Chapitre 29

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Ce n'est que tard dans la soirée que la sonnette de la porte d'entrée retenti et que j'entendis les voix de Mima et de Léo en bas.

« - Je te le ramène, comme promis. Et Amy ? Comment elle va ?
- C'est gentil. Oh elle a la peau solide. Elle s'en remettra. Un peu de pommade, beaucoup de tartes et ça ira. Ne t'inquiète pas.
- Tu m'appelles si y'a du changement ?
- Je te le ferais savoir. Merci encore Léo. »

La porte se referme mais je n'entends pas la voix de Kyle. Le seul bruit qui suivit fut les marches d'escalier qui craquèrent. Il monte.

« - Reste là Kyle. Il faut qu'on parle. »

Le ton de Mima était autoritaire. Il allait se faire engueuler. Bien fait ! Prends-toi ça dans les dents.

« - Helena, je.......
- Garde tes excuses pour Amélia. En fait, j'aimerais savoir si tu réfléchis de temps en temps ou si tu n'es que ce garçon impulsif que j'ai recueilli ? N'as-tu pas grandi ? N'as-tu pas appris de tes erreurs. Cela va faire bientôt trois mois qu'Amélia vit sous notre toit et j'aurais cru que tu avais appris à la cerner. Surtout après tout ce qu'il s'est passé entre vous. Tout était si bien jusqu'à maintenant alors pourquoi ? Pourquoi fais-tu ça ?
- Je suis désolé.
- Je te l'ai dit, tu t'excuseras auprès de ma petite-fille et cela ne m'étonnerait même pas qu'elle t'en remette encore une autre après tout ça. Tu le mériterais. Jusqu'à présent, elle a été plutôt clémente avec toi malgré l'enfer que tu lui as fait vivre depuis qu'elle a franchi le seuil de cette porte. Je te prie de bien vouloir réfléchir aux conséquences de tes actes en priant n'importe quels dieux, qu'Amy soit assez clémente, encore une fois, pour te pardonner. Moi, je l'encouragerais à faire le contraire et même à te mettre encore une baffe ou deux. Monte maintenant. On se verra demain. »

Ouh... Mima ne rigole pas quand elle est en colère. Mais comme d'habitude, elle a su rester très calme, sans s'énerver tout en sortant le pire de toute cette histoire et en finissant par le balancer sur Kyle.

Mima, t'es mon héroïne.

J'entends ses pas qui montent et je me réfugie sous ma couette avec une certaine précipitation. Mon dos me fait un mal de chien, mon Dieu. C'est pire que dormir avec un coup de soleil.
Il s'arrête devant le seuil de ma porte. C'est presque comme si je pouvais l'entendre. Comme si je pouvais deviner ce qu'il faisait.

« - Amy ? »

Sa voix est faible. Triste. Il doit s'en vouloir énormément et une toute petite part de moi aimerait bondir et lui sauter dans les bras mais pas cette fois. Cette fois, je reste en boule. Cette fois, je refuse de l'écouter. Cette fois, je veux qu'il apprenne ce que ça veut dire d'avoir mal.
Je veux qu'il souffre autant que j'ai souffert ces deux dernières semaines en me demandant chaque jour ce que j'avais bien pu faire. Je veux qu'il ressente ce vide au fond de soi-même.

Celui que l'on ne peut boucher parce que l'on ne comprend pas ce qu'il se passe et qu'on ne sait pas comment y remédier.


« - Amy... Je.... »

Nananananana ! Je ne t'écoute pas ! Je ne t'entends pas ! Je ne veux pas t'entendre. Je ne veux pas entendre ce que tu as à me dire. Je ne veux pas de tes excuses. Je ne veux pas te voir. Je ne veux rien à voir à faire avec toi.

Alors pourquoi est-ce que, silencieusement, dans l'ombre, je pleure ?
Pourquoi est-ce que je me sens mal comme ça ? Pourquoi est-ce que j'ai mal ?

Il entre dans ma chambre, s'assied au pied de mon lit et attrape les trois petits doigts tout boudinés qui dépassent de ma couette et qui la tiennent avec fermeté. Pourquoi est-ce que tu me fais ça ?

Pourquoi moi ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?

« - Pardonne-moi. »

J'ai envie de reprendre ma main et de la cacher avec le reste de mon corps et de ma tête mais je n'y arrive pas. Mes doigts serrent les siens comme si je ne voulais pas qu'il parte encore.

Je ne veux pas que ce Kyle-là disparaisse. Celui qui aime. Celui qui ressent. Celui qui comprend. Je ne veux pas qu'il s'en aille et qu'il s'efface. Je veux le garder avec moi. Toujours auprès de moi.

Je ne veux plus de l'autre.

« - Va-t'en, fis-je en tentant de ne pas le laisser entrevoir mes pleures.
- Non. C'est de ma faute si tu pleures. Je suis désolé. Si tu savais comme je m'en veux.
- Va-t'en ! »

D'un coup sec et rapide, je récupérai ma main et la cachai sous ma couette avec tout mon corps replié en boule. Mais pour autant que je sache, Kyle ne bougea pas d'un pouce. Il resta assis là, dans le noir, silencieux.

C'est comme si j'étais branchée sur « radio émotions » et que je pouvais ressentir tout ce qu'il ressentait. Toutes ses émotions négatives que je n'avais encore jamais perçues. Était-ce pour ça qu'être une ancre était dangereux ? Parce que l'on était influencé par un surplus d'émotions ? Pourquoi ne pouvais-je pas ressentir sa joie de vivre ? Son émerveillement ou ce genre de chose là ? Pourquoi devais-je souffrir comme ça constamment ?

Je ne veux pas de ça. Ça fait trop mal.

Je le sens alors se coucher sur moi, passant ses bras autour de moi comme s'il savait. Comme s'il comprenait ce que je traversais à cet instant précis.

« - Ensemble, envers et contre tout. »

Un murmure dans le creux de mon oreille. Un murmure étranglé par un sanglot. Des excuses à n'en plus finir. Une douleur à vous tordre l'estomac et à vous briser le cœur.
Voilà ce qu'était être une ancre. Être un amas d'émotions et devoir faire avec. Voilà ce qu'était être la partenaire d'un demi.

Au petit matin, après la nuit délicate et tumultueuse que l'on venait de passer, il n'eut pas un mot dans la maison. Mima profita de chaque occasion pour foudroyer Kyle du regard qui, s'il avait pu avoir l'occasion, se serait caché sous la table de la cuisine et moi, je fis tout mon possible pour ne pas le regarder tout court. Ma colère était à peine passé mais je pouvais ressentir encore toutes ces choses tordantes et j'en avais marre.

« - Bon. Ça suffit ! »

Il fallait que l'on règle cette situation au plus vite. Aussi bien pour moi, mon propre bien-être mais aussi pour le chat de gouttière.
Je me lève de table, fait le tour, l'attrape par le bras et l'entraîne dans le jardin avec moi sous les yeux avisés de Mima qui nous fixa depuis la fenêtre de la cuisine.

« - Écoute-moi bien attentivement avec tes deux oreilles de chaton grognon. Je ne vais pas le répéter. Ça suffit maintenant. Moi, je ne peux pas endurer ça plus longtemps et je préfère encore mille fois me tirer une balle dans le pied que de subir ça constamment.
- Qu'est-ce que tu sous-entends par « ça suffit » ?
- Exactement ce que ça signifie. T'es pas idiot non ? Ou alors je t'ai cogné trop fort et faut que je te fasse un dessin ?
- Tu veux qu'on annule le ... ?
- Non. On va l'améliorer ! »

J'avance vers lui, tout doucement et il se met à reculer à chacun de mes pas jusqu'à se retrouver acculé par le mur. Mes deux bras menus le bloque de chaque côté et malgré le fait qu'il fasse bien une tête de plus que moi, je n'ai pas peur de lui.

« - Maintenant, tu es à moi chaton. »

Dégageant mes bras du mur, plaquant mes mains sur son visage, mes lèvres vinrent trouver les siennes. Et il se laissa totalement faire, passant un bras derrière moi et m'attirant contre lui.


C'est à ce moment-là, que lui et moi, on comprit enfin l'impact que l'on pouvait avoir sur la vie de l'autre. C'est à ce moment-là, que lui et moi, on comprit enfin que l'on ne pourrait pas faire l'un sans l'autre. C'est à ce moment-là, que lui et moi, on comprit que c'était « nous » et ce certainement à vie.

Hunters - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant