- Vous pensez vraiment que je ferai l'affaire ?
- N'en doutez pas, sourit l'homme.
Sebastian se sentait de mieux en mieux. Le bien-être, la confiance, le soulagement,...
Lorsqu'ils arrivèrent aux alentours de Londres, il demanda d'un ton qu'il voulait neutre :
- Où est-ce que je vous dépose ?
- Hum, vous pourrez vous arrêter à Camden Town, je prendrai un taxi pour la suite.
- Vous ne me faites pas encore assez confiance pour me dire où vous résidez ?
- Oh, vous le saurez demain, là n'est pas la question. Seulement c'est un peu loin et il est déjà tard, je vous veux en forme demain.
- Le sommeil n'a jamais été un problème pour moi.
- Ravi de l'apprendre, vous n'en aurez plus beaucoup si vous travaillez pour moi.
Sebastian sourit. Il n'arrêtait pas de le regarder. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Il était fasciné.
- Vous devriez regarder la route, Moran, taquina Moriarty.
Le concerné étouffa un rire mais rougit légèrement en reportant ses yeux sur le trafic.
- Au fait, vous ne m'avez pas dit votre prénom, tout à l'heure, fit remarquer le ténébreux.
- Sebastian.
Jim sourit, enthousiasmé.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonna le tireur.
- Ça sonne bien... Sebastian Moran. J'aime bien.
Il rayonnait pour pas grand-chose, c'était adorable. Sebastian ne put s'empêcher un nouveau sourire. Ils arrivèrent à Camden Town, Sebastian se dirigea vers un parking de taxis et ralentit en s'approchant du trottoir. Alors Jim s'avança pour chuchoter à son oreille, sensuel comme jamais :
- A partir de ce soir, pas une minute ne s'écoulera sans que vous ne pensiez à moi... Sebastian...
Et il fit un dernier sourire avant d'ouvrir la portière et de sortir de la jeep. Sebastian resta pétrifié quelques secondes, continua de contempler la silhouette qui finit par s'éteindre à l'arrière d'un taxi.
Probablement quelques minutes s'écoulèrent encore avant qu'il ne se dise qu'il serait peut-être bien de rentrer chez lui.
Il gara sa voiture, respira un bon coup puis détacha sa ceinture et sortit pour refermer la porte de son appartement derrière lui.
Presqu'automatiquement, il enleva sa veste, ses bottes d'armée, puis se dirigea vers la salle de bains et acheva de se déshabiller avant de se glisser sous l'eau volontairement glacée de sa douche.
Cette rencontre était de loin la plus étrange et extraordinaire qu'il ait jamais faite, il avait besoin de se changer les idées. D'essayer, du moins. Il savait très bien qu'il n'y parviendrait pas. Il devait avoir un côté masochiste sur les bords...
Jim Moriarty.
Rien que son nom sonnait comme une promesse de changement, de vie nouvelle, comme un rêve, un fantasme, tapis dans l'ombre jusqu'à ce qu'une petite étincelle l'attire vers un misérable homme banal comme lui. Sa petite étincelle à lui était ses compétences avec les armes. S'il pouvait lui servir, alors c'était à cela qu'il était dévoué. Il avait réussi à intéresser l'homme qui ressemblait le moins à un homme, ordinaire du moins. Plus il y pensait, plus il se disait que cela ressemblait fort à un miracle.
Jim Moriarty.
Le miracle, le sauveur, le messie. Il l'avait hypnotisé dès les premières secondes où il avait entendu sa voix. Et même, dès les premières secondes où il avait senti son regard pénétrant se poser sur lui avec insistance. Il aurait peut-être dû se méfier. Il ne regrettait pas de ne pas l'avoir fait. Il ne regrettait rien. D'ailleurs, indépendamment de la singularité de cet homme, cette rencontre lui avait offert un travail. Il ne savait pas trop en quoi cela allait consister, mais au fond peu l'importait. Il avait une irrésistible envie d'observer cet homme au quotidien, ou du moins le plus qu'il pouvait. Il avait faim de le voir, soif de l'entendre, et il se fichait éperdument de savoir ce qu'il allait lui demander de faire du moment que sa faim et sa soif seraient rassasiées. Et puis, cela le sortirait sans nul doute de la monotonie de son quotidien à lui. Depuis son renvoi de l'Armée des Indes, il n'avait plus le goût à grand-chose. Il était fade, comme Moriarty l'avait si bien deviné.
Jim Moriarty.
Cet homme le rendrait fou s'il continuait.
Il coupa l'eau de la douche, mécontent de l'échec de sa tentative pour se changer les idées. Il se sécha et enfila un pantalon de training et un t-shirt comme pyjama. Il entra dans sa chambre et se glissa sous la couette. Il avait hâte d'être le lendemain.