John Murphy » The 100 AU

Chocolat chaud

   Même si, dans un univers parallèle purement théorique, j'aurais eu éventuellement prévu de suivre le conseil de Jasper et d'aller parler à Emori, cela n'aurait pas été possible étant donné que ladite Emori ne reviendrait pas avant la fin des vacances.

   Donc la question ne se pose pas.

   Pour l'instant.

   Je soupire en contemplant le beige du plafond de ma chambre - qui a probablement dût être blanc un jour, il y a bien longtemps de cela. Allongée sur le lit, les jambes collées contre le mur, cela doit bien faire une demi-heure que je médite sur les problèmes existentiels de la vie au lieu de faire ma dissertation de français.

   Certes, tant que les problèmes existentiels de ma vie riment avec Murphy et Emori, je pense que je ne suis pas à plaindre, mais je ne suis pas faite pour ce genre de dramas.

   J'entends la porte s'ouvrir, ce qui me ramène plus ou moins à la réalité, mais je n'ai ni la force physique, ni la motivation psychologique de bouger. Du coin de l'oeil, je vois Jasper se diriger vers moi avec deux tasses en main.

- Tu fais du yoga maintenant, Ava?

   Il s'assied à côté de moi sur le lit.

- Non, je réfléchis aux choses existentielles de la vie, par exemple sur les probabilités que tu m'aies ramené du chocolat chaud. (Pour ça, je dois bien faire un effort et me redresse avant de m'asseoir en tailleurs et de prendre la tasse qu'il me tend.) Tu es un amour, Jasper.

- Tu n'es pas la première à me dire ça, mais j'accepte le compliment. Parce que c'est toi. (Il prend une gorgée de cacao.) Mais assez parlé de moi: comment tu vas, toi?

   Je hausse les épaules et soupire théâtralement. 

- Il n'est toujours pas revenu, ou bien?

   Murphy a littéralement disparu de tous les plans depuis pratiquement une semaine. Apparemment, il ne rentre même plus le soir pour dormir. Et ce n'est même pas ça le pire dans l'histoire, le pire, c'est que ça ne semble préoccuper personne, pas les élèves, pas les surveillants, pas les quelques profs qui passent de temps en temps ici, non, personne ne semble se soucier d'un élève manquant à l'appel. Peut-être qu'ils ont l'habitude, avec lui? Dans tous les cas, lui, il a intérêt à avoir une bonne raison.  

- Non, rien de nouveau à son sujet.

- Il n'a pas de parents, de famille qui se font un minimum de souci pour lui? Il n'est pas majeur, il faut bien qu'il y ait quelqu'un, je ne sais pas, un tuteur, un cousin éloigné au troisième degré, une vieille tante chez qui il aurait pu aller,...

- Pas à ma connaissance. 

   Il hausse les épaules et continue de boire son chocolat chaud comme si c'était la chose la plus normale du monde.

- Jasper, il doit y avoir quelqu'un, dis-je en insistant.

- Oh, maintenant que tu le dis, il y a bien cette personne... Je ne crois pas que ça soit de la famille, c'est quelqu'un qui - si tu veux mon avis, est beaucoup trop gentille avec lui. Je crois que cette personne s'appelle Ava Parrish, ou un truc du genre. 

- Très drôle, Jasper. Mais si ça continue comme ça, quelqu'un va bien finir par appeler la police et là...

- Ava, m'interrompt-il, on a déjà parlé de ça. Ça ne servirait à rien. Et de toute façon, je ne suis pas venu pour entendre les malheurs de ce pauvre John Murphy. Il y a une sorte de... réunion à la bibliothèque à 16h et les gens voudraient que tu viennes.

- Qui ça, les gens? Bellamy Blake, peut-être? Quoi, ne me regarde pas comme ça, je veux bien être un peu cruche, mais je ne suis pas stupide à ce point. Je sais très bien qu'il m'évite comme la peste.