Lysa -13 -

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J'entends, confuse, flottant dans mon esprit brumeux, des bruits sauvages qui tambourinent le bois de la porte. La tête prise au piège dans cet épais brouillard, les yeux peinant à s'ouvrir, je cogite encore à moitié somnolente lorsqu'on redonne de gros coups dans l'entrée. 

L'angoisse me réveille. Je sursaute, tâte la place près de moi, vide et froide.

Ethan !

Je bondis du lit, passe mon bras dans mon pull en laine, tout en me précipitant pour aller déverrouiller la porte. À peine est-elle débarrée, que cette dernière part se claquer contre le mur. Je l'esquive de justesse afin de m'éviter certainement quelques points de suture, quand un barbare plaque ma face contre la cloison.

— Mademoiselle !

Je reviens à l'instant présent et réagis face à l'agent assis devant moi. J'ai l'impression que la brute qui a procédé à mon arrestation a broyé mon corps en un tour de main.

J'ai dans la tête tous ces gardiens qui s'apprêtaient à fouiller mon appartement, à vider les tiroirs, à saccager mon antre. J'étais incapable de parler, j'en suis encore horrifiée.

Qu'est-ce que je fiche, ici ?

Mon regard se pose sur la pile de fichiers, sur la tasse qui sert de pot à crayons. À voir la tête des inspecteurs, l'interrogatoire ne sera pas une mince affaire.

— Je suis l'agent Alain Moreau et voici mon collègue Julien Fournier. Le jeudi 3 décembre 2020, à six heures trente-quatre du matin, vous êtes placé en garde à vue pour homicide volontaire envers la personne de Sam Lefebvre dont le corps sans vie a été retrouvé à son domicile, hier en début de soirée.

Un choc se propage en moi. Il vient comme un lion en rage, émet son dernier coup par une série de frissons qui s'étalent de la tête au pied. Non seulement par le fait que l'on m'annonce sa disparition, aussi parce que j'ai l'impression que l'on me considère déjà coupable.

Malgré la rancœur assassine que j'éprouve envers cet homme ignoble, je suis malgré tout incapable de lui causer du mal. Par ailleurs, ils avaient consulté mon dossier de la veille et l'avaient examiné du bout des doigts. Ce qui fait que ma rancune tenace est le suspect idéal.

L'un des officiers m'informe que j'ai droit à un appel téléphonique, j'en profite pour prévenir Ethan et lui présenter mes excuses des tourments qu'il subit. Seulement, il ne m'écoute pas ni ne les accepte. Il me promet juste de son bureau que tout allait bien se passer, qu'il m'envoyait son avocat sur-le-champ. Mais vu l'enchaînement de l'audition, je doute qu'il me soit d'une grande utilité.

Le second fonctionnaire assit ses fesses dans l'angle du plateau, un troisième tape en silence sur les touches de l'ordinateur tout ce qui sort de ma bouche.

— Que faisiez-vous la journée du vendredi 3 décembre vers dix-sept heures trente ?

— J'étais seule, chez moi.

Suite à ma déposition, nous sommes restés dans la voiture à discuter. Je suis reparti à la boutique pour régler quelques paperasses et retourner à mon ancien domicile avant la nuit. Ethan n'était arrivé qu'après. Pas la peine de lui causer plus de problèmes qu'il n'en a par ma faute. Après tout, je n'ai eu aucun contact direct avec Sam depuis notre séparation, alors pourquoi me garderaient-ils ?

— Aviez-vous des ennuis particuliers avec monsieur Lefebvre ?

— Oui.

— Quels genres ?

Comme s'il ne le savait pas ?

Je pâlis. La peur de toutes ces souvenances bloque ma compréhension. Mon passé me revient douloureusement en plein visage. Quand me fichera-t-il la paix ? Quand ce jour viendra-t-il ?

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant