Lysa - 40 -

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Lysa ne se sent pas bien, Lysa ne se sent pas bien. Lysa ne se sent pas bien du tout ! Une douleur claire, violente augmente dans mon bas-ventre.

Impossible de la chasser par des chants, mes pleurs impatients m'empêchent de me déplacer vers l'avant.

Cette contraction dorsale modérée m'a tiraillée toute la journée en raison du stress lié au mariage. Enfin, c'est ce que je pensais. Mon inquiétude extrême en forme à présent une seconde sans résistance au point de jouir de détresse.

Marche Lysa, tu ne vas pas mourir.

Je traîne vers le point final, prête à me laisser tomber sur le grand lit quand j'entends une voix dire :

— Ton mari attend que tu viennes couper... Bon sang, Lysa !

Mon amie tout à coup sobre se rue à mon chevet.

— Sapristi, tu te fais pipi dessus ?

— Je perds les eaux, cours prévenir, Ethan.

Impossible de supporter cette douleur accablante, mon corps échoue à demi sur le matelas. Elle reste plantée, m'arrache ce sentiment de femme heureuse.

Mon mari débarque, et sans scrupule, avec un plaisir de tyran, tente un brin d'humour pour détendre l'atmosphère en voyant mon état cadavéreux.

— Tu ne m'as pas l'air si mal en point pour quelqu'un qui va accoucher. Tu parais même en pleine forme.

Mon humeur massacrante lui lance un regard de tueuse à gages sans daigner lui répondre. Je sais que derrière ces airs d'homme sûr de lui et futur père de famille, il essaie de ne pas paniquer. Même si l'instant lui flanque une trouille bleue, tout autant qu'à moi.

— Plie les jambes et étire tes bras vers l'arrière, cela va permettre de dégager le diaphragme.

Je ne pouvais rêver moins idyllique. Ethan avait beaucoup allégé son emploi du temps, m'accompagnait à chaque examen et s'inquiétait bien plus que moi pour les résultats.

Il ne s'est pas fait prier pour honorer quelques cours de préparation, la venue prochaine de James lui ayant permis de communiquer à travers mon ventre. Avec beaucoup d'espoir, de réaction, il a partagé son avis, s'est réellement considéré comme quelqu'un lors des séances accélérées. Il en a appris autant que moi, s'est familiarisé à toutes les étapes afin d'être paré pour le grand jour.

C'est vrai que nous n'avions pas eu le temps de nous préparer pendant la grossesse, d'arranger de multiples moments en tête à tête avec notre bébé, mais sa présence à mes côtés était tout simplement fabuleuse.

Je suis angoissée à l'idée de ne pas réussir à être la mère que j'envisage, mais Ethan, depuis que les préparatifs se sont concrètement mises en place pour l'arrivée de James, s'est tourné plus qu'à l'accoutumée vers ses parents. Comme s'il avait besoin de redevenir ce petit garçon en manque de reconnaissance. Comme s'il avait besoin de recréer ces liens rompus par l'absence et la distance.

Mon coach me propose un léger massage du dos. Ce point de pression est vraiment le bienvenu. Lorsque je tente de me relever, assez reposée, les douleurs éclatent, plus intenses, régulières comme une sœur éternelle.

Voyant l'atroce grimace étirer mon visage, il comprend sans se plaindre qu'il faille passer à la vitesse supérieure.

— On va respirer en duo. Regarde-moi, Lysa, et imite mon rythme. Inspire par le nez, expire doucement par la bouche. Allez, comme à l'entrainement.

Je suis fatiguée pendant que mon partenaire me tient la main. Difficile pendant une contraction douloureuse d'apporter une meilleure oxygénation à notre bébé, mais ma concentration s'accroit, diminue mon anxiété.

— C'est bien, continu. Lente et profonde.

La sage-femme déboule enfin dans la chambre, puis s'empresse de contrôler que notre fils va bien à l'aide d'un monitorage. Je lui fais un compte-rendu des derniers instants.

— La poche vient de se percer. Les contractions sont à intervalles d'une minute trente.

— Ethan, préparez des serviettes et une bassine.

Professionnelle, elle me libère de la ceinture et des capteurs. Une énorme contraction surgit soudain au max, à 7 sur l'échelle de Richter.

— Prenez la position dans laquelle vous souhaitez accoucher, on y va.

J'appuie mes paumes sur l'épais matelas en cambrant les reins pour atténuer la douleur, mais que nini, que dalle. Il est bel et bien pressé d'arriver.

Je halète, hors d'haleine, à bout de souffle pendant que la sage-femme vérifie à nouveau la dilatation complète de mon col et m'autorise à pousser lors de la prochaine contraction.

Le soleil a quitté mon mari. Il semble sombre, soucieux en replaçant mes cheveux trempés vers l'arrière, son autre main soudée à la mienne.

La contraction vient plus vite que je ne l'avais pensé. Ma force décuplée par mille, je prends une grande inspiration, bloque et pousse de toutes mes forces.

— Stop ! Arrêtez !

Devant la demande du médecin, un rire railleur s'échappe de ma gorge. Ethan secoue ses doigts, mime un cri atroce de douleur. Pas le temps de me moquer plus, la suivante arrive au summum de l'agonie. La sage-femme invite Ethan à se placer près d'elle pour voir la tête sortir puis couper le cordon.

Ses globes sont grands écarquillés, espérons qu'il ne tourne pas de l'œil.

Encore une fois, j'inspire, bloque et pousse de toutes mes forces. Je sens tout à coup comme une déchirure au niveau du plancher pelvien. La sage-femme vient de m'inciser pour m'aider à libérer mon bébé. Puis alors que j'en effectue une dernière, sa tête se fraie un chemin à travers mon bassin.

Oh, mon Dieu, je vais mourir !

Quand on dit que le périnée est comme une chaussette, qu'il s'adapte à ce qu'on lui donne, je veux bien le croire.

La sage-femme dégage ses épaules et le reste du corps suit comme une lettre à la poste. Il est là. J'entends un clac qui me confirme qu'Ethan a coupé notre point central sans avoir goûté au sol de cette chambre nuptiale.

— Diane, n'est-il pas censé hurler à la sortie du ventre de sa mère ?

Ma panique s'agite à l'interrogation d'Ethan. Je ne peux empêcher mon cœur de s'angoisser. Mes membres tremblent comme une feuille quand James vagit enfin.

Mes larmes de joie s'échappent de soulagement à torrent sur mes joues en me laissant retomber sur le lit.

Bienvenue dans la vie terrestre, mon fils.

L'accoucheuse dépose son corps douillet sur mon torse, enveloppé dans une serviette de toilette, un lange de substitution. Ce garnement vient de faire jurer sa maman qu'elle n'est pas prête à remettre le couvert de sitôt.

Quand Ethan vient plus près, nous nous observons. Ses yeux me percent, émus comme jamais. Un beau spectacle à découvrir. Contagieux.

— Comment s'appelle cette petite merveille ?

Sans rompre le contact de nos regards ancrés, je réponds sans hésiter à la sage-femme :

— Il se prénomme, James.

— James Niels, reprend Ethan. Et c'est notre fils...

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant