Chapitre 7 : influence

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Chapitre sept – Influence

Axiam ouvrit brutalement les yeux et inspira bruyamment, comme le plongeur qui émerge après une longue apnée. Il venait de vivre son pire cauchemar depuis la mort de Mori.

Il se redressa et regarda la pièce pour remettre ses idées en place. Voilà... il se trouvait dans le lit de l'Asham, dans ces appartements meublés de paravents étranges qui, d'après les textes des ancêtres, permettaient d'accéder à d'autres mondes. Puis, il revisita ce rêve afin de garder en mémoire le visage de la jeune fille choisie par Bahass pour reconstituer la Force. Il se rappela aussi les litanies des six femmes assises autour d'un cercle de sang.

Axiam avait reconnu les signes du langage Premier même si Bahass écrivait à l'envers.

Il se leva et s'habilla en hâte, il se laverait plus tard. Aujourd'hui s'ouvrait le premier marché de l'année et il appréhendait un évènement tragique. Ses visions ne le trompaient jamais.

Il dévala les escaliers. Atan et son fils Graam occupaient l'étage inférieur. Malgré ses origines sharzac, l'héritier présentait les caractéristiques de la race sur laquelle il règnerait un jour. La crinière blonde et fine, le pied minuscule et l'oreille presque effacée. Pour le moment, il ne révélait aucun don herrien.

Sait-on jamais ? songea Axiam. Après tout, il n'a que trois ans.

Lorsqu'il arriva sur le palier, il trouva l'enfant assis sur la dernière marche.

– Tu m'attendais ? demanda-t-il.

Le petit releva un visage baigné de larmes. Axiam s'installa à ses côtés.

– Ton père n'est pas là ?

– Une urgence, répondit Graam en s'essuyant les joues d'un revers de manche.

– Explique-moi pourquoi tu pleures.

– J'ai fait un cauchemar horrible. Il y avait un rond tout rouge et des paroles bizarres qui m'ont fait peur. J'ai vu une femme morte aussi et un livre a poussé sur son ventre.

Axiam reconnut les images de son rêve à travers les mots d'enfant. Son regard pensif se posa sur la porte des appartements royaux. Sur ce panneau de bois massif et brun, le premier souverain arzac y était représenté en pied et en relief. Il l'avait connue colorée, mais patinée par les ans et le travail des domestiques, seule la gravure persistait. La pierre bleue qui composait cet escalier en colimaçon lui donnait ses reflets depuis. Ils égayaient le faciès figé sur une expression à la fois lointaine et condescendante. Axiam se frotta les yeux... revenir au présent, à la réalité de cette journée qui s'ouvrait sur la reprise des hostilités.

Il se leva.

– Viens, les commerçants s'installent, on va bien trouver de quoi manger. Tu as faim ?

Le petit lui attrapa la main et ils entamèrent tranquillement la descente. L'enfant rassurait le grand-mage par sa seule présence, car, sans autre précision, le Pacte avait prédit un grand danger pour lui. Axiam avait donc quitté son temple plus tôt pour le protéger.

Les chariots avaient déjà transformé la place en un labyrinthe coloré et odorant. Les commerçants se hélaient joyeusement dans le froid de ce matin orange. Le soleil ne donnerait lumière et chaleur à cette première fête de saison qu'en cours d'après-midi.

Le grand-mage et l'enfant s'engagèrent dans la première allée. Le boucher leur présenta ses lamelles de lox fumées et Axiam lui en acheta huit. Graam adorait cette friandise au goût fort et salé, il laissa la viande fondre dans sa bouche tout en suivant le vieil homme qu'il appelait grand-père. Quelques roues plus loin, ils s'arrêtèrent devant l'étal du fruitier qui remplit leur gourde de jus d'oils, breuvage idéal pour réhydrater la langue asséchée par le sel. Après de longs moments de palabres, ils continuèrent leur balade en saluant les uns et les autres au passage.

GahilaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant