Arcalon, une légende est née [Pause]

Hors-série: Desten

Cette fille me fascine. Elle s'est emparée de moi d'un regard. Mais pas n'importe quel regard, ses yeux, à eux seuls, sont une véritable oeuvre d'art. Unique et majestueuse. Je n'ai pas trouvé de teinte verte plus brillante et profonde, je n'ai pas trouvé d'orange plus vif que dans ses yeux. L'orange entoure ses pupilles de sorte à former deux tournesols, qui reposent dans la verdure du reste de ses iris.
Si j'insiste sur son regard, entre autre qu'il soit particulièrement beau, c'est surtout car il reflète sa détermination, son assurance et la profondeur de son esprit. Après tout, on dit que les yeux sont les miroirs de l'âme. Je ricane légèrement. Mes yeux noirs abyssales sont insondables, tout comme moi. Par conséquent je suis d'accord avec ce proverbe.

Mon esprit se reconcentre sur l'objet de mes désirs les plus profonds. Et je me remémore le jour de notre rencontre.

Ma journée était morne et fade comme toutes celles qui avaient précédé. Mais lorsque j'avais malencontreusement croisé son regard, le temps s'était figé, le temps que mon cerveau interprète les données visuelles que renvoyait cette fille. Elle a détourné les yeux, j'imagine que supporter plus de deux secondes le regard hébété d'un étranger n'était pas à son programme. Je l'ai suivie des yeux, pour observer sa démarche gracieuse et assurée. Et je chavirai au même rythme que le balancement de ses hanches.
Où allait-elle ? Sans réfléchir, je l'ai suivie. Sans qu'elle me remarque évidemment, personne ne me remarque jamais. Je suis un traqueur hors-pair. Je ne dis pas ça pour me vanter, c'est le don qui m'a été désigné, c'est une partie de moi. Je me dirigeais donc au grès de sa chevelure châtain, parsemée de gerbes dorées. Sa crinière s'arrêtait au bas de son dos, j'avais l'irrésistible envie d'attraper ses longues mèches pour vérifier si elles étaient aussi soyeuses qu'elles y paraissaient.

Ma filature commençait a tirer en longueur. Elle se promenait dans le parc en contemplant toutes les plantes du coin. J'avais l'impression que la nature s'illuminait quand elle passait. L'herbe devenait plus tendre, les couleurs plus flamboyantes. Mais ce n'était peut-être pas qu'une impression, à vrai dire après chaque parcelle de terre que ses pieds foulaient, des fleurs poussaient. Durant mon étonnement, la jeune fille s'était arrêtée. Elle avait trouvé ce qu'elle cherchait, ou plutôt qui elle cherchait. Mon coeur s'était enflammé pour elle et maintenant mes plans tombaient à l'eau...

Elle s'avançait vers un garçon, grand aux cheveux châtains-blonds. Elle accélérait même l'allure pour se jeter dans ses bras avec enthousiasme. J'étais transi de jalousie. Mais son sourire éblouissant m'a convaincu: j'allais me battre pour elle.

C'est alors que je les ai interrompu et accosté sans gêne. Ils m'ont accueilli chaleureusement, et le garçon que je pensais haïr quelques instants plus tôt m'est devenu le plus sympathique possible (surtout après qu'il m'ait avoué que la belle fille, Arlève, était sa meilleure amie).

Le courant est vite passé dans notre groupe, et nous nous sommes liés d'amitié. Moi, le garçon solitaire, je me suis fais des amis.

Aussi étrange que cela puisse paraître, nous somme amis maintenant depuis deux ans, et leur compagnie m'est toujours agréable. Elle est même devenue essentielle. Et mes ardeurs pour Arlève ne se sont pas évaporées. Je l'ai observée murir, grandir, s'élancer, se courber.

Je suis en ce moment même entrain de la contempler, et je me demande si mon visage garde une expression neutre, et si mes yeux sont aussi insondables que je le voudrais. Mes sentiments trop profonds brisent ma carapace et peuvent sûrement s'apercevoir de l'extérieur.

Will, Arlève est moi sommes assis sur les bancs de la place centrale du domaine, le forum. Mais il y a aussi Eliane, une fille de notre âge, blonde aux yeux bleus, qui est depuis récemment la petite amie de Will. Et justement elle me regarde avec un petit sourire en faisant des aller-retour entre moi et Arlève comme pour dire "Je t'ai vu, tu en pince pour elle".