Angie - 30 -

2.9K 260 9
                                    


Des briques rouges. Des briques rouges et encore des briques rouges.

Los Angeles/Paris. Paris/Lille. Lille/Douai. 14 h de vol interminable, 40 minutes de train et 3 heures de retard pour venir célébrer l'anniversaire de mon frère. Cette bestiole d'1M85 et férue de travail a réussi à consacrer une journée pour ses 30 ans. Une date qu'il n'aime pas fêter parce qu'il est écœuré des mondanités auxquelles ma mère nous a obligés à assister. Et qui m'a été très salutaire, car sa réputation dans la mode m'a fait ouvrir plus d'agences de mannequins que je l'espérais dans plusieurs pays.

J'ai tenu parole. Ma présence physique sera un soulagement à sa pitié, à sa douleur.

Quand j'ai reçu ce coup de fil venant de l'autre côté de la planète, mon cœur a basculé devant les pleurs inconsolables de cette jeune femme. Elle s'est présentée dans un reniflement pas très élégant, s'est confiée dans le but d'obtenir mon jugement.

J'ai ri dissipant les craintes qu'un malheur ait pu abattre mon frère lorsqu'elle a murmuré être enceinte entre deux sanglots. La reproduction n'est pas une maladie. Et mon frangin supprimera les obstacles sur son chemin, j'en suis convaincu. Cette paternité imprévue ne lui fera pas peur.

Ce premier contact est un souvenir dont je ne me lasserai jamais de me remémorer.

J'active Google Maps pour me rendre au 99 place Carnot. 300 mètres à pieds, 4 minutes de marche, je décharge ma valise dans la consigne à bagages et avance droit devant.

L'architecture est riche, massive, robuste. Une ville qui a son charme.

Un pub anglo-saxon unique, chaleureux lorsque j'aperçois sa carrure large, forte, athlétique, surtout son rire franc, communicatif me faisant glousser depuis l'entrée.

En pleine effervescence, un peu sonnée de retrouver mon grand frère après deux ans d'absence, j'arrive pour apporter sa consommation que j'ai moi-même commandée. Un whisky écossais, le meilleur qu'ils avaient.

— Un single malt à déguster sans glaçons pour éviter de nuire à la volatilité des arômes.

Je sais qu'à présent, Lysa m'a identifié comme sa sœur. Mon frangin aussi, lorsqu'il a reconnu ma voix enthousiaste de le revoir. Quant aux autres, ses amis pensent certainement que je racole un homme ne m'appartenant pas.

— Angie ?

Son accent symphonique se réveille. Un immense sourire lui fend la bouche en deux, hypnotisé par la réalité de ma présence à 9000 kilomètres de chez moi.

Mes bras s'enroulent autour de son cou avant même qu'il se redresse, mon éclat de rire résonne lorsqu'il décolle mes pieds du sol, son visage enfoui dans ma nuque, touché de nos retrouvailles.

— Je n'allais tout de même pas louper le début de ta nouvelle vie !

L'amour récent de mon frère apparaît, s'approche avec hésitation. Je suppose que l'impatience de me rencontrer prend le dessus, car je suis tout aussi excitée de faire sa connaissance. Émotionnée, je me dirige vers elle pour serrer contre mon battant celle qui rend son existence sereine.

— Par ici, belle-sœur. Comment va, mon neveu ?

Grand blanc... Un temps d'arrêt dans les paroles mettant tout le monde mal à l'aise.

J'ai l'impression d'avoir commis une énorme bévue quand je regarde ses larmes de désespoir surgir, sa fuite précipitée vers la sortie que mon frère tente de retenir.

Elle ne lui a donc pas encore dévoilé sa grossesse ?

Depuis notre conversation, je pensais qu'elle avait engagé le pas. Et pendant que je commandais auprès du barman, j'ai constaté l'échange de tendresse, leurs gestes instinctifs de toujours vouloir se caresser un bout de peau.

Je ne l'ai jamais vu entièrement comblé, radieux. Captivé par l'amour.

Il est bien tombé dans les mains de Lysa pour faire un beau voyage.

À travers cette vitre donnant sur la rue, je sens mon frère désemparé. J'ai peur d'avoir gâché leurs futurs jours heureux quand son corps tourne en rond, quand ses membres remuent dans les airs. Puis la pauvre Lysa qui tente de se réconcilier...

J'en suis à observer la scène de ménage à une table d'inconnus, les amis de ma famille qui espère un dénouement... tragique à ce que je constate, car la tête de mon frangin s'agite, mais pas du bon côté.

*

*          *

Mon frère me répond par un froid silence, prostré devant sa baie vitrée.

— Je sais que ce grand changement va tout bouleverser, seulement, Lysa ne peut pas avorter. Ce choix laissera des résidus obscurs tout au long de vos vies.

Il se résout à me parler après 10 minutes de monologue.

— Je ne me sens pas prêt à être père...

— Et penses-tu que ta future femme est prête à materner ? Ce processus prend du temps. Elle a porté ses couilles afin d'appeler une inconnue à qui elle n'a jamais parlé, qu'elle n'a jamais vue pour venir se confier. Elle était en panique, Ethan ! Et elle est même disposée à tuer un être humain pour te prouver à quel point, elle ne peut vivre sans toi !

Le fait de causer volontairement la mort de quelqu'un le fait tressaillir.

— Tu ne sais même pas de quoi tu parles, Angie. Qu'est-ce être père au juste ? Ce n'est pas changer des couches, être sévère ou gâteux. C'est une aventure que je ne me sens pas paré à affronter !

Voilà que l'on se prend la tête. Je déteste quand il ronéotype le comportement froid et égoïste de notre mère.

— Arrête, Ethan, tu lui as déjà fait une place dans ton cœur. Puis, il n'y a pas de norme ! Il n'y a que les lâches qui font marche arrière !

— Je me suis senti impuissant devant la souffrance de Lysa ! Je n'ai même pas réussi à lui trouver un équilibre au sein de notre famille !

— Maman n'était peut-être pas ravie de partager ton nouveau bonheur et le sera en apprenant que tu deviendras un pater familias dans quelques mois, mais Lysa est enceinte quoi ! Cette femme a mal parce qu'elle ne percevra jamais les petits coups de pied de son bébé !

Je décide de lui provoquer un électrochoc. En plein dans la poitrine. Je place sous son nez les photos de la première écographie reçues par messagerie.

Juste un coup d'œil. Assez long pour lui faire détourner carrément la tête et saisir mon portable.

— C'est un garçon. Le médecin a dit qu'il avait des testicules de compétition.

Ébranlé, je sens le mouvement de sa respiration devenir courte. Elle cesse un instant, qu'il semble sur le point de s'évanouir.

Enfin,le grand dirigeant que je reconnais se ressaisit, pris d'un intérêt curieuxpour le petit ange sur les images 3D avant d'évoluer vers la chambre où Lysas'est enfermée.

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant