La nouvelle

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- Non, tu as raison. Je ne fais pas ça par pitié ou parce que ça me donne bonne conscience. Je fais ça pour lui. Parce que c'est mon ami. Et que je l'aime bien. Ça te suffit, comme raison?

   Bellamy soupire et se passe nerveusement la main sur le visage. 

-  Tu n'as aucune idée de ce que tu es en train de dire, Ava. Si tu savais...

- Ouais, je le coupe sur un ton plus tranchant que prévu, mais je continue sur ma lancée. Si je savais. Crois-le ou non, on me l'a déjà sortie, celle-là. Et pas qu'une fois. Mais tu sais quoi? Ça fait déjà un moment que j'ai abandonnée l'idée de savoir  un jour. Si personne ne me dit rien, je ne peux rien savoir. Et visiblement, personne ne va me dire quoi que ce soit dans les cinq prochaines années, donc jusqu'à là, j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je ne prends pas vos conseils au sérieux. J'en ai marre de vivre dans des si et des alors. Parce que s'il y a quelque chose que je sais, c'est que John est une bonne personne. Et que je n'en ai strictement rien à faire de ce que toi ou tes Optimus à la noix peuvent penser ou savoir.

   Il me regarde, ébahi après le petit monologue que je viens de pondre. Je repasse mentalement mon petit discours dans ma tête et visiblement, je n'y suis pas allée de main morte. Peut-être que je n'aurais pas dût dire certaines choses : il a raison, d'un certain côté, et me voilà à lui crier dessus pour un rien.

- Bellamy, je suis désolée, dis-je en faisant attention à conserver un ton de voix calme. Tu es juste en train de m'aider. Je comprends pourquoi tu ne lui fais pas confiance, mais dans tous les cas, fais-moi confiance. Je sais ce que je fais. Plus ou moins.

- Je te fais confiance, Ava. Désolé d'avoir essayé de te faire la morale, c'est juste que... tu sais ce que je veux dire. C'est compliqué. 

   Il a prononcé cette dernière phrase avec un air désolé qui lui donnait un côté «chiot triste» à la fois adorable et tragique.

- Ça va aller, Bellamy, dis-je sans vraiment savoir pourquoi je prononce ces mots. Bon, c'est pas tout mais je pense que je vais limiter mon quota d'heures séchées par jour à une. Histoire de ne pas totalement rater mon éducation, si tu vois ce que je veux dire.

   Je fais quelque pas en arrière avant de lui adresser un signe de la main et me mettre en chemin pour la salle d'anglais. Heureusement que c'est un cours où je peux me permettre d'être uniquement physiquement présente, parce que les chances que j'arrive à me focaliser sur de la traduction après cette discussion sont plutôt minimes.

   Arrivée de justesse à temps dans la salle, je me laisse tomber sur une place libre du premier rang (curieusement désert, comme d'habitude). Je repère Monty assis à côté de Jasper au fond, mais aucun des deux ne semble m'avoir vue (même si je suis quasiment certaine que Monty a remarqué ma présence, je ne dis rien). 

   Madame Porter est en train d'écrire les premiers vers au table d'un poème que nous allons avoir à apprendre par cœur lorsque deux coups secs martèlent la porte. Sans attendre de réponse, cette dernière s'ouvre et la directrice - la mère de Clarke - et une jeune fille que je n'avais jamais aperçue auparavant entrent dans la salle.

- Désolée d'interrompre ton cours Indra, dit madame Griffin à voix basse avant de s'adresser à toute la classe. Voici votre nouvelle camarade de classe. Elle s'appelle Emori D'Oliveira et fait désormais partie de la classe de première C. Emori, tu peux aller t'asseoir juste là à côté d'Ava (elle désigne la chaise à côté de moi sur laquelle j'avais posé mon sac à dos - que je m'empresse de faire disparaître en dessous de la table).

   Sur ce, la directrice a déserté la salle aussi rapidement qu'elle était entrée. Contrairement à mon premier jour ici, la nouvelle ne semble pas vouloir être aspirée par le sol. Non, elle se laisse tomber sur la chaise comme si elle avait posé ses fesses dessus depuis qu'elle a l'âge de s'asseoir sur une chaise. Elle sort un cahier et de quoi écrire et recopie ce que la prof venait d'inscrire sur le tableau blanc. J'en profite pour l'observer (très) discrètement. Ses cheveux, d'un marron foncé, retombent sur son dos sans vraiment savoir s'ils doivent être bouclés ou lisses. Ses yeux, de la même couleur, me font penser à un regard de lynx tant ils paraissent rusés. Tout, de sa façon de tenir son stylo à son écriture anguleuse, est un mélange de désinvolture et de classe. Je ne peux m'empêcher de penser que, si on était à Poudlard et non au lycée de Chatellois-sur-Marne, elle viendrait sans aucun doute de se faire désigner comme Serpentard.

   On pourrait croire le contraire, mais l'heure d'anglais est néanmoins passée toujours aussi lentement que d'habitude, si ce n'est plus. Quand la sonnerie retentit finalement, je n'ai pas rangé un seul de mes stylos dans ma trousse qu'Emori n'est déjà plus là. Elle est allée voir madame Porter et de là où je suis, je ne parviens pas à comprendre ce qui se dit. Leur discussion dure assez longtemps pour laisser le temps aux autres élèves de sortir de la classe, mais j'attends patiemment devant la porte. Je sais ce que c'est d'être nouvelle, et j'ai bien prévu d'aider cette fille à s'en sortir sans dommages collatéraux dans ce lycée. 

- Salut, dis-je quand je la vois passer l'encadrement de la porte.

- Salut.

   Ok, vu le ton sur lequel elle l'a dit, elle ne semble pas d'humeur très communicative. J'insiste malgré tout.

- Tu t'appelles Emori, c'est ça?

- Yep.

- C'est un joli prénom. Tes parents ont au moins fourni un travail de recherche. Ça vient d'où? 

   Oui, on a vu mieux, mais comme dit précédemment, je ne suis pas la reine du small-talk. Et visiblement, Emori pense pareil que Monty, puisqu'elle se retourne brusquement pour me faire face. Je m'attends à une vague de «mêle-toi de tes oignons» et de «qu'est-ce que ça peut te faire?» et ferme instinctivement les yeux, mais quand je les ouvre à nouveau, c'est à une Emori souriante, visiblement amusée, que je fais face.

- Mes parents sont parfois un peu trop extravaguant, si tu vois ce que je veux dire, dit-elle finalement.

- Oh, je vois exactement ce que tu veux dire, je réponds sur un ton compréhensif. 

   Elle acquiesce en silence. Soudain, je remarque à son regard qu'elle est en train de chercher quelque chose - ou quelqu'un.

- Je peux t'aider?

- En fait, mon frère m'a donné rendez-vous devant la cantine. Tu peux me montrer le chemin?

- Bien sûr! C'est par là, dis-je en empruntant le couloir de gauche. Ton frère est aussi nouveau ici?

- Non, il a fait tout son lycée ici - il est en terminale. Il s'appelle Otan, peut-être que tu le connais? 

- Je ne crois pas, je pense que je me souviendrais de quelqu'un dont le prénom est d'acronyme de l'Organisation du Traité de l'Atlantique du Nord. Non pas que ça soit quelque chose de mal, c'est très joli.

   Elle sourit. Ce n'est apparemment pas la première fois que quelqu'un fait ce genre de remarques.

- C'est ici, dis-je quand nous sommes arrivées à destination.

- Merci. On se reverra de nouveau en cours, je suppose.

- Probablement. N'hésite pas à demander si tu as besoin de quoi que ce soit. Je suis dans la chambre 221.

   Sur ce, je m'éloigne et entreprends de rejoindre ladite chambre. Le bâtiment est presque désert et seuls quelques retardataires traînent encore par cette météo typique d'automne dans la cour. Je presse le pas pour ne pas me faire rattraper par la pluie, mais suis interrompue dans mon élan par le "bip" caractéristique de mon portable. Je le déverrouille et clique sur le logo de ma messagerie. Un texto d'un numéro inconnu.

« t'étais pas la en histoire

t'es ok?

rdv sous l'abri à vélo dans 30 min?

J » 

John Murphy » The 100 AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant