Lysa -17 -

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Je sors de la chambre, de ce cadre dont j'avais le besoin irrémédiable de m'y réfugier. Toutefois, y rester me désespère bien que son confort soit optimal.

Cette atroce douleur me transperce, reste figée droit dans ma poitrine. La seule personne sur qui je pouvais compter, l'épaule sur laquelle je pouvais me reposer a rompu notre pacte de confiance, m'a planté un couteau dans le dos.

C'est une trahison !

Comment comprendre toutes ces démarches, comment retourner en arrière ? Comment a-t-il pu s'éloigner autant de la perfection ?

J'aimais bien ma vie auprès de lui. De pouvoir être capable de tout, d'être libre. Unis. Je n'avais plus à sangloter jours et nuits, à pleurer de chagrin, il extirpait tous mes mal-être.

Sitôt entré dans mon existence, il m'a embarqué dans la sienne sans consentement. Il m'a assommée par son changement, par la force qu'il a montrée depuis mon attaque. Montré que je pouvais être heureuse en supprimant les obstacles.

Mon regard étendu à travers le salon, une sueur froide me parcourt aussitôt l'échine. Mes yeux effarés se posent à l'opposé de la pièce, sur une bouteille d'alcool brisée. Du verre cassé est répandu au sol, tout comme la fissure de mon cœur qui se rompt avec violence.

Mes larmes coulent, la tristesse me tue. C'est insoutenable de devoir souffrir si fort. Tout le temps. De tenter de guérir, en vain.

Pourquoi la vie est-elle si abominable avec moi ? Nous fracassera-t-elle encore ? Ou, l'ai-je mérité ? Suis-je née pour être maudite ? J'avais pourtant cru qu'il était le seul à pouvoir me tirer d'affaire. Qu'il était celui qui réussirait à me délivrer. Sans me tromper.

Mes doigts tremblants saisissent le tee-shirt d'Ethan sur mon dos, le serrent en respirant son odeur. Peut-être m'aidera-t-elle à lui pardonner et à apaiser ma douleur ? À fournir des réponses aux questions qui se bousculent dans ma tête ?

Cependant, j'ai beau retourner mille et une idées, sans en trouver d'autres intelligentes. On ne peut pas séparer deux cœurs qui vibrent à l'unisson, qui partagent les mêmes douleurs, les mêmes malheurs. On ne peut pas supprimer l'amour rare qui subsiste entre un homme et une femme. Pas s'il est preux, égal, réciproque.

Je dois me contenter d'accueillir cette vérité, d'en supporter le mauvais jusqu'à retrouver la paix. C'est une grande décision irrévocable dans mon esprit, une folie démesurée de le remercier d'avoir sauvé mon honneur sali. Je prends le risque de porter ce fardeau toute ma vie. Peut-être qu'un jour, j'en savourerais les privilèges.

De retour au canapé, après avoir ramassé les débris, je vérifie encore une fois l'heure sur l'horloge à engrenages du salon. Cela fait bientôt quatre heures qu'Ethan est parti, et toujours sa messagerie qui m'accueille sur ce maudit téléphone.

S'il lui était arrivé un accident ?

La panique me gagne, tandis qu'Oups dort paisiblement, niché contre moi. Soudain, j'entends des clés trifouiller la serrure. La colère fait lever mon corps d'un bond, fait perler des larmes aux bords de mes paupières.

Où était-il ? Avec qui ? Par quel moyen est-il rentré ?

Ethan franchit difficilement la porte, jette son trousseau sur la console d'un geste théâtralement lourd.

Il est ivre. Peut-on être plus ivre ? Non, je ne pense pas.

Plantée au milieu du salon, les bras croisés sur ma poitrine, j'attends une explication qui ne vient pas.

— Où étais-tu ?

Sans grand succès, il tente d'ôter ses chaussures du bout du pied avec maladresse, épaulé contre le mur après avoir laissé tomber sa veste au sol. Le chien lui bondit dessus pour obtenir sa caresse. Ethan lui prodigue d'une main négligente.

Ses pas titubent dans ma direction, ses yeux brumeux à demi clos fixent tant bien que mal devant lui. L'angoisse coule en silence, le long de mes joues.

Comment réagit-il sous l'effet de l'alcool ?

— Tu te souviens quand je suis venu te rejoindre sur le court alors que tu regardais les étoiles ?

Je l'observe, inerte, me rappelant brièvement cet instant magique.

Pourquoi avoir besoin de tant d'ivresse pour étouffer cette douleur atroce, pour noyer son chagrin ?

— Eh bien, l'univers est vide ce soir. Plus de planète, plus d'espace, il reste inconsolable comme cette horrible souffrance ancrée là.

Son poing fermé frappe fort sa poitrine comme pour briser ce chagrin lancinant qui lui déchire le cœur.

— Où étais-tu ?

— Tuer mes microbes.

Il bafouille, l'âme épuisée, balayant avec peine mon visage.

Quelle réaction va-t-il avoir face à ma ténacité ?

Éreinté à devoir garder les yeux ouverts, le corps tanguant lentement telle la coque d'un bateau, son pouce paresse sur ma joue pour venir essuyer mes larmes.

— J'ai versé les mêmes, tout à l'heure. Tu vois qu'on est compatible. Toi qui ne le croyais pas...

Mon cœur se serre. L'ambiance pesante s'efface sous l'odeur de l'alcool.

Ses pas traînants continuent son chemin sans rien ajouter d'autre, puis sa carcasse tombe massivement comme un poids mort sur le canapé. Les yeux fermés, un bras sous la tête, il s'étend de tout son long. Je tente alors de m'approcher afin d'engager à nouveau une discussion.

— J'étais inquiète de ne pas te voir rentrer.

— Hmm...

— Pourquoi ne pas m'avoir appelé ?

Le silence total règne dans la pièce, laisse ma question sans réponse. Sa respiration calme et lente est apaisée. Son esprit glissé dans le sommeil, j'abrite d'une grande couverture, son corps assoupi où la nuit a sombré en lui.

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant