Prologue

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     Les rues grises et un peu tristes de Paris défilaient sous mes yeux. La ville de l'amour s'étendait dans toute sa splendeur sous mes yeux clairs baignés d'angoisse. Le ciel, d'un gris pâle et orageux, jurait avec la route goudronnée. J'observais tout ce que je pouvais regarder, les hauts bâtiments au style si particulier, la Tour Eiffel dont le sommet disparaissait dans la brume du matin.

     Simon s'arrêta abruptement devant plusieurs bâtiments blancs qui formaient un carré, nous surplombant de toute leur hauteur. Impressionnant. Je déglutis et réajustai ma guitare sur mes deux épaules tremblantes ; je me sentais si petite, si minuscule. Et si je faisais une fausse note ? Et si j'avais mal accordé ma guitare ? Et si j'oubliais les paroles ? Et si les notes qui se dégageaient de l'instrument n'étaient pas harmonieuses ? Et si mon choix de chanson ne leur plaisait pas ? J'avais pris un gros risque en choisissant Radioactive.

« Cesse de te tracasser, sœurette ! Tout va très bien se passer, me réconforta mon grand frère en tapotant gentiment mon épaule

      Je jetai un coup d'œil peu rassuré à mon grand frère, qui, lui aussi, restait là à observer les lieux de l'extérieur, sans doute aussi impressionné que moi par l'aspect majestueux que dégageait l'école. Un vent léger soufflait, et je frissonnai malgré moi. Courage Emilie, tu peux le faire.

     Simon tourna son visage à moitié dissimulé sous ses cheveux bruns trop longs et soupira avant de me tirer vers l'entrée, me faisant revenir à la réalité que j'allais affronter dans moins d'une vingtaine de minutes.

     Comme dans un rêve, je traversai une gigantesque cour au sol recouvert de macadam et rehaussée par quelques arbres qui me semblèrent être des érables. Quatre édifices l'encadraient. Une boule se formait dans ma gorge, et je regardais autour de moi avec anxiété, cherchant des yeux le bon bâtiment, qui normalement porterait un panneau indiquant « section musique ».

     Lorsqu'enfin nous le vîmes, nous nous engouffrâmes rapidement dedans et montâmes jusqu'au deuxième étage, où se déroulerait l'audition. Un long corridor aux murs pâlissants se glissait en face de deux portes grises. Je devinai que ces deux portes renfermaient deux salles de musique. Beaucoup de personnes attendaient leur tour, adossées. Certaines avait le teint aussi livide qu'un lavabo, d'autre semblaient, au contraire, confiantes.

     Mon coeur commença à battre la chamade et mes mains commencèrent à trembler. Il y avait tellement de personnes ! Tellement de personnes qui seraient sans doute bien plus douées que moi ! Qui étaient sans doute dotées d'un talent inouï !

    Néanmoins, cette audition restait ma seule chance d'entrer dans ce lycée. L'intégrer était mon rêve, et je n'arrivais pas à voir mon futur ailleurs qu'ici. Mais, tout me paraissait trouble, brumeux. Tout reposait sur trois petites minutes, une guitare, moi et mon coeur. Il suffisait de montrer ce dont j'étais capable, de chanter avec mon coeur.

— Ne t'inquiète pas Emmy, tout va bien se passer ! Tu chantes et joues comme une déesse ; alors s'ils ne te prennent pas, ils ne prendront personne ! Allez, souris, et arrête d'avoir peur, c'est toi la meilleure ! me réconforta Simon, avec un regard rassurant, regarde-toi ! Tu es toute blanche ! Pire qu'un cachet d'aspirine ! Ou que mon ...

— Stop, coupai-je en roulant des yeux, tes images sont toujours très...poétiques, ironisai-je

— Toujours est-il que j'ai raison, répliqua-t-il en me frottant le crâne tandis que je grimaçais

La musique avant tout (1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant