Chapitre 8

365 78 11
                                    

Il entendit des bruits de pas hâtifs dévaler l'escalier. Il jeta un coup d'œil autour de lui, affolé, puis se jeta derrière le canapé. Il retint son souffle et ramena son sac et ses genoux contre lui. Il entendit les pas se rapprocher, s'arrêter, puis le bruit d'une clé qu'on tourne dans une serrure, puis les pas reprendre et s'éloigner. La personne ne remonta pas à l'étage, il aurait entendu un son différent à cause de l'escalier. Avec un peu de chance, il n'y avait personne en haut.

Il prit le temps de souffler lentement et profondément, attendant que son cœur reprenne un rythme normal. Un courant électrique courait dans ses veines. Oh, ça faisait longtemps qu'il n'avait plus eu de poussée d'adrénaline... Ça datait de l'armée, ces conneries-là...

Son souffle récupéré, il se redressa un peu, juste de façon à jeter un coup d'œil au salon, de derrière son canapé. Personne. C'était calme, paisible, comme s'il n'y avait personne, et pourtant il y avait au moins deux personnes là-dedans. Il reprit une dernière inspiration, et se mit à quatre pattes, la bride de son sac serrée dans sa main, pour traverser le salon.

- Maman, tu as vu ma Nintendo ?

- Va voir sur la table du salon ?

Son sang se glaça. Il fit une roulade affolée vers la gauche et se colla contre le mur, mais il était on ne peut plus visible pour quelqu'un qui se trouvait dans le salon. Il avait encore ce courant électrique dans les veines, cette rage de s'en sortir, mais était persuadé qu'il était fichu, fait comme un rat.

Le gamin débarqua dans le salon sans le remarquer, et chercha sa console sur la table et dans les fauteuils.

Il inspira un grand coup, puis tenta sa chance et se retourna pour courir dans l'escalier le plus rapidement mais silencieusement possible. Arrivé en haut de l'escalier, il se retourna. L'enfant repassa dans l'autre direction, sa console à la main, sans le remarquer. On inspire, on expire. On inspire, on expire.

Bon. Il n'avait pas de temps à perdre. Il se releva, son sac à la main, et inspecta l'étage. « Servez-vous de la fenêtre au plafond... ». Il devait regarder dans les chambres. Et si quelqu'un était là ?

Non, stop. Il devait se calmer. Se-cal-mer. Il n'y avait personne. Personne. Et s'il y avait quelqu'un, il saurait se cacher. C'était simple. Facile. Il y arriverait. Haut la main. Et il regagnerait l'estime de Moriarty.

Cette idée lui redonna du courage, et il s'approcha silencieusement de la première porte du couloir. Il regarda par la serrure : il n'y avait personne. Il ouvrit délicatement la porte et jeta un coup d'œil au plafond. Pas de fenêtre. Il sortit et referma doucement la porte.

Suivante. Il s'approcha et ouvrit la deuxième porte. Il entra et aperçut enfin cette fichue fenêtre de plafond. Elle était sur le mur incliné, et lui laissait un accès plutôt facile au toit de l'immeuble à côté. Il ne put s'empêcher un sourire de satisfaction. Soudain il entendit du bruit. Quelqu'un dans les escaliers. Le frisson électrique surgit à nouveau, glaçant son cœur et compressant son torse, parcourant ses membres avec fébrilité et panique. Les pas se rapprochaient, et il lui fallut une demi-seconde pour réaliser ce que ça signifiait. Et une autre demi-seconde pour comprendre qu'il n'aurait pas le temps de s'enfuir avant que la personne n'arrive dans la chambre.

D'un geste spontané mais maladroit, il ramassa rapidement quelques affaires autour de lui et les jeta devant la porte. Il pria intérieurement tous les dieux du ciel pour que personne n'ait entendu le léger bruit qu'il faisait, puis se tourna vers la fenêtre. Il fit pivoter la poignée et ouvrit grand la fenêtre. Il entendit la porte s'ouvrir. Et la personne essayer de repousser les objets entassés devant la porte, encombrant le passage et bloquant la porte.

- Oh, quel bazar ! Ethan, tu viendras ranger ta chambre ! On ne sait même plus entrer tellement tu laisses traîner tes affaires !

Encore une fois, il balança son sac avant lui sur le toit puis le suivit et referma la fenêtre. Il se plaqua contre le toit, allongé, son sac fermement serré contre lui. Il souffla un grand coup : il avait réussi. Son plan avait fonctionné. Il s'en était fallu de peu, mais il s'en était sorti. Il soupira avec un petit sourire tremblant.

Son GSM vibra.

Bien joué, Moran.

JM

Son sourire s'agrandit.

Puis s'effaça. Minute. S'il savait qu'il avait réussi, c'est qu'il l'observait encore ! Et s'il l'observait encore, c'est qu'il avait mis des caméras ou quelque chose du genre dans la maison ! Et donc que depuis le début il l'avait envoyé dans une maison où il savait qu'il y avait des gens qui étaient là pour l'instant !

Une fureur noire le fit trembler. Il allait le tuer. Le tuer.

Il réglerait ça plus tard. Il n'en avait pas encore fini.

Rampant, il grimpa vers le haut du toit, histoire de se repérer par rapport à la rue. Il était presqu'en face du bureau, mais encore trop à gauche. Il s'accroupit et avança jusqu'au toit à sa droite. Les maisons étaient tellement serrées entre elles qu'il ne lui fut pas très difficile de passer d'un toit à l'autre. D'autant que l'immeuble de droite avait un toit plat. Une grande enjambée, tout au plus.

Une fois arrivé sur l'autre immeuble, il posa son sac et resta accroupi. Il ouvrit la tirette et sortit le sniper. L'arme dans les bras et le corps fléchi face au bureau, il fit des petits pas sur le côté pour trouver le meilleur endroit. Soudain, il s'arrêta. Juste histoire de vérifier, il recula, se coucha à plat ventre, installa le pied et y accrocha le sniper. Il y approcha son œil et dirigea délicatement le viseur à sa guise. Il sourit. Une vue parfaite et précise sur le bureau s'offrait à lui. Il pourrait facilement abattre n'importe lequel des pingouins qui y travaillaient. Il reprit son dossier, à la recherche de la page où il avait vu la photo de la future victime. Il étudia attentivement son visage puis rechercha la date du crime dans les feuilles. Oh. C'était pour ce soir. Il recula encore, de façon à ce qu'il n'y ait aucun risque qu'il soit vu, puis sortit son GSM. Il composa un message au numéro inconnu qui lui avait déjà envoyé deux textos :

Une fois, pas deux, je reste ici jusqu'à ce soir.

Mais il va falloir qu'on parle.

Il grogna de nouveau en y repensant. Son boss était un grand malade. Lui qui faisait très attention à la sécurité, l'organisation et tout ça, il l'envoyait dans une maison où il risquait sérieusement de tout foutre en l'air. Il était barge.

La réponse ne tarda pas à arriver :

Sage décision. Vous vous en êtes bien tiré, pourtant.

Et je serai ravi d'avoir cette petite conversation avec vous.

Profitez du temps qu'il vous reste pour calmer votre

furieuse envie de me tuer, j'apprécierai.

JM

Barge, vous dis-je.


La RencontreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant