Après quelques moments de discussion, les anciens les chassèrent de leur territoire. Les garçons s'installèrent contre une colonne de granit, non loin de l'endroit d'où arriverait le panier.
– La fin du jour, bougonna Assa. Comment ils le savent ?
– Tu crois qu'on finira comme eux ? s'inquiéta Vaysh.
– On en a pris que pour quatre ans, répondit sèchement Hory. Arrête de délirer.
– N'empêche qu'ils ont dû faire un truc drôlement grave pour mériter perpette. On devrait faire gaffe.
– Et pour Thora ? demanda Flay.
– On attend, il s'en sortira.
– Je vais pas oser dormir avec ces vieux, dans le coin. J'ai pas confiance, ajouta Vaysh.
– Je veille en premier, déclara Assa.
– Ouais, grommela Hory qui se méfiait aussi.
Sans Thora, il se sentait vulnérable.
Les garçons s'étendirent et somnolèrent un moment avant d'entrer dans un sommeil profond.
Assa compta le temps puis Vaysh prit la relève. Il écouta la respiration de ses amis, le silence de la grotte, il songea à sa vie d'avant. Camara aura-t-elle changé dans quatre ans ? Il pensait que non, qu'eux seuls remonteraient vieillis et sûrement aigris par les privations.
Un bruit de pas le tira de ses réflexions. Il secoua Hory.
– Ça bouge là-bas.
Hory s'adossa à la colonne et se frotta les yeux, étonné par le décor torturé qui s'étalait devant lui. Pendant un court instant, il ne reconnut pas l'endroit. L'odeur de la terre humide, la puanteur des corps décharnés... Les vieux ! Tout lui revint d'un coup, comme une claque en pleine figure. Ils étaient coincés dans cette prison et Thora avait disparu !
Les trois hommes avançaient vers eux.
– C'est le moment, lança Arzy sans s'arrêter.
Hory et Vaysh réveillèrent Assa et Flay puis les suivirent.
Ils se placèrent près de l'empreinte sombre incrustée dans la pierre par le panier de ravitaillement et attendirent là dans un silence religieux.
Soudain, un raclement assourdissant envahit le souterrain. Hory leva les yeux, mais les détourna bien vite, car la grille, en coulissant contre le plafond inégal, leur envoyait une fine couche de poussière noire.
Ce quadrillage métallique termina sa course en grinçant, un son aigu qui résonna dans l'espace clos. Les colonnes vibrèrent et quand le calme revint, l'adolescent soupira de soulagement. Ses tympans sifflaient douloureusement.
Le répit ne dura pas. Un autre écho, celui d'une chaîne qui se déroule sembla sortir d'un bain d'huile. Hory crut entendre un géant vomir sa cuillère de purge. Des relents de son enfance lui emplirent les narines et la gorge. Il se boucha les oreilles pour détendre son estomac.
Le choc du grand panier sur le sol émit un son minable. Par contre, il provoqua un vol de poussière impressionnant. Les quatre amis éternuèrent de concert.
– Je distribue, leur rappela le plus vieux d'une voix bourrue.
– T'as intérêt à être équitable, gronda Hory encore étourdi par le bruit.
L'ancien sauta dans la nacelle avec une agilité qui le surprit. Tout d'abord, il en ressortit un pot de métal qu'il lui tendit.
– C'est pour vous, ça. Pour l'eau.
– Comment on le remplit si on ne peut pas aller au lac ?
– Tu le déposes sous les filtrations.
Hory le donna à Flay puis se tourna à nouveau vers Cog qui lui remit des boîtes.
– C'est portionné ! De quoi t'avais peur ?
Pour toute réponse, le vieillard lui envoya un regard mauvais avant de sortir rapidement du panier qui remonta bruyamment.
– Et pourquoi tu cours comme ça ? cria Flay pour se faire entendre. Ils n'attendent pas ?
– Si, hurla Arzy. Mais ils nous pissent dessus si on traîne. Ou bien, ils nous balancent leurs ordures. Écartez-vous de là pour manger, sinon...
Le reste de sa phrase se perdit dans le vacarme de la grille qui se refermait.
Les prisonniers se séparèrent.
– On se partage la boîte de Thora ? proposa Vaysh.
– Nan, répondit Hory. On attend.
– Mais Arzy a dit...
– Il est différent. Je suis sûr que... regarde !
Ils se tournèrent vers les ténèbres et virent leur ami, titubant mais vivant, en sortir. Ils se précipitèrent à sa rencontre.
– Ce sont des gorstoys qui nichent là-dedans, expliqua Thora une fois qu'il eut avalé le contenu de sa gamelle.
– Les gorstoys. Ces petites bêtes qui...
– Peuvent entrer par tous les orifices que ton corps possède pour te bouffer de l'intérieur, ricana-t-il.
Cependant, il frissonnait encore de terreur, Hory le remarqua.
– Mais les légendes racontent que le dernier Asham les a exterminés ! s'exclama Flay.
– Faut croire que non. Tu vois, ils occupent cet espace noir. Ce con les a seulement cachés.
– Comment t'as fait pour t'en sortir ?
– Ils avaient besoin d'un endroit chaud pour pondre. Ils l'ont fait sous ma peau.
Il posa sur lui un regard brûlant. Thora « le dur » retenait ses larmes. Qu'avait-il vécu comme horreur là-bas, dans cette nuit inquiétante ? Hory imagina ces insectes minuscules fondre sur lui, entrer dans sa chair par millions et y laisser leurs œufs microscopiques. Il frémit.
– Je me suis souvenu de l'incantation du sommeil, reprit le garçon. Et ça a marché, j'ai pu sortir.
Il essuya une larme de ses doigts sales.
– Lorsque je serai roi, je les détruirai, gronda-t-il d'une voix tremblante.
Car à sa colère se mêlait encore la peur.
De nouveau, Hory frissonna.
– Excuse-nous de t'avoir lâché, murmura-t-il.
Thora haussa les épaules
– Comment comptes-tu te débarrasser d'eux ?
– Ma mère trouvera une solution. Taisez-vous à présent, je la préviens.
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Gahila
Ficção CientíficaAux confins de l'univers, deux entités se disputent les âmes des mortels. Leur faim insatiable et leurs duels incessants provoquent la destruction des mondes qu'elles enveloppent de leur essence, ce qui les oblige à l'éternel exil. En l'an 2499, sur...