Sebastian, ce jour-là, se leva tôt, mais naturellement aucun coup de téléphone, aucun signal, aucun message le poussant à aller au bureau. Ni rien non plus pour répondre à son message de la veille, d'ailleurs.
Alors il en envoya un nouveau à Moriarty :
Je ne suis pas utile aujourd'hui ?
Il attendit. Après une demi-heure, il renvoya le message à Katherine.
Pas de dossier pour toi aujourd'hui.
Repose-toi, après ce que tu as dû faire hier...
Il soupira. Ne comprenait-elle donc pas que c'était justement en ne faisait rien qu'il ne pourrait pas s'empêcher de psychoter sur ce qu'il avait fait la veille ? Ne comprenait-elle pas qu'il avait désespérément besoin de faire quelque chose ?
Apparemment, non, elle ne comprenait pas. Moriarty était le seul à pouvoir comprendre de telles choses. Et Moriarty ne lui répondait plus.
Dans les jours qui suivirent non plus. Katherine le contacta deux ou trois fois pour des missions futiles, mais plus rien ne venait directement du Big Boss. Rien, pas même un petit texto pour dire qu'il était occupé.
Des journées interminables s'écoulèrent. Et pas un signe de Moriarty.
Il vit Jane pendant le week-end (elle ne travaillait pas et, au grand dam de Sebastian, lui non plus), mais il était distrait. Était-ce normal que Moriarty ne réponde pas systématiquement aux messages ? D'habitude, il était plus rapide que l'éclair, même si c'était pour prévenir qu'ils reparleraient une autre fois. Après tout, il était nouveau, et peut-être que ce qu'il avait finalement raconté à tout le monde pour les rassurer – c'est-à-dire que Moriarty s'occupait de lui uniquement parce qu'il était nouveau et qu'il s'en lasserait vite – était vrai... D'instinct, il n'aurait su expliquer pourquoi, mais il en doutait. Mais la raison lui rappela que c'était tout à fait dans le personnage de Moriarty de disposer des gens comme de marionnettes, de les manipuler et de s'en servir à sa guise. Peut-être avait-il été moins pénible de faire la même chose avec Sebastian, mais ça revenait au même. Peut-être même, d'ailleurs, que la naïveté de Sebastian avait rendu la tâche encore plus facile qu'à son habitude.
De toute façon, il était incapable, même si Moriarty lui avouait tout ceci en le regardant droit dans les yeux, de lui tourner le dos. Il était, et il l'avait tout de suite su, lié à cet homme quoi qu'il arrive.
D'où sa frustration quant au silence du patron. Il était horriblement dégradant de savoir que l'on appartenait à une personne, irrévocablement, et de n'avoir aucune attention de la part de cette dernière. Bien sûr, Sebastian sortait du lot, pouvait-on supposer ; mais n'était-ce pas encore pire de tout perdre ?
Il passa encore trois jours sans nouvelles, et puis il reçut un message de Katherine qui lui disait de venir prendre son nouveau dossier au bureau.
Plus déprimé et anxieux que jamais, il entra donc dans le bâtiment, et quand il ouvrit la porte de la salle des bureaux, son estomac se serra.
Jim Moriarty était de retour.
Si son désespoir s'envola aussitôt, son stress redoubla d'intensité, mais une joie indescriptible s'empara également de tous ses sens. Rien que le voir lui avait manqué. Il s'avança, fébrile, ne le quittant pas des yeux, tandis que sa cible, elle, ne l'avait pas encore aperçu.
Puis, enfin, il arriva à sa hauteur, juste devant le bureau de Katherine. Tremblant d'impatience, il posa son regard insistant sur le visage de Moriarty, et attendit sa réaction.
Qui ne vint pas.
Au bout de quelques minutes durant lesquelles Moriarty continua sans ciller de communiquer des informations avec Katherine, Sebastian eut finalement droit à un regard. Mais ce regard n'était en rien celui auquel il s'attendait : agacé et dédaigneux, froid et distant, Moriarty lui jeta ses premiers mots au visage comme on donnait une gifle :