-Regarde moi. Dit-elle en me tirant doucement le bras.
Je tire dessus pour qu'elle me lâche et plonge mes mains dans mes cheveux. Je suis entrain de perdre pied. Je ne répond plus de rien. J'ai l'impression que tout autour de moi disparaît petit à petit. Soudainement elle me tourne vers elle, m'attrape par la mâchoire et me force à la regarder.
-Ken, ne m'en veux pas.
Je ne répond pas. Je regarde seulement la larme au coin de son oeil, elle est est sur le point de dégringoler son visage.
-Je fais le même cauchemar en boucle depuis tellement longtemps. Je ne t'en ai pas parlé, parce que je ne sais pas à quoi ça aurait servis. J'crois, que je voulais pas voir ton regard de pitié sur moi, que tu me mentes en me disant qu'ils passeront, parce que je sais que c'est pas vrai. Je suis sur le balcon Ken, il fait froid, la nuit est pâle et violacée, je ferme les yeux et j'attends que quelqu'un vienne me sauver mais on me dit que personne ne viendra. Je serais à jamais seule et orpheline. Ken, j'ai peur. J'ai peur d'être à nouveau seule, et ça va arriver un jour. Je le sais, je ne veux pas avoir peur de te perdre toute ma vie.
Une larme coule sur sa joue, avant qu'une autre ne suive le même parcours. En une fraction de seconde elle pleure dans mes bras, me serre fort, comme si elle ne voulait pas que je parte, que je la quitte.
-Je ne fais que de te détruire. Dit-elle dans un souffle.
Je fixe le vide, je ne dit rien et répond à peine à son étreinte. Je ne fais que la frôler. En vérité, je l'ai toujours frôlé, jamais touché. Tout cela n'était que mon imagination débordante. Penser qu'un jour elle m'appartiendrais n'était que mensonge. Je crois aussi qu'au fond je le savais. Je ne faisais qu'espérer en rêvant d'elle. Je me rattachais aux petites attentions qu'elle avait pour moi, ses regards, ses caresses, ses mots. Et tout ça n'existeras plus. Je me serais donné au vide. Elle n'est que du vide. Elle reste dans mes bras de longues minutes, durant lesquelles je prie pour qu'enfin elle me laisse m'en aller. Je n'ai plus envie de la voir. Je ne veux plus qu'elle se tienne à mes cotés. J'ai tellement envie de crier. De tout lui dire. Lui dire qu'elle me dégoûte autant que je peux l'aimer. Lui dire que j'aimerais tout recommencer. Vous savez, retourner au jour où j'ai croiser son regard pour la première fois, la rencontrer une nouvelle fois. Revoir son sourire qui a su me conquérir le premier jour. J'aurais aimé la connaître timide à nouveau, ces petits regards en coin pleins de sous-entendus. La revoir rêveuse et paraître sûre d'elle alors que je sais pertinemment que ce n'est qu'un mensonge, une face d'elle. Retrouver l'émotion qui m'a pris aux tripes quand elle a posé ses lèvres contre les miennes un jour d'été comme les autres. J'aimerais revenir au moment où elle m'a dit qu'elle m'aimais, le moment où j'ai cru enfin être aimé pour de vrai. Finalement, je crois que ce que j'aurais aimé par dessus tout, c'est de ne lui avoir jamais prêté attention, de n'avoir jamais voulu percer le mystère qui l'auréolait. J'aurais voulu ne jamais l'aimer. Puis je me souviens que ça n'arrivera jamais. Que tout est perdu et s'est transformé en souvenirs. Que je suis destiné à l'aimer, à souffrir et à l'oublier. Je me contredis tellement, tout n'est que chaos, désillusion. Rien n'a jamais été réel. M'a-t-elle au moins aimer ? Ne serais-ce qu'un instant ? Puis je me rappelle les mises en gardes de mes amis. Mes potes. Mes frères que j'ai délaissé pour elle. Pourtant elle ne m'a forcé à rien, c'est moi qui l'ai voulu. J'avoir espoir, tout simplement. Quand enfin, elle se détache de moi, les joues rouges et les yeux humides, j'entre dans la chambre et ferme mon dernier sac avant de me regarder dans le miroir. Elle se place derrière moi et me sourit.
-Tu m'oublies pas, hein ?
Ces mots ne sont qu'un murmure dans le vent. Je veux l'oublier, même si je sais que jamais je n'y arriverais.
-Je t'en veux tellement. Dis-je à voix basse.
Elle fait la moue et me sourit de plus belle.
-Moi aussi je m'en veux.
Elle me tourne pour que je lui fasse face et prend ma tête dans ses mains. Elle colle son front au mien et ferme fort les yeux. Je la regarde simplement, peut-être avidement.
-Je te souhaite d'être follement aimé Ken. Dit-elle avant qu'une larme ne coule à nouveau de ses yeux scellés.
Elle affiche son sourire de contre-façon. Elle se cache de moi. Je fronce les sourcils et la tire contre moi pour venir l'embrasser une dernière fois. Elle plonge ses mains dans mes cheveux qu'elle tire tendrement et répond à mon baiser avec hardeur.
-Tu m'as enlevé ce goût amer que j'avais en moi, cette petite chose qui m'a fait oublier la mort. Je t'en remercierais jamais assez. Dit-elle entre deux souffles.
Elle me regarde dans les yeux et me souris avant de me lâcher et de s'avancer vers la porte. A ce moment là, j'ai peur. J'ai peur de ne plus jamais la revoir, et ma poitrine se serre. Je la suis et elle accélère le pas. Elle sors de la villa et se met à courir. Non, ça n'arrivera pas. Elle ne partira comme comme ça. Elle ouvre le portail et le referme derrière elle. Je m'apprête à devoir la poursuivre mais en ouvrant le portail, elle se trouve face à moi, un léger sourire sur les lèvres ce qui me surprend.
-Laisse moi m'en aller Ken. Dit-elle d'une douce voix suppliante.
Elle paraît soudainement sereine. Son visage d'ange n'a plus de marques rouges dû à ses pleurs.
-S'il te plait, pas comme ça. Je veux que tu sois là à mon départ.
-Non, tu ne le veux pas.
Je secoue ma tête.
-Tu ne peux pas juste partir en me laissant comme ça, comme un idiot. Dis-je en faisant de grands gestes avec mes mains.
Elle se retourne en continuant de marcher en arrière et me regarde en souriant avec ce petit air enfantin qui me plaît tant.
-Tu es tout sauf un idiot Ken.
Elle me dit ça puis disparaît, comme un mirage. Le sable coulant entre mes mains jusqu'à ce qu'il n'en reste que des grains, des souvenirs qui me paraissent déjà lointains.