Je regarde la route encore quelques minutes, espérant qu'elle revienne peut-être. Puis petit à petit, mes espoirs s'estompent, jusqu'à disparaître entièrement. Elle ne reviendra pas. Je fais demi-tour et entre dans la villa. Je reste dos au portail et fixe videment le sol.
-Ken ? Qu'est-ce que tu fais ?
Jordan me sort de mes pensées. Je lève la tête vers lui et ne dit rien. Il a comprit. Il se pince l'arrête du nez et s'approche de moi et s'assoit sur le banc en pierre dans un long soupire.
-Assied-toi avec moi. Dit-il en tapotant la place à coté de lui.
Je le rejoins et fixe l'herbe verte et scintillante grâce à la rosée du matin.
-Y a des souvenirs que la vie de remplacera pas. Et des images qu'elle remplacera mal. Je ne vais pas te dire que ça va aller parce que ce n'est pas ce qu'il va se passer. Elle va partir d'ici. Je le sais, parce que ça lui rappellera toi. Chaque endroit de la villa lui fera penser à toi, ça va l'anéantir. Alors bien évidemment, elle va en rire. Elle va rire, jusqu'à ce qu'elle soit seule où elle va en pleurer. Tu l'a changé Ken. Tu l'as rendu autrement que belle, tu l'as rendu vivante. C'est la plus belle chose que tu aurait pu lui apporter.
J'hoche la tête et lui lance un regard en coin. Je ne me sens pas mieux, mais je le remercie tout de même. Je me lève et marche vers la villa puis me tourne pour le regarder. Il est toujours assis sur le banc, son visage plongé entre ses mains entrain de sangloter. Je fronce les sourcils et détourne le regard. Je monte les escaliers et m'arrête devant ma chambre. Je la regarde et me remémore. Je me vois coucher dans le lit avec Aurose, entrain de nous dévisager l'un l'autre comme si rien n'avait changé. Mon regard encré en elle, son sourire encré en moi. Elle était si belle. Je serais tombé amoureux d'elle si je ne l'étais pas déjà. Je me souviens de cette nuit. La nuit était noire mais la lune éclairait son visage à travers les persiennes. Des nuances sombres et éclairées. Je soupire et me jette sur le lit, effaçant ce souvenir qui devient flou, jusqu'à disparaître. Je fixe quelques instants le plafond blanc puis me redresse. Je regarde le bureau dans le coin de la pièce, où elle s'y est souvent assise ces derniers jours. Elle croyait que je ne la voyait pas, la nuit, quand la pièce était noire. Mais je la regardait. Elle écrivait des choses dans un carnet. Son journal intime, sans doute. On était pas si différent l'un l'autre finalement. Je me lève et en passant à coté du bureau pour me rendre une dernière fois sur le balcon, j'efface son image d'elle à cet endroit. Je ferme les yeux et me concentre sur la brise qui caresse ma peau, sur les bruits de la mer portés par le vent puis j'ouvre les yeux pour photographier cette vue une dernière fois. Je tourne ensuite ma tête vers ma droite. L'image d'Aurose apparaît. Adossée à la barrière, les yeux fermés et ses cheveux bercés par le vent et sa cigarette entre les lèvres. Rouge à lèvres effacé, tâches de rousseurs maquillés, fossettes creusées. Elle sourit et ouvre les yeux. Je souris aussi et passe ma main sur ce souvenir pour le faire disparaître. Je prend mes valises et sort de la chambre sans me retourner. Je descend et fait face à trois têtes tristes. Jordan me sert fort dans ses bras et soupire.
-On se reverras bientôt, je te le promet. Dit-il en me donnant une tape dans le dos.
J'hoche la tête et me détache de lui puis mon regard se dirige vers Marco.
-J'ai été ravi de te rencontrer. Dit-il en me faisant une accolade.
Je ne répond pas et souris à Léa qui pleure déjà avant même que nous nous soyons dit au revoir. Elle me prend dans ses bras et pleure de plus belle.
-Je suis désolé pour tout ça. Dit-elle d'une voix tremblotante.
-Merci. Dis-je simplement.
Elle me donne une petite tape sur l'épaule avant de rire doucement. Sans doute qu'elle se pense ridicule à pleurer ainsi, mais moi je le trouve attendrissante. Je passe ma main sur ma nuque, ne sachant pas trop quoi dire, n'ayant pas la tête à faire des Adieux. Au même moment, Ben arrive et les prends tous dans ses bras clignant rapidement des yeux pour s'empêcher de pleurer. Je souris en les regardant puis il s'offre une accolade plus longue avec Jordan. Joe les salue tous un par un et me rejoins.
-Tu te sens comment ? Me demande-t-il en s'allumant une cigarette.
Je ne répond pas et hausse les épaules. Mal, je vais terriblement mal. Puis à Lyes de sortir de la villa, ses bagages en main. Il les pose et immédiatement, Jordan se jette dans ses bras avant de l'embrasser rapidement sur la bouche. Je fronce les sourcils et regarde Joe qui me sourit. Je comprend alors le malaise qu'il y avait entre eux à son départ pour la Californie. Il l'aimait et il est partit. Je ne connais que trop bien ce sentiment pour enfin comprendre Lyes. Ils réussissent à se détacher l'un de l'autre quand Ben nous rappelle qu'on a un avion à prendre. Nous sortons tous les trois de la villa et entrons dans le taxi. Ils saluent par la fenêtre en criant des mots qu'ils espèrent qu'ils entendent de l'autre coté de la vitre. Nous démarrons et une main me tape la cuisse. Je regarde Ben, qui me souris d'un air compatissant. Je lui souris en retour et fixe le paysage par la vitre. Nous passons sous la colline où nous nous sommes embrassés pour la première fois. Je souris et met mes écouteurs dans mes oreilles. Aurose était une belle fille, même sans faire exprès. Une fille comme on en voit peu. Aux premiers abords, elle paraissait joyeuse et pleine de vie. Le genre de fille qu'on admire et qu'on aimerais connaître. Elle pouvait passer des heures à parler de choses futiles, mais qu'est-ce qu'on s'en fou tant qu'elle parlait encore et encore. Sa voix était envoûtante, habitait l'émotion. Elle parlait beaucoup mais ne disait que peu de choses sur elle et te donner l'impression de la connaître. Elle pouvait t'entraîner dans les rues du soir, nous perdre dans son regard et se demander où est-ce qu'elle nous mène. Elle pourrait t'emmener au bout du monde sur un coup de tête. Vous en faire voir de toutes les couleurs. Elle aimait qu'on lui dise qu'elle était belle. Belle à en crever. Elle était poétique dans sa façon de regarder le monde, les gens autour d'elle. C'était une rêveuse, une éternelle rêveuse. C'était le genre de fille à s'en foutre de tout, à rire aux éclats un peu trop fort pour attirer l'attention. Il fallait savoir lire entre les lignes, penser comme elle pour la comprendre. Elle donnait l'impression d'être inaccessible, que rien ne pouvait l'atteindre. C'est faux. Un rien pouvait l'atteindre. Elle fumait, elle aimait ça. Elle buvait pour oublier, elle aimait ça, ça la faisait rire. Elle riait surtout quand elle était triste, et elle s'en allait quand elle pleurait. Aurose était au fond, triste et malheureuse. Le genre de fille qui se cache derrière un sourire et une attitude. Tout cette facette d'elle n'était qu'une comédie à laquelle elle excellait. Tout chez elle était fait pour tromper, son sourire, ses manières, ses mots. Seul son regard ne suivait pas, seul lui, disait la vérité. Elle avait terriblement peur de vieillir, peur du changement, peur de la mort. Elle pouvait dire qu'elle n'avait besoin de personne et pleurer le soir, quand elle était seule dans ses draps froid. Elle était seule malgré le fait qu'elle était entourée. Elle aurait voulu rester une gamine insouciante toute sa vie. Elle souffrait d'une étrange confusion d'esprit, elle était là et distante à la fois. C'était une fille qu'on oublie pas. Elle voulait être aimer démesurément , mais elle ne comprenait pas pourquoi moi, je l'aimait alors que je la connaissait. Pourtant c'est simple. C'était Aurose.
Voilà, this is the end.
Merci de m'avoir lu <3