Arcalon, une légende est née [Pause]

Chapitre 16

Nous arrivons en vue de mon agréable petite maisonnette. Je remarque que la vigne commence à grimper sur les tuiles d'ardoise. Dire que quand je suis arrivée ici, c'étaient simplement des petites plantes.

Nous trouvons Emily dans le salon, elle remue frénétiquement une cuillère dans son thé. Elle ne semble pas dans son assiette.

- "Hey Emily, ça va ?" la saluai-je.

Elle met un petit temps à remarquer qu'on lui adresse la parole. Je lis dans ses yeux qu'elle revient de très loin. Où t'es-tu perdue ma jumelle ?

Elle s'est déjà confiée à moi, comme je lui ai moi-même avoué mes secrets. Mais, plusieurs fois, j'ai senti qu'elle me cachait une déchirure encore plus profonde. Ce qui me fait un peu peur, vu que celles dont j'ai connaissance ne sont déjà pas bien roses.

- "Hum, ça va." répond-t-elle. "Et vous ?" demande-t-elle en avisant Will d'un coin de l'oeil.

Son humeur s'adoucit instantanément et je ressens même un peu de malice dans sa voix. C'est fou comme je rougis vite. Will répond pour nous deux et explique en quelques mots notre petite altercation avec les deux garçons. Il trouve les mots justes et les bonnes mimiques pour la faire rigoler.

- "J'aurais bien voulu être là quand ils ont réalisé ne plus avoir de bas !" s'esclaffe-t-elle.

C'est vrai que c'était comique, mais ça me tracasse quand même. Je n'oublie pas la haine insatiable qui s'était emprise d'eux.

- "En fait, on pensait participer au repas qui a lieu près du lac ce soir, ça t'intéresse ?" lui proposai-je.
- "Non merci c'est gentil, mais je préfère rester tranquille ce soir." décline-t-elle.
- "Et ça te pose un soucis si je kidnappe ta soeur cette nuit ?" ajoute Will en m'enserrant la taille comme s'il me prenait déjà en otage.
- "Je t'en prie, comme ça je pourrai manger tout mon soûl de chocolat." ricane-t-elle en me faisant un grand sourire.

Humm, je vais devoir aller cacher mes plaquettes de chocolat au lait. Je me rappelle, mes frères me charriaient tout le temps dessus, car je râlais dès qu'ils se servaient dans mon pot de chocolat à tartiner. Cette petite pensée me pince le coeur, mais j'essaye de passer au delà.

Je fais mine d'être horrifiée, tout en tentant de sortir de l'emprise de Will. Malheureusement, sortir de ses bras se révèle impossible. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot ! Je le tire vers l'avant. Il riposte en se penchant vers l'arrière. D'un habile croche-patte, je fauche son pieds gauche, tout en le poussant vers l'arrière en utilisant sa propre force. Il est déséquilibré et manque de tomber, tandis que je m'échappe de ses bras.

Le spectacle a l'air de bien plaire à Emily, qui rigole encore plus fort.

- "Je vois que je n'ai pas de souci à me faire. Le kidnappeur pourrait bien devenir le captif." remarque-t-elle.
- "C'est vrai, je me suis bien fait avoir." avoue Will de bonne grâce.
- "Ce sont mes anciens cours de judo qui refont surface." expliquai-je en oubliant qu'ils ne savent pas ce qu'est le judo.

Ici, on connait la lutte gréco-romaine, et pas les arts martiaux japonais. Ce qui est bien dommage d'ailleurs. Enfin, je ne suis pas une professionnelle, j'en avait fait 6 ans étant petite. Des souvenirs de remise de ceinture me reviennent. Pourtant, je les observe comme si j'étais extérieur à la scène. Ce n'est plus moi cette petite fille. Je me sens tellement loin de mon passé. À quoi ressemblent mes frères ? Que deviennent-ils ?

Comme à chaque fois que j'y pense, des larmes s'infiltrent sous mes paupières. Je grimace en essayant de contrôler mon visage qui se crispe.

Rien ni fait. La séparation reste aussi horrible que le premier jour. Je m'excuse auprès de Will et Emily, qui ne comprennent pas bien mon changement d'humeur soudain. Tout ça pour une petite prise de judo. Je file dans ma chambre sous prétexte de préparer mes affaires.