John Murphy » The 100 AU

Le champ de moutons

- Ava? La Terre à Ava?

   J'entends sa voix, mais je ne l'écoute pas vraiment. Je suis plongée dans le câlinage d'un tout petit mouton qui doit être âgé de quelques mois à peine. Il est tellement mignon avec ses petits yeux curieux et son pelage me fait penser à de la barbe à papa, sans le côté collant. Le paradis, quoi.

   Murphy doit remarquer que je suis actuellement non disponible à la communication avec tout être vivant qui n'est pas un mouton et me laisse m'amuser avec eux pendant un moment. Il s'assied dans l'herbe et, du coin de l'œil, je le vois caresser un mouton qui semble s'être pris d'affection pour lui.

- Alors, dis-je en me relevant et décollant les brins d'herbe qui collent à mon jean. Tu voulais me dire quelque chose? La durée de mon kidnapping, peut-être?

   Je me laisse tomber à côté de lui.

- Quelques années je suppose... Ca dépendra de ta capacité à faire le ménage, bien évidemment. Plus sérieusement, c'est à propos des Optimus...

- Ah. A cause des candidatures qu'on doit déposer jusqu'à demain?

- Peut déposer. Rien ne t'y oblige. Tu sais, c'est vraiment surestimé comme truc, je veux dire on en fait tout un foin, mais c'est quoi au final? Les cent meilleurs élèves du lycée? C'est pas comme si on était des milliers à aller en cours ici... Et puis, je veux pas dire mais c'est pas très égalitaire comme système, ça créée des différences sociales entre les élèves et je suis sûr que quelqu'un comme Helga se bat pour un monde plus égalitaire, non?

   Je réprime un sourire et roule les yeux.

- C'est vrai que vu sous cet angle là...

- Tu vois, le bon vieux Murphy a toujours raison. (Il reste silencieux pendant un moment, comme s'il hésitait à se lancer) Donc tu ne postuleras pas?

   Je soupire. Il ne veut clairement pas que je fasse parti des 100 et il m'a fait comprendre dès nos premières rencontres qu'il ne les portait pas dans son cœur. Et il a sûrement ses raisons, même si je ne les vois pas pour l'instant. Mais d'un autre côté, je vois bien que mes nouveaux amis sont parfois un peu distants avec moi à cause de Murphy. Et ils ont sûrement leurs raisons, même si je ne les vois pas pour l'instant. Je décide donc de jouer la carte de l'honnêteté.

- Je ne sais pas. D'un côté, je ne vois pas ce qu'il y a de grave si je fais partie du groupe, mais de l'autre tu ne veux vraiment pas que je devienne une 100 et c'est un peu perturbant.

- Désolée Ava, j'essayerai de ne plus te perturber avec quelque chose d'autre que mon physique avantageux.

   Il essaye de détendre l'atmosphère mais la blague a un goût amer dans sa bouche.

- C'est d'accord. Je ne postulerai pas.

   Murphy plisse les yeux et me regarde comme s'il ne savait pas si j'étais sérieuse ou non.

- Par contre, si ils m'enrôlent de force en raison de mon physique avantageux, je n'y suis pour rien, dis-je en levant innocemment les mains.

- Dans ce cas-là il vaut mieux que tu restes enfermée dans ta chambre jusqu'à la fin du lycée.

   Je lui lance un regard interrogateur. Pourquoi est-ce que je devrais faire ça?

- Laisse tomber, Helga dit-il en se levant. Allez, on rentre avant qu'ils ne croient vraiment que je t'ai kidnappée.

* * *

  Il fait presque nuit quand nous arrivons au lycée. J'ai très certainement loupé le repas et ces kilomètres passés sur le porte-bagage m'ont épuisée. Lorsque j'ouvre la porte de ma chambre, une masse blonde se jette littéralement sur moi et je manque de m'écrouler par terre sous son poids.

- Où est-ce que tu étais passée? s'exclame Clarke comme si j'étais partie pendant des mois, avant de me relâcher et me regarder de la tête aux pieds.

- Euh... Et bien...

   Salut, Clarke. J'étais avec Murphy sur un champ de moutons? Mauvaise idée.

- Tu étais avec Murphy. Ne nie pas, je vous ai vu rentrer dans la cour ensemble. Où est-ce que vous êtes allés tous les deux?

- J'étais avec Murphy sur un champ de moutons.

   Il faudrait vraiment que je sois un peu moins... Helga, parfois.

- Tu as eu un rendez-vous avec Murphy sur un champ de moutons. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas bien chez toi?

- Ce n'était pas un rendez-vous. Il sait que j'aime les moutons, donc il m'a emmené voir des moutons.

   Elle se frotte le menton et semble plongée dans une réflexion intense pendant quelques secondes. C'est si dur à croire? Tout le monde semble attendre le pire de la part de Murphy, mais durant les quelques semaines que j'ai passé ici rien ne s'est passé. Il n'a pas été collé, n'a pas été impliqué dans des bagarres, n'a insulté personne à ma connaissance. Et pourtant, tout le monde le traite comme s'il venait tout juste de sortir de prison.

- Pourquoi est-ce qu'il ferait une chose pareille? demande-t-elle finalement.

- Parce que c'est quelqu'un de gentil?

   Ma phrase sonne plus comme une question et Clarke en profite pour exploiter mon erreur.

- Aha. Même toi tu n'y crois pas. Murphy n'est pas gentil et ne fait pas dans le social non plus. Alors pourquoi il ferait quelque chose comme ça?

- Je ne sais pas, dis-je en me laissant tomber sur mon lit. Je ne sais pas.