Chapitre 14

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«-Pourquoi on est ici ? », demanda Bradley en scrutant le lieu.

Je n'étais venue ici qu'une seule fois auparavant.

C'était l'ancienne salle de musculation de mon père.

Désormais, mes frères y entreposaient ballons de basket, gants, battes de baseball et crosses de hockey.

Un sac de frappe était suspendu par des chaînes au plafond, et se trouvait au fond de la petite pièce.

Traînaient ça et là des machines de musculation ensevelies sous le matériel de sport de mes frères.

Tout était poussiéreux et la pièce sentait l'humidité.

Il y avait une petite fenêtre en hauteur. Je me plaçai sur la pointe des pieds au-dessus d'une machine et parvins à l'ouvrir.

L'accès vers le sac de frappe était libre. Bradley s'en approcha.

Je me baissai pour attraper des gants de boxe et les lui donner quand j'entendis un bruit sourd.

Je me relevai et vis Bradley les poings serrés, et le sac qu'il fixait, vaciller.

La colère se lisait désormais dans ses yeux.

Je posai les gants à côté de moi, et m'assis sur une machine, les pieds se balançant dans le vide.

Il remit un coup violent dans le sac, puis un autre.

Il s'arrêta de nouveau, et cette fois-ci, quand il recommença, il ne s'arrêta plus, enchaînant les coups malgré ses phalanges rougies.

Sa mâchoire était serrée et il respirait fortement.

Je l'observai ainsi pendant une dizaine de minutes.

Le voir se défouler et donner de tels coups me calmait, mais m'apeurait aussi ; il avait tellement de colère, dont je ne connaissais pas toute la cause, refoulée en lui... Mais je savais qu'il avait besoin d'extérioriser toute cette colère, voilà pourquoi je l'avais ramené ici.

Il donna un grand coup de pied dans le sac en criant pour exprimer sa rage, puis se laissa glisser contre le mur, à côté du sac vacillant, et enfouit sa tête entre ses mains. Ses coudes étaient posés sur ses genoux, eux-mêmes ramenés vers sa poitrine. Je vis des larmes couler et tomber de ses joues.

Je descendis de mon perchoir et vins m'assoir à côté de lui, posant ma main sur son biceps de manière à lentement le caresser du pouce, puis appuyai ma tête contre son épaule.

Il ne bougea pas d'un iota et continua à pleurer silencieusement.

C'était la première fois que je voyais Bradley montrer véritablement ses émotions.

Les larmes me vinrent à mon tour et je le rejoignis dans ce continuel état de tristesse et rage intense, en me mordant la lèvre inférieure pour ne pas exploser.

Je ne savais pas quelle heure il était, mais je ne voulais pas rentrer, cet endroit était une bulle coupée du monde, avec une ambiance complètement différente, des sons étouffés et où personne ne pouvait nous juger.

Après une vingtaine de minutes, Bradley se relâcha et posa sa tête en arrière contre le mur, en étalant sa jambe gauche. Ses joues étaient mouillées, et il prit une grande inspiration.

Le sol en béton était dur et froid.

La fatigue et les pleurs eurent raison de moi, je me laissai glisser à mon tour, posai ma tête sur la cuisse de Bradley, me recroquevillai sur moi-même, puis Bradley posa une main sur mes côtes tremblantes, et nous nous endormîmes ainsi, tous deux.

Ma vie de médiumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant