L'aube. Je tourne ma tête vers le corps étendue à coté du mien et souris. Elle tient encore une cigarette entamée dans sa main pendue au dessus du sol et ne porte que des sous-vêtements. Je me redresse et m'assois au bord du lit. Je passe mes mains sur mon visage et regarde par la vitre du balcon. Aujourd'hui, c'est mon dernier jour en Californie. Demain, je serais de retour à Paris. Je redoute le moment où je passerais les portes de la villa pour la dernière fois. Je redoute les au revoirs qui n'en seront peut-être pas.
-T'es déjà debout ?
Sa voix endormis mais incroyablement sexy me sort de mes pensées. Je me tourne vers elle et lui souris en hochant la tête. Les débris de la veille résonnent un peu trop fort dans ma tête alors qu'elle déambule dans ma chambre en cherchant ses vêtements éparpillés par terre. Je fronce les sourcils et ne dis rien, me contentant de la regarder faire. Je ne sais pas trop quoi lui dire. C'est un jour différent des autres, se contenter d'un bonjour puis finir par un au revoir n'est pas ce dont j'avais rêvé. A moins qu'elle ne vienne vraiment avec moi. Dans ce cas, ce ne sera qu'un bonjour. Elle sort de la salle de bain quelques minutes plus tard, ses cernes ont disparus alors que les miennes creusent encore mon visage. Elle se dirige sur le balcon et s'assoit en face de moi. Je me lève et me rapproche d'elle. J'ai presque peur d'engager la conversation. Je la regarde et m'allume moi aussi, une cigarette. Quand j'ai tiré ma dernière taffe, aucun de nous deux n'avais encore osé parler. Elle me sourit quand je croise son regard, mais je ne souris pas. Je ne suis pas sur de savoir ce que ça voudrait dire. Je regarde l'heure sur mon téléphone et soupire.
-Départ Heure - 4. Dis-je en m'avachissant un peu plus sur ma chaise.
Elle remplie ses joues d'air et ferme les yeux.
-C'est tôt.
J'hoche la tête et jette un rapide regard dans la chambre. Je ne vois aucune affaire à elle de ranger, aucune valise, aucun sac. Je sais très bien ce qu'il en n'ai. Ce seront finalement des adieux.
-Comment tu te sens ? Demandais-je, espérant qu'elle engage la conversation sur mon départ.
-Triste.
-Pourquoi ?
Elle fronce les sourcils.
-De tout.
Alors que j'allais répliquer, elle soupire et rajoute :
-J'ai trop peur Ken. J'ai trop peur du changement, je ne suis pas prête à tout quitter.
Mon coeur se serre et mon sang se glace.
-Tu ne viens plus avec moi, c'est ça ? dis je d'un air déçu.
Elle détourne le regard et fixe le sol.
-Oui, quelque chose dans ce genre.
Je ris de nervosité et passe ma langue sur mes dents. J ai l'impression qu'elle m'a prise pour un con, qu'elle s'est joué de moi.
-Ken, je ne regrette pas un instant que tu m'ai obligé à me poser des questions sur la vie ou le reste ou encore que face à la mort, tu es celui qui m'a permis de me sentir le plus en vie. Tu m'as tellement aidé...
Je pense à l'instant précis où nos destins se sont emmêlés, pour me maintenir dans le passé et ne pas penser au fait qu'elle est probablement et surement entrain de me quitter. Je crois qu'elle ne se rend pas compte. Non, c'est sûr, elle ne se rend pas compte que c'est devenu pour moi une habitude de penser à elle. Elle pense que ce n'est que passager, un amour de vacance comme un autre mais moi je sais. Elle n'est pas qu'un passage.
-Alors, quoi Aurose ? Je suis condamné à t'aimer sans retour ? Dis-je en hurlant presque.
Elle sourit et plonge son regard dans le mien.
-On est tous les deux condamné à quelque chose. Moi je suis condamné à errer toute ma vie Ken, en espérant rester la gamine que je suis, en me posant toujours les même questions qui resterons sans réponses. Et au finale, je regretterais de ne pas t'avoir suivi parce que je n'arrêterais pas de penser à toi, chaque jour, chaque seconde de chaque minute. Elle détourne le regard et se mordille la lèvre. Et à la fin, je serais triste, puisque je me rendrais compte que je ne suis plus cette gamine que j'espérais rester et ces questions n'auront plus aucune importance alors j'aurais arrêté d'en chercher les réponses et je me rendrais compte que je t'aime toujours autant qu'au premier jour.
Mon regard jongle entre ses deux yeux et ma poitrine se serre. Est-ce que ça va vraiment se passer comme ça ? C'est incompréhensible.
-Si tu sais comment ça va se passer...Pourquoi ne pas rectifier ton choix ? Demandais-je en haussant un sourcil.
Elle sourit.
-Parce que c'est comme ça que je veux que ça se passe.
-Mais pourquoi ? Putain Aurose je te comprend pas ! On est bien ensemble, on pourrait continuer à l'être, pourquoi tu veux tout gâcher ? Je ne laisse jamais aucune histoire inachevé, et toi, tu compromet tout ça !
-Je suis comme ça Ken, je ne termine jamais rien. Je ne veux pas risquer de perdre mes repères ou changer ma façon d'être.
-Personne ne te demande de changer.
-De toute manière c'est déjà fait Ken, tu m'as changé.
-Je ne vois aucun changement. T'es toujours la même gamine qu'au début. Dis-je en me levant subitement.
J'entre dans la chambre et commence à ranger mes dernières affaires. Elle entre et se pose contre le mur pour me regarder faire.
-Ça te fait plaisir ? Dis-je froidement.
-De quoi ?
-Me regarder faire mes affaires, et quitter ta vie ?
Elle détourne le regard et soupire.
- Notre amour ne s'est éternisé que l'instant d'un regard. Rien de plus Ken.
Je lâche ma valise sur le sol et la regarde.
-Donc tout ça c'était du vent ? Dis-je en haussant le ton, peinant à aligner les mots.
-Une expérience. Répond-t-elle froidement.
J'hoche la tête et la regarde avec dégoût. Je sais ce qu'elle essaye de faire et ça marche. J'ai l'impression que mon coeur s'est brisé en de milliers de petits morceaux. Elle ment. Elle ment terriblement mal. La larme qui menace de couler sur sa joue me ramène à la réalité. A ce moment là, je souhaite de ne l'avoir jamais rencontré, ne jamais avoir posé le regard sur elle, de n'être jamais tombé amoureux d'elle. Je m'assois sur le lit et plonge mon visage entre mes mains. Je l'entends s'agenouiller devant moi et me prendre les mains.
-Lâche moi putain.
Je me lève violemment ce qui la surprend et la fait tomber par terre. Je me dirige au balcon et m'y accoude.
-Je suis tellement désolé. Dit-elle la voix tremblotante.
Je serre la mâchoire et ferme les yeux. J'ai cru enfin gagner, mais finalement, elle m'a fait un coup de maître. Échec et mat.