Exercice quatre

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- Déjà? s'exclame Murphy sur un ton sarcastique lorsque j'arrive toute essoufflée dans la bibliothèque. On avait dit dix-sept heures, pas dix-sept heures et neuf minutes, à ce que je sache.

- Je vais faire comme si je n'avais pas entendu ça, je rétorque en me laissant tomber sur la chaise en face de lui. Alors, tu as déjà commencé cet exercice quatre?

   Je sors rapidement mon cahier de chimie de mon sac et le sujet du devoir commun que nous devons rendre pas plus tard que demain.

- Le cours de maths était passionnant à ce point? demande-t-il sur un ton qui se veut désintéressé en contournant ma question.

   Je ne peux m'empêcher de réprimer un sourire.

- A vrai dire, je n'ai même pas été à la deuxième heure de maths. (Il me regarde comme si je venais de lui annoncer que la Terre était plate.) J'ai... croisé Emori et on a un peu discuté.

   Maintenant, c'est à moi de me plonger l'air de rien devant les feuilles que j'ai éparpillées devant moi. Je n'avais pas vraiment prévu de lui dire que j'avais sympathisé avec Emori, mais puisqu'il pose la question... Et puis rien que pour voir l'expression ébahie sur son visage, ça en valait la peine.

- Emori? Genre, la Emori?

- Oui, la Emori. A moins qu'il n'y ait une deuxième Emori dans le coin, mais je doute fortement que deux paires de parents différentes puissent tomber sur l'idée de donner un nom aussi particulier à leur fille. Même si j'ai loupé un cours de maths, je pense que statistiquement les chances seraient d'environ...

- De quoi vous avez discuté? m'interrompt-il sur un ton à la limite du tranchant qui me prend un peu au dépourvu.

- Attends, c'était pas toi qui il y a genre quoi, trois heures de ça me demandait si j'avais bien assez d'amis? Mais quand je sympathise avec des gens, c'est pas bien non plus ou quoi?

   J'ai essayé de poser cette question sur un ton plus ironique que sérieux, mais quand je m'entends parler, je me rends compte que j'ai plus l'air désespéré qu'autre chose.

-Désolée, je... je sais pas pourquoi j'ai dit ça, dis-je en replaçant nerveusement une mèche de cheveux qui s'est échappée d'une de mes tresses derrière l'oreille et en faisant mine de m'intéresser soudainement aux feuilles que j'ai devant moi.

- Ava... continue Murphy sur un ton désormais beaucoup plus calme, est-ce qu'Emori a dit quelque chose?

- En général, quand deux personnes discutent, ça inclue un minimum de communication verbale, j'explique en adoptant la stratégie habituelle de Murphy qui consiste à faire comme si de rien n'était.

- Ava, qu'est-ce qui s'est passé?

- Rien de spécial.

- Ava, qu'est-ce...

- Vraiment rien de spécial.

- Ava, pourquoi...

- C'était vraiment une discussion plutôt ennuyante, quand on y pense.

- Ava...

- Bon, d'accord, dis-je en soupirant. Des filles se sont moquées d'elle.

- De toi?

- Non, d'elle. D'Emori.

- A cause de sa main?

   Je sens le rouge me monter aux joues sans que je ne puisse rien y faire. Fantastique, Ava. On te confie un secret et trente minutes plus tard tu te fais déjà griller. 

John Murphy » The 100 AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant