Nous nous asseyons sur un muret à l'écart du monde. Le vent frais nous caresse le visage et me fait du bien après le vacarme à l'intérieur du club. Je soupire et frotte les mains entre elles. Je sens son regard braqué sur moi alors dans un élan de courage je me tourne vers elle.
-Je pense souvent à mon futur. Je dois t'avouer que je pense plus à mon avenir professionnel plutôt qu'à autre chose. Mais ces derniers temps, plus précisément depuis que je t'ai rencontré, je vois l'avenir autrement. Je vois autre chose que juste du rap. Je te vois toi. Et je me suis demandé, si tu finiras par comprendre de toi même que des sentiments, aussi minimes qu'ils pourraient être, m'unissent à toi. Peut-être comprendras-tu à travers les regards, les paroles et les caresses. Que malgré tout ce qu'il pourrait se passer, tu ne cesseras pas d'être ma première pensée du matin, et ma dernière avant de m'endormir. Puis j'ai réfléchi et assis seul à ce bar, les gens s'amusant autour de moi,je me suis dis : Il faut que je lui dise. Et même si tu me répond que tu ne ressens pas la même chose, au moins j'aurais mis cartes sur table. J'aurais la conscience tranquille, je cesserais de me torturer l'esprit avec milles questions et de scénarios possibles. Et je dois aussi t'avouer, que ce scénarios là, ne faisait pas partie de ceux que je m'étais imaginer.
Son regard me transcende. Elle sourit doucement et détourne le regard. Je crois qu'elle est gênée. Mon coeur bat de plus en plus vite à travers ce silence pesant. Je n'ai jamais autant stressé qu'à ce moment là.
-J'adore être avec toi et j'adore cette connivence qui existe entre toi et moi.
C'est un mélange de surprise, d'espoir et de doute face à la réaction à adopter. Je souris et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle rit de nervosité et rajoute :
-Moi aussi j'ai des questions qui me taraudent l'esprit sans cesse. Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Tu comprends ? Je ne pense pas à l'avenir, je ne suis pas sûre d'en avoir un, je ne suis jamais sûre de me réveiller le lendemain d'un levé de soleil. Je profite de chaque instant de ma vie qui m'est offert et les vis comme une bénédiction. Et dans tout ça, il y a toi, Ken. Un inconnu arrivant dans ma vie comme un coup de vent et qui repartira un jour où l'autre. Qui s'inquiéteras pour moi quand tu ne seras plus là ? Qui penseras à moi le matin au levé, le soir au couché si tu n'es plus là ? Je ne peux pas te mentir et te dire que je ne ressens rien pour toi. Mais ce serait te mentir de te dire que je t'aime en retour. Tout simplement, parce que je ne connais pas ce sentiment.
Je l'arrête et lui prend la main. Elle écarquille les yeux et je crois apercevoir un léger sourire sur ses lèvres. Elle me regarde avec un regard empli de questions, d'incertitude et ce n'est pas ce que je veux.
-Le fait que...je t'aime...ne veut pas dire que nous devons vivre ensemble, collés l'un à l'autre toute notre vie, nous priver de notre liberté mutuelle. Ca ne veut pas dire que tu dois avoir mon approbation pour chacune des choses que tu veux faire, que nous devons les faire à deux, que nous devons avoir des enfants, nous marier et avoir un chien. Le fait que je t'aime veut simplement dire que là, au jour d'aujourd'hui, tu es celle que j'ai envie d'aimer.
Son regard plongé dans le mien, nous ne disons rien. Elle me sourit puis me prend dans ses bras. J'hume le parfum ensoleillé dans ses cheveux et la serre contre moi. Je ne veux pas qu'elle me dise qu'elle m'aime, pas si c'est pas sincère. Je sais que ça finiras par arriver et je serais là quand ça arriveras. Ce soir, c'est l'instant précis où nos destins ce sont entremêlés. Elle se détache de moi et je sens à nouveau ma poitrine se serrer. Elle sors une cigarette de son sac et m'en tend une avant d'en mettre une seconde entre ses lèvres. Je souris et accepte. Je l'allume avant d'allumer celle d'Aurose. Et nous nous retrouvons à nouveau seuls, à fumer une cigarette sur un muret. J'ai l'impression que nous sommes d'autres personnes la nuit que la journée, que je peux dire des choses qui me semblent tabou quand le soleil est levé. J'ai même pas l'impression d'être la même personne. Nous ne parlons pas, pas parce que nous n'avons rien à nous dire. Je suis sûr que nous pourrions parler des heures, mais c'est seulement que cela n'est pas nécessaire. C'est comme ça que ça se passe quand nous marquons la mémoire de l'autre. Et puis, je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, de ces aveux qui n'en sont pas vraiment et de ces sentiments qui existent ou qu'on pensent exister. Je ne sais même pas si elle a vraiment compris. Si pour elle, ce ne sont que des mots comme d'autres ont dû lui dire, ou si elle voit dans mon regard tout l'amour que je lui porte et que je lui porterais aussi longtemps que je pourrais. Je ne veux pas qu'entre nous ça change, que le fait de parler de sentiments change la perception qu'elle a de moi et de nous. Même si j'ai peur que le nous ne soit qu'illusoire.