➳ Chapitre 20

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   Comme Luke le craignait, composer une chanson en ayant déjà les paroles s'avérait très difficile. Cette méthode me prenait un peu à rebrousse-poil, sachant que lorsque nous avions écrit les paroles, nous avions déjà une petite idée de la mélodie, mélodie que Monsieur Ginsique n'avait pas trop eu l'air d'apprécier.

Alors, Mike, Antoine, Caitlin et moi étions installés dans une salle de classe avec des feuilles, des carnets et nos instruments depuis plusieurs heures. Nous avions réussi à trouver un air qui nous plaisait globalement à tous, pour ce qui était du refrain. Le riff performé par la guitare promettait de toucher l'âme de quiconque l'entendrait, selon Caitlin. Maintenant, il s'agissait de rajouter les notes des autres instruments : quels accords et quels tons le piano plaintif allait exprimer, quelles portées la poignante basse allait fournir, quelles gammes la déchirante clarinette d'Antoine allait nous offrir. Caitlin et Mike n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur les notes :

— Ce sera un Ré ! s'exclamait Mike

— Non, un La serait mieux ! s'énervait Caitlin

Antoine me regardait en soupirant, me suppliant du regard de faire quelque chose avant qu'il ne s'énerve.

— Stop ! tonnai-je. Si vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord, on se débrouillera sans vous ! menaçai-je

— Si tu mets un La, cela sonnera horriblement, comme un crissement d'ongle sur un tableau à craie ! continua Mike

— Bien-sûr que non ! La mélodie serait plus harmonieuse avec un La !

— Arrêtez ! cria Antoine. Ce sera un La, point final !

Caitlin et Mike lancèrent un regard étonné à Antoine, et se turent. Un silence assourdissait la pièce, à présent.

— D'accord pour le La, concéda Mike, au bout de quelques instants

— Bien, on continue, décida Antoine.

   Il était déterminé à ce qu'on ait au moins composé la moitié de la chanson aujourd'hui. Je le comprenais ; les autres travaux en maths, physique et français ne tarderaient pas à s'amonceler. Bien-sûr, nous avions un mois, mais c'était très court.

Les professeurs souhaitaient quelque chose de prenant. Le but était de transmettre des émotions et des sentiments à travers nos voix, nos paroles et bien évidemment nos mélodies. Les personnes qui nous écouteront devront se sentir proche, comprendre la psychologie de nos personnages et pouvoir s'identifier à eux. Nous devions les faire vibrer. Cela devait être un moment de partage. Le public était avec nous, comme s'ils vivaient eux-mêmes l'histoire.

Pendant que nous travaillions sur le côté musical, des personnes comme Lise travaillaient activement sur le script et les répliques ; Emma, aidée par d'autres élèves dessinait les costumes ; Lucie réfléchissait à des chorégraphies avec le groupe de danse ; et certains comme John réfléchissaient au tournage, aux photos, aux affiches et à la couverture, à la campagne publicitaire.

L'idée qu'avaient eue nos professeurs était tout simplement magnifique et irréelle. Je commençais à vraiment mesurer  la chance que j'avais d'être à Sainte-Cécile.

— Bon, je pense qu'on devrait arrêter pour aujourd'hui. C'est suffisant, décréta Antoine, on n'arrivera plus à rien aujourd'hui.

— Oui, on a déjà un aperçu du rendu final, ajoutai-je, en me levant.

Mike repoussa ses cheveux rouges à l'arrière de son crâne et s'étira, ses yeux émeraudes fixant le plafond blanc de la salle.

— J'ai faim, annonça-t-il, en baillant

La musique avant tout (1) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant