Le bruit de la cafetière le réveilla : Moriarty était levé. Hors de question pour Sebastian de faire la grasse matinée. Il sortit des draps, s'étira, et saisit son téléphone. 5h12. Sebastian hocha la tête, incrédule. Moriarty, il le savait, n'utilisait ni réveil ni alarme. Malgré cela, il se levait toujours aux aurores et, Sebastian le remarquait, de plus en plus tôt ces temps-ci. Qu'est-ce qui le préoccupait tant ?
Il s'habilla rapidement et sortit de la chambre d'amis. Devant ses yeux encore un peu brouillons, l'irlandais sirotait son café, majestueux dans un costume beige. Une épingle à cravate ornait son torse d'une minuscule couronne brillante.
- Bonjour, Moran.
Ses yeux étaient rieurs, ses lèvres sereines.
- Vous avez un rendez-vous, aujourd'hui ? lança Sebastian en s'approchant de la cuisine.
- De plus en plus observateur... Et qui vous dit que ce n'est pas à vous que je veux plaire ? taquina Moriarty d'un clin d'œil aguicheur.
Il était manifestement de bonne humeur.
- Ce serait une première, répondit simplement Sebastian en posant son téléphone sur la table.
- Oh, je ne m'avancerais pas là-dessus, sourit Moriarty. Mais vous avez vu juste : je vois quelqu'un ce matin.
- Un associé ?
- Une nouvelle recrue. Un tireur danois qui n'a jamais raté sa cible. Il devrait rejoindre votre brigade d'ici cet après-midi. C'est le genre d'homme appliqué, efficace et ne perd pas de temps pour travailler.
Ces mots lui donnèrent une sensation étrange et même désagréable. Sa raison voyait aux traits de Moriarty qu'il n'en était rien, mais ses tripes nouées lui intimaient que ce commentaire lui était directement adressé.
- Je voudrais que vous soyez là pour le briefing, poursuivit Moriarty. Tâchez d'être attentif à ce qui se dit. A 8h dans mon bureau. D'ici-là, le dossier vert attend votre expertise.
Sebastian acquiesça, la tête orageuse : qu'il assiste au briefing du nouveau sniper ? C'était bien la confirmation que Moriarty voulait le mettre à l'épreuve.
Moriarty posa sa tasse vide sur la table, réajusta sa cravate et s'avança pour s'éloigner ; au dernier moment, lorsqu'il passa juste à côté de Sebastian, la main délicate vint replacer le piercing sur l'oreille du blond, de ce geste maniaque et possessif qui ponctuait leurs entrevues.
Puis l'irlandais s'éloigna et referma la porte derrière lui. Ce geste finit de décider Sebastian : il allait mériter et garder l'estime de Moriarty.
Il travailla d'arrache-pied sur le dossier à préparer, un œil sur l'horloge. A 7h30 précises, il avait terminé. Il prit une douche et un petit-déjeuner bien mérités et entreprit de retrouver calme et assurance. Puis, ce fut l'heure.
Sebastian, son dossier en main, frappa à la porte du bureau du patron.
- Oui, entrez, répondit la voix de l'irlandais.
Il entra dans la pièce, et Moriarty, occupé à son ordinateur, lui fit signe de s'asseoir sur l'une des deux chaises en face de lui. Sebastian déposa le dossier sur le bureau, dans l'attente d'un retour positif quelconque, mais rien ne vint. Le blond s'assit en silence et attendit la suite. Moriarty, toujours plongé dans son travail, tint le silence. L'atmosphère semblait s'alourdir de dix kilos à chaque minute qui s'écoulait.
Finalement, la petite sonnette s'enclencha sur le bureau. Moriarty se redressa, ferma ses dossiers, puis appuya sur un interrupteur. La porte s'ouvrit sur Trevor Louis qui s'inclina légèrement pour saluer le Big Boss. Sebastian crispa la mâchoire, encore amer de sa dernière entrevue avec le meneur.