Le lendemain, Sebastian se leva aux aurores, malgré la veille qui s'était un peu éternisée. Il était d'excellente humeur bien que, comme toujours, son visage droit et inexpressif n'en montrait rien.
Environ une demi-heure après son réveil, il reçut un texto. Il crut que ce serait Moriarty, mais il s'agissait de Katherine qui lui signalait qu'il avait une nouvelle mission ce jour-là.
Motivé, il se prépara rapidement et débarqua dans la grande salle des bureaux où cliquetaient déjà une petite cinquantaine d'ordinateurs. Comme toujours, les regards se levèrent vers lui d'un air curieux et méfiant. Comme toujours, il marcha d'un pas imperturbable vers Katherine qui, comme toujours, était noyée dans les dossiers en fardes colorées. Comme toujours, elle lui sourit en le voyant arriver et lui dit :
- Bonjour !
- Salut, répondit-il comme toujours.
- Tu as mille choses à faire aujourd'hui ! s'exclama-t-elle. Les trois fardes rouges là-bas, c'est pour toi. Et je t'en prépare encore une ou deux pour cette nuit.
- Cette nuit ?
- Ah ça, tu vas devoir t'adapter aux horaires...
- Comment ça se fait qu'il y en ait autant ?
- Disons que le patron avait fait des russes sa priorité... Il a un peu délaissé les autres affaires et maintenant on a du retard à rattraper.
- Il ne vient pas t'aider ?
- Je ne l'ai pas encore vu sortir.
- Quoi, de son bureau ?
- De son appartement. J'ai sonné une fois à son bureau mais ça ne répondait pas.
Bizarre, songea Sebastian. Lui qui était d'habitude ponctuel et toujours en train de traiter une affaire, que ce soit dans son bureau ou dans la salle avec Katherine...
- Excuse-moi, mais je dois absolument conclure ça avant midi, lui dit-il elle d'une voix douce.
Et elle se replongea dans le travail. Sebastian commença donc à lire le contenu de ses trois petites fardes.
La première expliquait comment un fonctionnaire devait être tué, ayant détourné un tableau d'une valeur de 12 000 livres (lui-même détourné par Moriarty) afin de payer ses dettes. Il allait être fusillé par Sebastian pendant son temps de midi, qu'il passait toujours chez lui car il habitait juste à côté de son bureau.
La deuxième parlait du futur meurtre d'un bibliothécaire coupable de viols sadomasochistes sur sa nouvelle épouse. Trop honteuse, trop humiliée et trop rancunière pour régler son problème avec la justice, elle avait fait appel à Moriarty pour liquider son mari après, si possible, une petite séance de torture et d'humiliation, à son tour. Le rôle de Sebastian consistait à le coincer chez lui, à l'attacher et à le faire se tenir tranquille pendant que la cliente se vengeait.
La dernière n'était à première vue qu'un travail de surveillance. Un au-cas-où, comme avec les russes (Sebastian espérait cependant que l'affaire se conclurait comme prévu et non en bain de sang). Il s'agissait d'un riche et timide adolescent qui, victime de harcèlement par une bande de garçons de son âge, avait décidé que le jour était venu de leur faire regretter leurs actes. Le dossier précisait que le client ne s'était pas montré très clair et décidé sur le sort exact qu'il leur réservait : mort ou intimidation, il faudrait à Sebastian de la réactivité quoi qu'il arrive.
C'était une journée plus violente que les autres. Non pas que sa rencontre avec les Russes fut particulièrement douce et agréable, mais il s'agissait cette fois d'affaires volontairement gores. Mais Sebastian en avait vu d'autres. A l'armée, on voit du sang tous les jours.