- Madame Hubert, est-ce qu'on peut rester dans la salle un peu plus longtemps, avec Murphy? Disons vingt minutes?
Plus de la moitié des élèves ont déjà quittés le cours de physique et notre professeure est en train de faire de même.
- Dans quel but, mademoiselle?, demande-t-elle en me jetant un regard perplexe à travers ses petites lunettes rouges.
- Disons qu'on a un peu ratés l'expérience qu'on était censés faire - ce truc-là, le sulfate de machin, quand on l'a mis sur la genre de farine là, ça a fait un peu trop de bubulles pour que ça devienne bleu - c'était plus blanc, à cause des bubulles, vous voyez. Et du coup - je disais quoi? Ah oui, du coup on (je retiens mon camarade qui est déjà à moitié parti par le poignet sous la table) on aimerait bien avoir une chance de réessayer.
Elle soupire et pendant une fraction de seconde, je me vois déjà assise en heure de colle pour insolence ou je ne sais trop quoi (c'est madame Hubert après tout). Mais finalement, elle sort un paquet de feuilles de sa sacoche et s'installe devant son bureau.
- Que je corrige ces copies ici ou en salle des profs...
Et comme si je ne venais pas de tirer le jackpot du siècle, la voilà en train de mettre un genre de casque audio (un walkman peut-être?) sur ses oreilles. Parfait. Juste ce dont j'avais besoin pour notre discussion privée.
- T'as prévu de m'expliquer ce que tu fais, là?
Et Murphy est toujours encore là! C'est vraiment mon jour de chance. Je fais mine de ne pas l'entendre avant qu'il prenne finalement place sur son tabouret, non sans exprimer son mécontentement.
- On ne va quand-même pas faire de la physique là? Ou es-ce que tu as oublié l'épisode des bubulles? Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais ce truc a failli nous exploser à la tête.
J'essaye en vain de réprimer mon sourire et enfile avec tout le sérieux possible les lunettes de protection (qui protègent tellement bien qu'on ne voit plus à travers, raison pour laquelle je dois regarder par-dessus les verres pour limiter les dégâts).
- Passe moi la farine.
- La farine? Ah, tu veux dire ça... dit-il en me passant un petit récipient contenant une poudre blanche.
- Non, ça c'est le sucre. (Sous son regard (qui me fait penser qu'il doit craindre pour ma santé mentale), j'ajoute: ) C'était une blague.
- D'accord... Et si maintenant tu m'expliquais la vraie raison pour laquelle on est assis ici? Et pas de blague cette fois, je sens les «c'est à cause des tabourets» venir jusqu'ici.
- A priori, je dirais que nous sommes réunis autour de notre passion commune pour la physique, mais si tu as une autre théorie intéressante que tu souhaites nous présenter... , dis-je en pointant un tube à essai vide vers madame Hubert, qui vu son air enchanté est visiblement à fond dans sa musique (ça ne m'étonnerait même pas de la voir se lever et se mettre à danser sur la table - quelque chose me dit qu'elle doit être en train d'écouter Dancing Queen de ABBA ou une chanson du genre).
- Oh, ça... (il se passe une main à travers les cheveux, l'air pensif) Ce n'est pas ce que tu penses, mais ça, tu le sais déjà.
Oui, ça je le sais déjà. J'ai passé les trois derniers jours à le «savoir déjà». J'ai passé les trois derniers jours à coucher sur papier des tonnes et des tonnes de possibilités qui impliquaient le fait de «savoir déjà». J'ai passé les trois derniers jours à attendre que quelqu'un, Bellamy ou Murphy, peu m'importe, vienne m'expliquer la situation, puis j'ai passé les deux derniers jours à attendre que quelqu'un, Bellamy ou Murphy, peu m'importe, me parle tout court. Mais apparemment, j'ai mangé un truc qui me rend temporellement invisible et le hasard a fait que c'était uniquement en présence de ces deux personnes. Comme c'est bête.
- Oui, ça je le sais déjà, je réponds finalement en reportant toute mon attention sur le mélange chimique que je m'apprête à faire (ce qui est complètement inutile puisque je viens de m'apercevoir que j'ai confondu la farine et l'autre truc qui ressemble à de la farine - zut).
- Donc...
- Tu sais quoi? (Je repose le pot de farine et le tube à essai sur la paillasse avant de me redresser et de faire face à Murphy.) Je n'en ai rien à faire. Tu es peut-être gay. Bellamy est peut-être gay. Peut-être que vous êtes bi. Peut-être que vous étiez déjà ensemble, peut-être que vous n'osez pas sortir du placard, peut-être que vous ne voulez pas sortir du placard. Ou peut-être qu'il n'y a rien du tout. Mais dans tous les cas, ça ne regarde que vous et je n'ai aucun droit là-dessus. Vous ne me devez aucune explication. Et je suis désolée. Vous êtes mes amis et pourtant je me comporte d'une façon totalement stupide et...
- Doucement, je t'arrête là. Qu'est-ce que tu viens de dire?
- Que j'étais stupide? Oui j'ai dit ça. Oh, c'est trop mignon mais je sais que je suis vraiment stupide parfois...
Malgré sa mine sérieuse, un sourire en coin se dessine sur son visage. Vas-y Helga, enfonce-toi dans l'auto-apitoiement, c'est vrai que tu n'es pas encore tombée assez bas ma poulette...
- Non pas ça, ça ne me dérange pas plus que ça. Tu as dis un autre truc avant...
- Que vous étiez mes amis et que je ne devais pas me comporter de façon stupide avec mes amis?
Mon affirmation sonne plus comme une question, mais ce n'est pas ça qui m'étonne le plus. Non, ce qui m'étonne le plus, c'est la façon dont les yeux de Murphy s'illuminent soudainement. Raven m'avait une fois dit que ça lui donnait des airs de tueur en série, or moi j'avais rétorqué que ça me faisait penser à de la poussière d'étoiles (sur quoi Raven a rétorqué que je n'étais définitivement pas une valeur fiable).
- Ava, est-ce que tu viens de dire que nous étions amis?
- Ha! Tu as dit Ava! J'avais raison! Oui, c'est ce que j'ai dit... Pourquoi, j'aurais pas dût? Je pensais qu'après avoir dépassé le stade moyen des deux «Ava» par semaine, notre relationnel pouvait officiellement avoir un nom, et «amitié» est le premier qui m'est venu à l'esprit. Bon, c'est vrai que j'avais le choix entre «amitié» et «camaraderie», mais «camaraderie» ça fait un peu trop «militaire» et pas assez «prairie ensoleillée», tu vois ce que je veux dire? Oui, tu vois ce que je veux dire. C'est pour ça qu'on est amis, après tout.
Il hoche la tête. Après ça, il me regarde nettoyer et ranger tous les ustensiles et produits chimiques à leur place (ou ce que j'espère être leur place). Il ne dit rien, mais le sourire qui illumine son visage parle pour lui.
Nous sortons de la salle en saluant madame Hubert (qui, après un regard jeté sur la pile de CDs étalés sur son bureau écoutait effectivement du ABBA - qui l'eût cru?). L'établissement semble désert et nous poursuivons notre chemin dans un silence agréable. A ma grande surprise, Murphy me raccompagne jusqu'au dortoir des filles et j'en profite d'être perchée sur la première marche (et d'être pour une fois plus grande que lui) pour lui taper affectueusement l'épaule. Je me retourne et m'apprête à entrer dans le bâtiment lorsqu'il m'interpelle.
- Ava? Tu sais, à propos de Bellamy et moi, à ce qu'il y a entre nous... Tu avais raison.
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John Murphy » The 100 AU
Fanfiction» Murphy n'est pas un bad boy. Non, c'est juste un connard. « Voilà la première chose qu'Ava a apprise dans son nouveau lycée. Et elle compte bien écouter les conseils de ses amis Raven, Bellamy, Jasper, Octavia et Monty quand ils lui disent de l'év...