L'entrée avait été délicieuse. Ce fameux millefeuille de foie gras n'avait fait que lui rappeler, encore une fois, ô combien il n'appartenait pas au même monde que Moriarty. Lui, il aimait les pâtes et les pizzas ; Moriarty semblait être né dans le luxe et la grande gastronomie. Il ne jurait que par ses bottes d'armée ; Moriarty portait le costard-cravate comme une seconde peau.
Dans un sens, c'était curieux de se dire qu'ils arrivaient à s'entendre (plutôt bien, il fallait l'avouer), étant donné qu'ils semblaient être très différents l'un de l'autre en bien des domaines. Ils n'étaient pas vraiment opposés, ils n'étaient juste pas du tout le même type d'homme.
C'était donc avec une curiosité toute particulière qu'il observait et parlait à son boss. D'un autre côté, il se demandait de quoi ils pourraient bien parler le reste de la soirée, puisque le but principal de ce dîner était de parler de cette fameuse première « mission »... Mais Moriarty semblait toujours aussi à l'aise et n'avait pas l'air de remarquer ce problème le moins du monde.
- Au fait, Moran. Le rendez-vous avec Katherine n'a pas donné de suite, finalement ? Pour vous trouver une nouvelle conquête en si peu de temps, vous ne deviez pas être très concentré sur quelqu'un d'autre.
Pourquoi s'obstinait-il avec Katherine ?
- Je n'ai jamais eu l'intention de sortir avec Katherine...
- Moui, ça c'est ce que vous dites, se moqua Moriarty avant de tremper ses lèvres dans son verre de vin.
Sebastian leva les yeux au ciel. Bon sang ce qu'il était exaspérant, cet homme...
- C'est vous le patron, vous ne savez pas ce que c'est qu'une relation entre collègues...
- Qu'est-ce que vous insinuez ? interrogea Moriarty en plissant les yeux.
- Je n'insinue rien ; vous êtes le patron, vous n'avez pas de collègues, juste des employés. Donc vous ne savez pas à quoi est censée ressembler une relation entre collègues.
Moriarty sourit d'un air amusé et se pencha à nouveau vers lui avec son regard pénétrant :
- Alors expliquez-moi, Moran. À quoi une relation entre collègues est-elle censée ressembler ?
- Je veux juste dire que comme je débarque tout juste, ça ne serait peut-être pas une mauvaise chose de ne pas me mettre tout le monde à dos.
- Et vous allez boire un verre avec tout le monde pour vous en assurer ? rétorqua Moriarty. Ou juste avec les jeunes femmes ?
Bon, il se moquait clairement, et n'avait visiblement pas l'intention de lui céder ce débat. Entrer dans son jeu.
- Juste avec les jolies jeunes femmes.
Moriarty le contempla pendant une fraction de seconde de surprise que son adversaire abandonne si vite, puis s'illumina d'un sourire amusé et malicieux.
- Donc vous trouvez Katherine jolie.
Mais il ne s'avouait jamais vaincu ?
- Pas vous ?
Moriarty eut un petit rire, et fit doucement tournoyer son verre entre ses doigts délicats :
- Je ne suis pas très sensible à ses charmes.
- Oh, arrêtez, s'exclama Sebastian. Qu'elle vous plaise ou non, c'est une chose, mais c'est une belle femme, vous l'avez forcément remarqué.
Le sourire amusé de Moriarty perdurait, et les grands yeux charbons continuaient de fixer le verre à vin.
- Disons simplement qu'elle n'est pas du tout mon genre.
- Pas du tout votre genre ? Mais c'est le genre de tout le monde, elle...
