Fin du chapitre trois (réunion de mages)

3 0 0
                                    

Bientôt, à l'extérieur du cercle, au-dessus de sa pierre de vie, Cochise, mage des Ailés, apparut. Ses gros yeux le fixèrent, les longues ailes translucides se déployèrent un instant avant de disparaître à nouveau. Axiam s'inclina légèrement devant l'être minuscule pour lui rendre son hommage. À sa droite, une créature au teint vert pâle se matérialisa. Camil, mage des Vados, ne dépassait Cochise que d'une tête. De fins cheveux turquoise mêlés d'argent ondulaient sur son crâne. Ils se saluèrent en silence. À sa gauche, une ombre se précisa. Amma, une roue de hauteur et les yeux d'un bleu profond.

Palidos s'est éteint hier, songea-t-elle.

– Tu le ressens auprès de ton Pacte ?

Elle secoua la tête.

– Alors, il a rejoint Araya.

Son sourire découvrit une belle rangée de dents noires et luisantes. Enfin une bonne nouvelle.

Axiam considéra sa joie pendant un moment. Il connaissait bien la jeune namrie pour l'avoir instruite durant dix ans avec Palidos, son prédécesseur. Il gardait des souvenirs heureux de ses séjours en forêt. Il aimait ce peuple chaleureux.

Le regard d'Amma se détourna de lui, car le successeur de Noliam apparaissait sur le cercle orangé.

Axiam se retourna et remarqua la gêne du grand homme à la peau sombre. Jénon n'avait pas été intronisé, mais cela ne l'avait pas empêché de répondre à son appel. Toute cette pagaille, ces morts. Et le peuple Jaya qui avait soutenu son prédécesseur gourmand pendant si longtemps... Il frémit en le détaillant. Malia, le grand-mage qu'il remplaçait depuis deux ans, lui en avait dit que du bien et il voulait croire en son jugement. Après tout, elle s'était occupée de son instruction.

Il lui rendit son salut et se tourna vers Azar qui « arrivait » entre Cochise et la pierre de vie herrienne. Il s'inclina devant le grand Zorous puis s'assit au sol.

Les autres l'imitèrent.

– Inutile de vous demander si vous avez ressenti la disparition de Mori, déclara-t-il solennellement. Qu'Araya nous prenne en pitié.

Le visage grave, les mages posèrent leur poing sur leur front puis sur leur cœur.

Les Vados s'étaient exclus de la bataille. Seulement, leur territoire s'était trouvé sur le passage des combattants qui, dans leur colère et leur impatience, avaient piétiné les maisons minuscules, les champs à la taille de ces petits êtres. Tout était détruit.

Axiam s'adressa à Cochise.

– Je sais Scikili anéantie. Cependant, vous vivez dans les hauteurs, je suppose que vos réserves ont été épargnées par la guerre. Porte secours aux Vados, s'il te plait.

– Avec plaisir, répondit l'Ailé en langage Premier souligné d'un léger accent sifflant.

Camil s'inclina en signe de remerciement.

– Tes pertes sont lourdes ? lui demanda Axiam.

Le Vados baissa les paupières. La représentation de son corps s'effaça presque pendant quelques instants.

– Je vois cinq mille âmes, dit-il enfin.

Les yeux mauves le fixèrent tristement.

– Écouteras-tu mon conseil ?

– Je t'en prie, mage des mages.

– Regroupez-vous loin du fleuve.

– Tu sais que notre survie dépend de lui.

– La pénurie va provoquer l'arrivée massive des pillards, insista-t-il. Tes terres n'ont pas fini d'être foulées par des êtres perdus, fous de haine et de faux espoirs.

– Pendant combien de temps devrons-nous endurer ces intrusions ?

– Je l'ignore.

– Malia avait prédit la disparition précoce de Mori, intervint Jénon.

– C'était écrit dans le Pacte, je suis au courant. J'ai cru pouvoir contrer cette prophétie en l'instruisant avant ses huit ans. Pardonnez ma naïveté.

Le jaya reçut les regards réprobateurs des mages sans broncher.

– Avec mon aide et celle d'un groupe d'amis, poursuivit-il, elle a imaginé un rempart pour éviter l'escalade de la violence qui, à terme, s'avèrerait fatale à la survie des espèces. Sais-tu pourquoi Noliam a fait sauter la centrale ?

– Ne me dis pas qu'il s'est rendu compte que notre terre s'épuisait, grogna Axiam du bout des lèvres.

– Il semble bien qu'il n'ait trouvé que cette solution pour obliger les mortels à tout arrêter. Nous ne devons plus saigner Gahila, approuves-tu ma pensée ?

– Bien sûr. Mais pourquoi a-t-il entraîné Mori dans cette destruction ?

– Je ne sais pas. À présent, si tu le permets, nous déclenchons le processus de fermeture.

Axiam inclina la tête en signe d'assentiment puis regarda son image s'estomper comme celle de Camil précédemment. Il retournait auprès des siens pour donner ses ordres.

Enfin, Jénon reprit consistance et rouvrit les yeux sur Camil.

– Le flot d'étrangers se tarira bien vite.

– En agissant de la sorte, tu isoles ton peuple du reste du monde, n'est-ce pas ?

– Oui, grand-mage. Et il en sera ainsi jusqu'à l'arrivée du prochain Asham.

– Ou jusqu'à la mort de Gahila, ajouta Azar. Car je doute qu'il y ait encore de la vie dans mille cinq cents ans. À deux jours près, Mori en avait huit et les écrits disent...

– Il n'avait pas fusionné, objecta Amma. Il reste un espoir et, si mince soit-il, je veux y croire.

– Il le faut, intervint Axiam. Pour la paix des survivants. Grâce à Araya, chaque peuple peut s'en remettre à la sagesse et aux pouvoirs d'un être suprême. Vous êtes cette exception et votre serment vous appelle. Relisez vos livres d'histoire et réapprenez aux vôtres les mœurs de leurs ancêtres. Gahila doit se relever. Montrons-lui que nous existons toujours.


GahilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant