Lysa - 21 -

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Ce n'est donc pas une légende ? Cette île est bien surnommée la sérénissime pour son romantisme ? Tout comme l'œuvre à mes côtés que je regarde, que j'écoute me conter l'histoire passionnante de la ville alors que le gondolier entame sa traversée sur la Tamise.

Il n'y a rien à ajouter, il est le point le plus lumineux de la cité. Avec lui, tout est magique, incomparable, grandiose.

Le froid glacé me gèle les mains et engourdit mes pieds. Mes orteils se ratatinant dans mes chaussures, je souffle sur mes doigts pour les attiédir.

Ethan se retourne, saisit une couverture épaisse derrière les sièges qu'il passe autour de nous. Je me glisse sur l'assise pour venir me blottir contre son torse, nous laissant bercer sur le grand canal.

Mon menton en repos sur la pointe de son épaule, je le contemple. Sa fragrance me fait tourner la tête. Cet homme est un véritable appel à la tentation et me procure à coup sûr des sensations.

— Pourquoi es-tu tombé amoureux de moi ? Comment as-tu pu m'aimer ?

Les formes de la ville endormie ondulent en silence dans le frimas de l'hiver. Son autre bras passe autour de moi, ses lèvres fraiches déposent un baiser dans mes cheveux.

— Pour moi, tu restais un mystère à part entière. Cependant, je n'avais qu'à ouvrir les yeux pour voir que ce que je ressentais n'était pas quelque chose d'ordinaire. Je n'ai pas eu le courage de suivre mon instinct et t'ai laissé créer notre propre monde. Tu m'as défié, je t'ai blessé, tu m'as quitté, et ton absence a produit l'effet garanti. J'ai réalisé notre amour dans toute sa splendeur. Tu m'as transmis ta force et ta détermination, depuis, tu es devenu mon addiction. Celle que je garderais précieusement taillée comme un diamant.

— Notre relation a une multitude de facettes colorées, mais c'est notre personnalité. Elle est intense, elle nous représente. Et moi, ça me va droit au cœur que tu n'aies jamais baissé les bras.

— On va dire que nous avons une façon différente de l'interpréter.

— Je t'aime. Et si cela te rassure de me savoir dans une sécurité financière, alors j'accepte à une condition : je ne veux pas que tu entretiennes une pauvre fille déséquilibrée en ce qui concerne l'argent.

Sans me regarder, un sourire lui fend la bouche d'un lobe à l'autre. Cela le rend-il donc si heureux de faire compte commun ? Je ne pensais pas qu'un simple fait le remplirait de joie.

Les étoiles planent au-dessus de nous et j'oublie tout dans le silence de la nuit. La barque nous promène dans ces ruelles fluides bondées de palais, balancés par la douce ferveur de l'amour.

Pendant que le gondolier stabilise la coque, j'enjambe le quai devant l'hôtel. Ethan glisse un billet dans la main de ce dernier avant de me rejoindre.

Alors que l'on s'apprête à passer l'entrée, un petit bout haut de trois pommes se dirige vers nous. Ethan l'interpelle.

— Où vas-tu bonhomme ?

Le garçonnet se met alors à courir à toute vitesse pour franchir les portes battantes avant qu'elles ne se referment.

— Eh, viens ici ! C'est beaucoup trop dangereux par-là !

Il a à peine le temps de le retenir que l'enfant s'est enfui à l'extérieur.

Nous nous précipitons pour le rattraper, or, au moment où il se retourne au énième appel d'Ethan, son pied posé sur le rebord du pont glisse et son corps chute dans l'eau glaciale. Mon sang se fige. Il est bien trop petit pour savoir nager.

Je n'ai pas le temps de réaliser ce qui vient de se passer, qu'Ethan a déjà plongé. Les parents arrivent catastrophés, la mère hurle son enfant au moment où la main de mon fiancé s'accroche au bord de la plateforme en bois. Le père court vite l'aider, agrippe son fils choqué par les épaules pour le hisser hors de l'eau, suivi par le service hôtelier.

Le gondolier qui a fait demi-tour tend une couverture à Ethan qu'il saisit au passage. Ses habits lui collent à la peau, ses dents claquent l'une contre l'autre. Il est frigorifié. Et en fureur. L'enfant transi jusqu'aux os hurle de peur dans les bras de sa génitrice.

— Tenez, bande d'incapables.

Ethan balance la couvrante au visage de la mère, puis pénètre d'un pas rageur dans l'hôtel. J'accours le rejoindre en me libérant de mon manteau pour lui déposer sur ses épaules tendues par le froid et la colère.

Son teint est d'une pâleur mortelle !

— Comment peut-on porter si peu d'attention à un gamin d'à peine trois ans !

Et je ne sais pas ce qui me fait penser cela, mais je me dis qu'il ferait un très bon père. Quand je l'ai vu plonger dans cette eau atteignant les quelques degrés, je me suis bêtement imaginé qu'il sauvait notre propre fils.

— Je vais te chercher des serviettes.

Une fois dans la chambre, je me précipite jusqu'à la salle de bains, retourne les placards pour prendre tous les tissus cotonneux qui s'y trouvent.

Ses lèvres sont violettes à présent, et ses cheveux gouttent encore sur ses épaules. Je m'empare d'un linge épais, laisse s'écrouler le reste du tas à mes pieds, puis commence à lui essuyer le sommet du corps.

— Quitte tes habits, tu peux tomber malade.

J'ôte son pull tant bien que mal, déboutonne son pantalon. Son visage se mire sur mes gestes alors que je m'évertue à tirer sur le bas de son jean pour en extraire sa jambe.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien... Je te regarde.

Cette façon soutenue de m'observer en dit long sur ses pensées pas très catholiques. Elles doivent être pleines de charité.

Je me redresse, frotte vigoureusement son corps musclé avec une nouvelle serviette. Les frissons commencent à s'estomper sur sa peau.

— Je vais ouvrir l'eau. Tu as bien besoin d'une douche chaude.

A la minute où je règle la température, sa carrure robuste comme un chêne vient au plus près de moi. Ses mains glacées prennent place sur mes hanches.

— Glisse-toi avec moi.

D'un geste lent, il fait pivoter mon corps face à lui, regarde ses doigts habiles me mettre à nu. Le choc thermique me fait frémir, mais j'ai envie qu'il dépouille cette peur absurde qui m'envahit. Qu'il brise en éclat cette inquiétude de le perdre.

— J'étais intranquille, tout à l'heure.

— Je suis là, maintenant. Et l'enfant aussi.

Son pas leste m'emmène dans l'immense douche d'où l'épaisse écharpe de vapeur tapisse les murs carrelés.

J'avais presque oublié ces dernières semaines, comment il pouvait me donner du plaisir lorsque ses paumes dessinent la rondeur de mes seins, prennent le temps de redécouvrir chaque parcelle de peau avide.

Mon âme ne réchappe pas quand ses yeux bleus posés sur mon corps font l'inventaire de chaque lambeau du passé. De mes chairs anciennement meurtries. Du sang séché sur mes plaies.

Ma main glisse dans ses cheveux humides, quand soudain, son torse dur me plaque contre les dalles froides. Ses deux mains en appuient de chaque côté de ma tête, son regard ne me laisse aucune chance de survie.

Ses paumes façonnent mes formes marquées avec dextérité comme une pièce d'argile, ses baisers sans pareil me dépouillent de mes vieux souvenirs. D'un geste gracieux, ses bras passent sous mes cuisses, me soulèvent telle une plume.

C'est avec un grand style, avec une élégance qu'il enterre mes pensées maudites, repousse les ronces sur mon chemin. Et c'est aussi avec un autre style que nos corps se noient sous ce ciel de pluie, m'entraînant dans un monde à mille lieues d'ici. Dans un monde imaginaire où règnent des lieux encore endormis, éloignés de cet univers de chagrin.

L'envie d'aimer - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant