Chapitre trois – Réunion de mages
Les larmes aux yeux, Axiam referma la fenêtre du balcon et se laissa tomber sur une chaise. Son corps tremblait de peine.
La nuit enveloppa sa tristesse et le passé ressurgit.
Grâce au Pacte, qui avait écrit avant la naissance de Mori, Axiam avait pu rencontrer la future maman du promis et, ensemble, ils s'étaient projetés dans l'avenir. Il n'avait pas assisté à l'accouchement, car le père ignorait tout de leurs desseins. La mère disait qu'il se moquait de ces croyances, qu'elle espérait un signe d'Araya à sa venue au monde et qu'alors, il se laisserait convaincre. Mais la mort l'emporta. Axiam avait donc tenté d'amener l'homme à lui confier Mori. Pour cela, il lui avait parlé de son destin et l'avait invité à résider au château.
Les mortels ne vivent pas assez longtemps pour se souvenir de l'importance d'un Asham. Malgré l'offre alléchante, le géniteur était parti avec son enfant en feulant contre ces balivernes. Pendant deux ans, Axiam s'était contenté d'une surveillance spirituelle. Jusqu'à la mort de ce pilote de cargo. Le malheur des uns...
Il regarda l'étrange nuage verdâtre enlacer le sommet des montagnes en un sinistre serpentin puis s'essuya les joues d'une paume de main lasse et descendit l'escalier. Lentement, il traversa l'immense salle qui abritait le deuxième cercle d'Araya et poussa une porte incrustée dans le mur sur le versant ouest du temple.
Le crépitement du bois dévoré par les flammes, cette douce chaleur... à croire qu'il ne s'était rien passé. Xahérian s'affairait autour du foyer comme chaque soir depuis son arrivée chez lui.
– Besoin d'un verre, moi, soupira-t-il.
– Moi aussi, répondit-elle.
Elle posa le bougeoir et ouvrit le réfrigérateur désormais éteint.
Axiam apprenait à cette jeune yana le respect de la pensée des autres puisqu'en territoire herrien, aucun instructeur n'avait daigné s'occuper d'elle. En échange, elle cultivait le potager et cuisinait. Ils vivaient seuls ici, isolés de tout et de tous, car, depuis des décennies, le temple s'entourait de maisons vides, plus personne ne servait Araya. La technologie avait remplacé la spiritualité.
Xahérian s'assit à ses côtés.
– Que va-t-il se passer, maintenant ? demanda-t-elle en versant un breuvage mauve dans des flûtes.
Un alcool fort au goût de fruits des bois distillé par les Namris
– Gahila s'éteindra puisque Mori est mort.
– Le Pacte le prédit ?
– Je ne l'ai pas encore ouvert.
– Mais notre monde s'est toujours redressé, n'est-ce pas ?
– Je ne sais pas s'il a vécu pire que ça. Je n'ai rien lu de tel dans les livres des ancêtres.
– Mori ne nous laissera pas tomber, assura la jeune fille. Il parlera à Araya.
Le grand-mage la regarda. Xahérian, au visage fin auréolé d'une couronne de blondeur, de grands yeux bleus d'une douceur infinie qui reflétaient la confiance. Un nouveau sentiment pour elle. Quand il l'avait rencontrée, elle hantait les rues de la capitale herrienne, agressée sans arrêt par les pensées des autres. Mépris, méfiance et haine parfois. Elle ne recevait que les émotions les plus viles. Les gens ne l'aimaient pas parce qu'ils ressentaient ses intrusions. Elle était allée jusqu'à se raser le crâne pour simuler le passage de l'Ihata, le seul diplôme qui aurait pu les apaiser. Réaction infantile et inutile. Désespérée. Axiam avait eu pitié de ce bout de fille.
– Il est trop tôt pour consulter le Pacte, dit-il enfin.
Il vida son verre d'un trait, le claqua sur la table puis se leva.
– Par contre, il est grand temps de réunir les mages.
Il rouvrit la porte et marcha jusqu'au centre du cercle. Le langage premier s'y exprimait en tons orangés et son périmètre se ponctuait des pierres de vie. Chacune d'elles incarnait une ethnie. Il n'y manquait que celle des Arzacs.
Sur les murs de ce temple, un peintre avait représenté quelques scènes du passé des Ashams. À droite de l'entrée, Satoumh structurait le Pacte inspiré par Araya dans ses rêves et, face à lui, un Miobé brandissait le livre de Bahass vers Zaïa. Sur l'autre moitié de cette salle aux dimensions gigantesques, Taligah tombait des cieux la tête la première. Deux nuages, un orangé et un jaune, s'arrachaient son corps et la fresque suivante annonçait la victoire de l'orangé. La déchéance marquait le visage du Sharzac d'étrange façon. Vraiment, l'artiste était doué.
De plus petites scènes ornaient les colonnes et le plafond voûté. Axiam tourna sur lui-même en laissant son cœur se serrer de tristesse. L'endroit silencieux semblait habité par le même sentiment.
Je te trouverai un peintre, Mori.
Il ralentit sa respiration en pensant une courte prière destinée à Araya puis appela les mages.
Yana : Herrien qui lit dans les pensées.
Ihata : épreuve qui valide l'instruction qu'ont reçue les jeunes Herriens. Après l'Ihata, ils sont considérés comme des adultes qui savent maîtriser leurs dons.
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Gahila
Ciencia FicciónAux confins de l'univers, deux entités se disputent les âmes des mortels. Leur faim insatiable et leurs duels incessants provoquent la destruction des mondes qu'elles enveloppent de leur essence, ce qui les oblige à l'éternel exil. En l'an 2499, sur...