A peine sorti de la jeep, l'inconnu dévorait le paysage des yeux, un paysage recouvert d'une couche blanche glacée, toujours avec cette étincelle de réflexion, comme s'il analysait tout ce qu'il voyait avec le plus grand soin. Ses yeux s'agrandirent, comme ceux d'un enfant qui s'émerveille.
- Bel endroit. Je comprends que vous aimiez venir ici.
L'autre homme, après avoir savouré ce regard autant fasciné que fascinant qui éclairait le visage de l'inconnu, contourna la voiture pour ouvrir le coffre. Il en sortit son arme fétiche, son petit protégé, bien à l'abri dans son coffret. Il accrocha la sangle et le mit en bandoulière.
- On y va ? proposa-t-il à l'inconnu.
Ce dernier se retourna vers lui et son regard tomba sur l'arme.
- Un sniper à bille ? Vous ne vous ennuyez pas, vous... s'enthousiasma-t-il.
Il eut envie de rire devant cette réaction.
- Vous l'avez acquis chez Franz ? demanda l'homme, les yeux fixés sur l'objet.
- Oui, il y a un bon moment déjà. Comme vous l'avez entendu, ça fait longtemps que je fréquente sa boutique.
- Je vois.
- Dites, vous m'aviez dit que vous m'expliqueriez ce que vous me voulez si je vous amenais ici...
Le brun redressa la tête pour plonger ses yeux sombres dans les siens, un sourire mystérieux aux lèvres.
- Montrez-moi d'abord comment vous vous débrouillez avec ce trésor, ensuite nous verrons...
Il céda au marché de l'inconnu, et l'emmena à la lisière du bois, quelques mètres, ou peut-être dizaines de mètres plus loin. Il posa délicatement l'étui de son arme à terre, puis s'agenouilla pour l'ouvrir.
- Vous n'allez pas dans les bois ?
- Pas tout de suite. Ici j'entraîne ma précision et ma rapidité, et dans les bois je m'exerce à tirer de loin.
- Vous tirez sur les arbres éloignés ?
- Oui.
- Et ici ?
Il sourit.
- Dites-moi d'abord comment vous vous nommez, ensuite nous verrons.
L'inconnu sourit à son tour, amusé.
- Je ne le dis pas à n'importe qui. C'est bien parce que vous avez l'air de savoir vous y prendre avec une arme que je vous fais confiance pour cela... Moriarty. A vous.
- Moran. Si je réussis le « test », j'aurai droit au prénom ?
Moriarty se mit à rire.
- Pas si vite, mon cher ! Dévoiler mon identité risque de compromettre sérieusement ma sécurité, estimez-vous déjà heureux d'avoir eu droit au nom. Seuls mes employés assez proches le connaissent, et nul ne connait mon prénom.
- Vous m'en voyez flatté. Mais pourquoi diable tant de mystères ? Vous semblez être homme à ne rien laisser au hasard, mais pourtant vous êtes prêt à faire connaissance avec un parfait inconnu uniquement parce que vous avez besoin d'une quelconque aide concernant les armes. Je dois avouer que je suis un peu... déboussolé.
Moriarty le fixa gravement.
- Si vous me prouvez de quoi vous êtes capable et que cela me satisfait, je vous expliquerai. Du moins, en partie. Comme je vous l'ai dit, je ne me dévoile à aucun de mes employés, même les plus dignes de confiance. Je suis un homme à mystères, Moran, mais si vous me montrez que vous êtes celui qu'il me faut, je tâcherai de vous éclaircir un peu les idées.