur ce qu'il restait de son lit. Pendant quelques courts instants, il crut que ça n'était qu'un cauchemar, mais la réalité le gifla une seconde fois lorsqu'il ouvrit les yeux.

Cet étrange état de fatigue constante – qui se renforçait de jour en jour, et particulièrement à cause du coup de massue de la veille – devenait trop pesant pour qu'il puisse le subir seul. Il fallait qu'il rassemble son courage pour s'en libérer. Mais avec qui partager ça ? Qui voudrait l'écouter ? Qui était encore de son côté ?

Péniblement, il se traîna d'une pièce à l'autre tel un fantôme. Il ne prit pas de douche, vaporisa ses aisselles de déodorant, enfila les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main. Il ne se rasa pas, ne se coiffa pas.

Traînant les pieds, il parcourait bientôt les rues froides de Londres. À chaque pas, son ventre se serrait un peu plus, ses épaules semblaient porter un poids de plus en plus lourd. Quand il se retrouva face à la porte d'entrée du bâtiment qu'il ne connaissait que trop bien, une furieuse envie de vomir le prit aux tripes. S'armant de tout ce qu'il lui restait de courage, il franchit le seuil, traversa les couloirs et finalement, ouvrit la grande porte qui donnait sur la salle des bureaux. Comme il pouvait s'y attendre, tous les regards étaient rivés sur lui. Tout le monde savait comment il avait quitté la mission, c'était certain. Peut-être même qu'ils étaient au courant de l'état de son appartement. Tout se savait, dans cette entreprise, il l'avait appris à ses dépens à plusieurs reprises. Et l'idée que les responsables du saccage soient très probablement devant lui en ce moment-même lui donnait envie de faire demi-tour.

Mais il aperçut Katherine au fond de la salle, fouillant des dossiers dans la grande armoire derrière son bureau. Lentement, il s'approcha d'elle : peut-être était-elle la personne vers qui il devait se tourner ? Après tout, elle lui avait toujours témoigné de la sympathie...

- Salut, lança-t-il.

- Ah, Sebastian, salut, lança-t-elle en lui jetant un rapide coup d'œil. Tes fardes sont sur mon bureau, la jaune et la verte.

- Je pourrais te parler d'un truc ?

- Hum... Je suis vraiment super occupée pour le moment, ça ne m'arrange pas trop. Peut-être ce soir, ou demain ? Vraiment désolée, j'ai mille choses à faire, je ne peux pas faire de pause là tout de suite.

Sans attendre de confirmation, elle prit dans ses bras une énorme pile de dossiers et contourna Sebastian pour poser le tout sur son bureau. Sans un regard de plus vers lui, elle s'assit rapidement et se mit à éplucher attentivement les dossiers, l'air concentrée. Il aurait aimé lui faire comprendre que c'était important, mais il se rendit compte qu'il ne savait même pas exactement ce qu'il voulait lui dire. En silence, il se retourna vers le reste de la salle, où la plupart des employés le fixaient toujours.

A leur bureau habituel se tenaient Cooper et Curtis, Nantorres et Wales. Il ne se sentait proche d'aucun d'entre eux. Mais il devait prendre sur lui. Préparant péniblement quelques phrases dans sa tête, il se força à prendre plus d'assurance malgré le poids de ce qu'il vivait. Plein d'appréhension, il s'approcha lentement de Curtis, qui lui semblait être le plus bienveillant de la bande.

- Harry ?

- Ah tiens, salut, sourit-il vaguement. Ça va ?

- Ben, justement... Il y a moyen que je te parle d'un truc, en privé ?

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