La vie est une tragédie et ma vie est tragique.
Quand je suis rentré chez moi, ma mère n'avait pas remarqué que je m'étais changé et ça ne m'a même pas surpris. Je ne sais même pas si elle s'était rendue compte que je n'étais pas là pour être franc. Je pensais pouvoir discrètement monter dans ma chambre et m'y enfermer pour écouter les quelques noms de groupe qu'Harry m'avait noté sur un bout de papier. Son écriture était plutôt jolie. Je pensais qu'elle serait moins lisible, plus bâclée mais non, elle était douce et italique.
Mon espoir de ne pas être vu avant le lendemain matin fut brisé, lorsque je croisais le regard moqueur de mon frère.
- C'est un truc de pédé ce que tu portes. Il a rit en me voyant.
J'ai baissé la tête, mais je n'ai rien dis. Je déteste cette insulte. "pd" Ca vient du mot pédéraste, qui est un homme qui éprouve une attirance amoureuse et sexuelle pour les jeunes garçons, enfants ou adolescents. Mais je n'ai pas relevé et j'ai juste continué mon chemin jusqu'à ma chambre. De toute façon ça ne sers à rien de discuter avec lui, il a toujours raison. Mon frère a fait de grandes études. Mon frère est intelligent. Mon frère est populaire. Mon frère réussit. Mon frère est l'enfant parfait dont tous les parents rêvent. Pas moi.
Il faisait toujours rire la famille lorsqu'il disait que notre main d'écriture révélait bien ce qu'on était : Il est aussi droit qu'il est droitier et je gâche autant la famille que je suis gaucher. Il ajoutait toujours à la fin « Oh non, j'ai oublié qu'il manquait une lettre à gâcher pour faire gaucher. De toute façon, il est tellement bête que je suis prêt à parier qu'il n'a pas compris. » Tout le monde riait. Et il avait raison aussi. Je ne comprenais pas. Je ne trouvais ça absolument pas drôle. Je me doute qu'à chaque fois qu'il disait cela, les gens attendaient une réaction de ma part, qu'ils me fixaient à travers leurs rires, attendant que je me défende. Mais je ne disais rien. A quoi bon ? Mon frère à toujours raison.
Mon beau-père disait toujours après ça, à voix basse comme pour se confesser, mais toujours assez fort pour que j'entende : « Tu sais, l'âge bête, il est en plein dedans. Mais lui, il l'est tellement qu'il ne se rend pas compte qu'on se fou de sa gueule ! » J'étais habitué à ce genre de choses. Ma mère, mon beau-père, mon frère disaient toujours des trucs dans le genre pour me rabaisser. Même au lycée les gens s'amusaient à le faire, comme s'ils s'étaient passé le mot. Et moi je me contentais d'écouter, d'encaisser. Ca me blessait. Ca me tuait, même.
Bien souvent, lors de ces repas familiaux, je quittais la table avant même d'avoir finis mon assiette, parfois sans l'avoir commencée. Il était arrivé parfois que je ne me mette même pas à table restant dans ma chambre ou que lorsque je parcourait la table du regard je remarquais qu'il manquait un couvert. Le mien. Ca n'inquiétait personne que je mangeais pas assez ou que j'étais déjà, sans m'en rendre compte, beaucoup trop mince pour mon âge. Presque maigre. La haine et le dégoût que je ressentais à mon égard cachait cela lorsque je me regardais dans un miroir. Tout ce que j'y voyais était un tas de défauts. Un tas de déchets. Un truc qui ne devrait même pas exister, qui n'a pas sa place dans le monde.
Plus les jours passaient, plus j'étais proche d'Harry et sa bande, mais surtout d'Harry en fait. Les gens ont arrêtés de m'embêter aux pauses et de me frapper en sortant des cours, puisque j'étais toujours avec eux. Et les gens ont peur d'eux. Je sentais pourtant leurs regards insistants dans mon dos, attendant le moindre instant où je me retrouverais seul pour venir me faire la peau, mais Harry les sentaient aussi. Il ne me laissait jamais seul. J'avais un peu l'impression d'être assisté, mais j'en avais aussi besoin. J'étais heureux de pouvoir enfin échapper à tout cet enfer. Plus de coup, plus de racket. Plus de harcèlement. Mais j'étais encore plus heureux de passer du temps avec Harry. C'était quelqu'un de formidable. Je restais toujours un peu en retrait, malgré leur insistance. Ils voulaient tous m'intégrer à leur bande et ça me touchait. Je n'arrivais pas à m'habituer, à me dire qu'enfin, j'avais des amis. Qu'enfin, il y avait des personnes sur qui je pouvais compter. Des personnes qui ne me jugent pas, qui ne me frappent pas. Des personnes qui font attention à moi. J'étais heureux de les avoir rencontrés.
Au début, je ne m'habillais pas trop en noir. Sûrement trop attaché à mes vêtements. Mes derniers souvenirs de l'Irlande. Parfois, je me forçais à mettre le même genre d'habits qu'Harry, et lui et les autres gars ne cessaient de me complimenter. Alors, j'ai finis par en porter plus souvent, et j'y ai pris gout.
Pour eux, le noir est leur couleur de l'espoir. Ils sont mon dernier espoir.
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Autodestruction | NARRY |
Fanfic《 Je me lève chaque matin, l'air de rien. Je m'habille, vais à l'école, je souris mais pour personne. Je suis seul, complètement seul. Délaissé comme un chiot abandonné. J'ai peur, vous savez ? Mais je fais avec, j'affronte mais je sais que le lende...