6- Sans laisser de trace

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Le lendemain matin, je me réveillai à l'heure où ma "mère" vint me chercher jusqu'à mon lit. L'ambiance de la cuisine était morose et étrangement taciturne. Les lieux semblaient connaître pertinemment mes sombres intentions.

Quitter le domicile pour découvrir la Vérité et mes vrais parents.
Trouver des preuves que je n'étais pas leurs filles à eux qui m'avaient recueilli.

Je ne cessais de me demander si je n'aurais pas mieux fait de dire tout de suite que je ne les connaissais pas. Mais j'avais tellement peur depuis que j'avais vu ce tatouage étrangé accollé à mon dos.
J'étais perdue.
Aucun repère ne m'apparaissait.

J'avalai goulûment le lait chocolaté de mon bol qui portait mon nom aux sonorités peu communes. J'avais hâte. Hâte de partir, de comprendre le sens de toute cette mystérieuse mascarade. Finissant mon petit-déjeuner à la va-vite, je me précipitai dans ma chambre pour prendre quelques effets à moi pendant que ma "mère" avait encore le dos tourné à faire la vaisselle.
Un sac sur le dos, je claquai un baiser sans sincérité sur la joue que me tendait ma "mère" et me dirigeai vers la sortie de cet appartement. J'espérai ne pas faire trop de mal à cette famille par mon départ précipité.
Pas de mot laissé à leur intention. Était-ce une erreur ?

Dans le couloir, mes dernières craintes s'évaporèrent et je courus le plus vite possible sur le trajet qui m'emmenait à la gare de New-York.
Mon coeur battait la chamade et je jetais de rapides coup d'œil autour de moi pour voir si par hasard, j'étais suivie. Après les dires de mon soi-disant père, je préférais rester sur mes gardes tout en conservant mon imparable discrétion.

Après avoir rapidement analysé la carte que je m'étais préparée pour ne pas me perdre, je parcourai à vive allure le pavé goudronné du trottoir. Mes cheveux virevoltaient dans le vent.
Dans le train, j'étais anxieuse. Mes doigts tapaient fébrilement la petite table qui me séparait de quelques centimètres d'un vieux monsieur. Pendant qu'il semblait dormir, je tentais de l'observer afin de me faire une sorte de souvenir de ce trajet invraisemblable. Il était chauve, de bonnes joues rougies par le froid encadraient sereinement sont visages rebondis. Je me retournais avec précaution sur mon siège moelleux et considérais les gens assis paisiblement au fond de leurs sièges. Leurs souffles semblaient se confondre en une valse régulière.

Soudain, le train émit un sifflement aiguë mais d'un son aussi faible qu'un chuchotement. Le wagon sursauta sans que les passagers se réveillent. Je sentais des picotements dans mes doigts et qui s'étendirent très vite à tout le haut de mon corps. Je ne savais pas ce qu'il se passait, l'air s'était comme allourdit considérablement. Comme une augmentation inattendue de la pression ambiante, le choc du wagon entier se répéta et nous passâmes dans un tunnel à grande vitesse si bien que cela me fit sursauter. Dans le tunnel, la lumière n'existait presque plus. Seule, une minuscule ampoule lumineuse éclairait mo siège et celui de chacun des passagers assoupis. J'accrochai mon regard à cette unique source bienveillante. Un second bruit attira mon attention. Je relevai la tête brusquement et vis des ombres horribles se dessiner sur les fenêtres de la voiture. Large telles des tâches indésirables qu'on n'aurait pu enlever. Elle grandissait devant ma figure, insistaient comme pour rentrer dans le fourgon.

Sortez moi de ce cauchemar ! m'entendis-je hurler en mon for intérieur.

Les silhouettes s'approchaient toujours sur la vitre teintée, quand d'un coup, la lumière ensoleillée me frappa au visage. La fin du tunnel fut marquée par un soufflement de la part du wagon. Je me retournai afin de constater si je n'avais fait que rêver ce que j'avais cru voir. Non. Personne ne s'était réveillé et pourtant, j'étais sûre d'avoir vu ces ombres bouger.

Presque... on les aurait cru vivantes.

Je chassais d'un revers de la main ces sombres pensées mais elles ne semblaient pas vouloir me lâcher. Ce dont j'avais été témoin, peut-être n'avais je pas été la seule à le voir ? Je ne savais plus quoi penser. Une fois que j'eus intensément réfléchie, je m'endormis face au vieux monsieur, sans même m'en rendre compte.

*******

La sonnette annonçant le terminus du train tinta en carillon. J'étais arrivée à Washington moins d'une demi-journée. À ma montre, il était 14h30 de l'après-midi. Il ne me restais qu'à empreinter une ligne de bus et à retrouver à l'aide de mes souvenirs, ma belle maison citadine.
L'espoir des retrouvailles chassa les pensées obscures du tunnel.
Néanmoins, avais-je tord de ne plus m'en préoccuper ?

Un vague sourire se reflétait sur mes lèvres roses. Le froid était intense, je dus resserrer les pans ballants de mon manteau. De la buée sortait de ma bouche en volutes tourbillonnantes et jouait avec l'air glacé.
Ma tête inspecta les alentours.

_ Par là, me dis-je vivement.

Je dépassais quelques rues, tournais à gauche puis à droite et après plusieurs pas de géants portés par l'amour de ma famille, j'arrivai devant une porte.

Ma porte, celle de la maison que j'avais toujours côtoyé.

Tremblante, je consultai ma montre dans la fraîcheur du jour.

15h30, m'indiquait-elle.

Un temps qui me parut bref, la lumière de ma montre clignota. Je frissonnai en me rappellant le passage dans le tunnel. L'écran de ma montre à quartz me rappellait l'ampoule du train. Heureusement qu'il fait jour, pensai-je.
Pourtant en disant cette phrase, le ciel d'obscurcit dangereusement. Les nuages cachèrent le soleil et ses rayons lumineux. Tout à mes réflexions, j'appuyai sur la sonnette comme pour retrouver un foyer où échapper à ces événements déconcertants. J'avais vraiment l'impression que depuis mon réveil, rien n'allait réellement bien. Tout était d'une bizarrerie étouffante.

Tout à coup, une femme ressemblant à ma mère vieillie d'une dizaine d'années sortit de la maison.

_ Bonjour mademoiselle, que puis-je pour vous ? me lança t'elle avec un sourire encourageant.

Prise de court, je la dévisageai avec stupeur. Son visage, ses traits, ce ne pouvait qu'être ma mère !

_ Maman ?

À l'entente de cette appellation familière, ses yeux brillèrent d'un nouvel éclat. Sauf que ce n'était ni de l'amour, ni de la joie.

Plutôt de la peur mêlée à un immense doute.

_ Qui êtes-vous jeune fille ? Je n'ai pas d'enfant et je n'en ai jamais eu...

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Et bien... qu'en pensez-vous ?
J'ai eu du mal pour ce chapitre car je voulais vous faire découvrir l'intrigue petit à petit.

Dîtes moi... que pensez vous de cette terrible confusion entre la fille et cette femme qu'elle pense être sa mère ?

Et ces ombres dessinées sur les vitres lors du passage dans le tunnel ?

La suite arrive bientôt ! ;-)
Bisoooous :*

Les Porteurs d'Hesperūs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant