Lysa - 1 9 -

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Le soleil couché, au milieu de la nuit, mon cœur chante doucement au creux de cette vallée somptueuse. Les flocons de neige légers comme l'air tombent, couvrant peu à peu la ville endormie. Enlacés tels deux serpents qui s'enserrent, Ethan repose d'un sommeil paisible.

— Tu dors ?

Le silence doré pailletant l'atmosphère répond muettement à mon interrogation.

— J'ai quelque chose à t'avouer... Je rêvais que l'on faisait des galipettes. Que l'on avait bu du champagne, et que dans l'ivresse, tu me faisais l'amour comme un Dieu. Comme à chaque fois que tu me touches. J'imaginais que tu remuais le gigot...

Tout à coup, ma tête tressaute sur sa poitrine comme une balle rebondissante coincée entre deux murs étroits quand il éclate de rire.

Sa voix rauque, ensommeillée, s'exprime.

— Il y a une bouteille dans le réfrigérateur. Va chercher le champagne pour qu'on le boive et que je te chatouille le nénuphar.

Dressée sur mes genoux, je m'empresse d'allumer la lampe de chevet. Ses yeux se plissent afin de s'habituer à la lumière synthétique.

— Quelle délicatesse !

Un sourire enjôleur surmonte le coin de sa bouche.

— Tu aurais préféré que je te dise : avant que je te baise.

— Quelle vulgarité de mots nouveaux !

— Pas du tout. Je suis romantiquement grossier.

— Et retire-moi tout de suite cet air diabolique de ton visage.

— Je n'y peux rien. Je suis encore sous l'extase du coup de gigot.

Ce regard, cette hilarité, c'est tout ce qu'il me fallait pour redécouvrir que l'amour que je lui porte, va bien au-delà de ce que j'avais espéré pouvoir un jour offrir à un homme.

— Je vais sabrer le champagne.

Alors que je bondis hors du lit, ses mains me rattrapent par les hanches pour me plaquer contre son corps.

— Ingurgiter de l'alcool à 4 h 17, est-ce bien raisonnable mademoiselle Morel en sachant que l'on doit se lever au petit matin ?

— Si c'est pour taire cette bouche goguenarde, je t'en ferai boire des litres entiers.

— Ah oui ? Pourtant cette après-midi, tu ne me paraissais pas si outrée quand ma bouche te murmurait des mots assez crus... Tu m'avais même l'air de plutôt bien apprécier.

Sa main explore ma poitrine tel un chercheur d'or, tandis que ses lèvres remontent dans une lenteur interminable, juste derrière la fine peau de mon oreille, déclenchant une guerre atomique au fond de mon bas-ventre.

— Je n'avais pas le choix, balbutié-je, en déployant ma nuque. Lorsque je me suis réveillée, tu étais près de moi sur ta tablette. C'était le seul moyen afin que tu décolles ton joli petit nez de l'écran.

— Je réservais notre séjour, je ne voulais pas me louper. Et il me semble t'avoir fait l'amour tout au cours de la journée, si mes souvenirs sont intacts ?

— Fin d'après-midi, rectifié-je, en plantant un regard cupide dans le sien. Et trois fois, c'est peu. Et c'était trop court. Bien trop court.

— Tiens donc ? Une insatiable rassasiée qui se plaignait de bientôt mourir d'une crise cardiaque si elle continuait à ce rythme.

Son sourcil arrogant se courbe, et je me dis que pour rien au monde, je ne regretterai tous les barrages, tous les obstacles qu'il nous a fallu affronter pour en arriver où nous en sommes. Qu'il ait déplacé ces montagnes, m'ait fait prendre d'autres virages pour me mener au bout du chemin.

— Cela fait un bail que j'ai digéré, monsieur Niels. Puis toi et moi avons énormément de temps à rattraper.

La confusion réside soudain sur son visage. Ses traits se tendent. Il n'est plus joueur.

J'ai prononcé quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Il pousse un soupir bruyant en s'allongeant sur le dos, puis passe un bras derrière sa tête. Mon menton se pose sur son thorax, mes doigts dessinent de petits cercles sur sa poitrine.

— Parle-moi. On avait dit plus de secrets, tu te souviens ?

— Je ne comptais rien te cacher. C'est juste que je trouve cela... Fantastique que tu sois de retour à mes côtés.

— C'est ce qui te retient de me faire l'amour ?

Je lui lance un regard empli de perplexité. Quel homme se refuse une relation sexuelle avec sa femme quand il est fou de joie de la retrouver après des semaines de détention ?

— C'est moi qui deviens vorace. J'ai l'impression de ne jamais être rassasié. D'être comme un marin qui, dans l'obligation de rester à quai, ne peut assouvir son envie de naviguer.

— Je ne te comprends pas. Qu'est-ce qui t'en empêche ? J'avais la sensation que tu étais heureux de me retrouver.

— J'y suis. C'est indéfinissable ce que je ressens de te savoir à nouveau près de moi, mais j'ai la nette impression qu'à chaque fois que je te touche...

Il garde le silence, secoue doucement la tête.

— ... de devoir effacer ses traces. Quand hier, j'écoutais ton corps me parler, je n'arrivais pas à réaliser que c'était toi entre mes bras et ça m'a un peu perturbé. J'ai essayé de ne pas te le faire ressentir, mais je crois que c'est raté.

— Je ne t'en veux pas. Il faut que l'on passe à autre chose maintenant.

Ma main glisse le long de sa barbe virile, caresse avec tendresse les courbes du visage de cet homme qui m'a fait prendre d'autres directions pour affronter mes craintes. À utiliser mes propres faiblesses pour maîtriser mes peurs malgré tous mes échecs.

Il n'a jamais abandonné, ne m'a jamais jugé. J'entends encore sa chaude voix qui me murmure au creux de l'oreille : échouer c'est ne pas saisir sa chance d'aller chercher la victoire. Espère l'insensé, crois à l'opposé et tu trouveras ton chemin.

— Tu dois aller chercher cette victoire.

Puis mes lèvres se posent contre les siennes quelques instants.

— Je ne sais pas en combien de tome, on pourrait décrire nos vies, mais il y en aurait un paquet.

— Pour l'instant, écris un roman rien que pour moi.

Je retire délicatement ma nuisette sans une once de timidité, bombe la poitrine, libère d'une main mes cheveux soyeux de leur élastique. Ses yeux brillent de désir. Il me veut moi... rien que moi.

Son regard se cache derrière les mots, derrière la souffrance de l'absence lorsqu'il m'attrape subitement d'une sur poigne la nuque pour m'embrasser avec fougue. Sa bouche divine me voue plein de promesses, enflammant toutes mes terminaisons nerveuses dans l'air torride de la pièce.

Le rythme de notre baiser s'approfondit. Il la chasse, la poursuit afin qu'elle fuie, s'échappe pour disparaître de son esprit. Mon corps abandonne en acceptant ma défaite, lâche les armes dans cette tempête qui se prépare au loin, dans ce vent violent qui s'empare de moi, alors que l'orage qui gronde, éclate au moment où la neige, dehors, a cessé de tomber.

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant