Nous marchons cote à cote vers la villa, longeant les trottoirs de la longue rue. Le soleil chauffe nos peaux et il fait chaud mais le vent qui nous caresse arrive à palier la chaleur. Je sens son irrésistible regard braqué sur moi. Au début je me sens gêné, alors je ne lève pas le regard du sol et continue à garder la tête baissé. Mais quelque chose me pousse à la regarder. De la curiosité peut-être, je ne sais pas trop. Je la regarde en coin puis sourit doucement en arquant un sourcil.
-Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ? Dis-je d'un ton enjoué.
Elle fronce les sourcils puis détourne le regard. Elle hausse les épaules.
-Quoi, je n'ai pas le droit ?
Je souffle du nez.
-Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Elle sourit légèrement et soupire. Après un court silence, elle ajoute :
-C'est comment en France ?
Je hausse les épaules et l'observe. Elle a perdue son beau sourire, celui qu'elle revêtait le matin, et qu'elle arborait à longueur de journée. Je suis étonné mais je continue à la regarder, car même sans son sourire, elle reste belle.
-C'est différent.
-C'est-à-dire ?
Je fronce les sourcils.
-Tu n'es jamais allé en France ?
Elle secoue la tête.
-Comment tu as appris à parler français ?
-J'ai pris des cours. Dit-elle froidement.
Je hoche la tête et détourne le regard. Je crois que j'ai touché le point sensible concernant ses parents. Je me sens gêné et je toussote. Je dois vraiment avoir l'air d'un idiot maintenant. Je prend une grande inspiration et me lance :
-En France tout est plus froid, c'est beau, mais c'est froid. Le matin tu te lève, tu sors, tu vois les gens s'activer pour aller au travail et le soir, exténués, ils rejoignent leurs familles. Le lendemain, c'est la même journée, en boucle et en boucle.
Elle lève sa tête vers moi et sourit. Je souris aussi parce que je me sens responsable de la naissance de ce sourire.
-Ils oublient de vivre. Dis-je.
Elle écarquille les yeux puis plonge son regard dans le mien alors qu'un rictus se forme sur mes lèvres.
-Ils en espèrent tellement de la vie qu'ils en oublient le principal. Ils oublient de vivre.Dit-elle en détournant le regard.
Je fronce les sourcils et regarde droit devant moi.
-Et toi, tu attends quoi de la vie ?
Elle hausse les épaules.
-J'attend rien. J'aime la vie pour toutes les choses qu'elle peut m'apporter, pour toutes les personnes qu'elle me permet de rencontrer et toutes ces choses dont je ne connais pas l'existence mais qui font de mon quotidien un bonheur.
J'ai l'impression qu'elle a constamment cette vision si enfantine des choses qui l'entoure et pourtant elle à l'air si mature. Comme quoi, les deux peuvent parfaitement se combiner. Je la regarde et souris, parce que je ne sais pas quoi répondre à ça. Nous arrivons à la villa et nos routes se séparent. Elle monte directement dans sa chambre sans rien me dire et moi je m'assois quelques instants autour de la table sur la terrasse. Joe me rejoint, il s'assoit à coté de moi dans un long soupire exagéré et je le sens m'observer, alors je tourne ma tête vers lui et il me sourit comme un ahuri.