Hunters - Tome 1

Chapitre 40

Tandis que l'ascenseur descendait tout doucement, j'entendais Tara et Nico chuchoter dans mon dos. J'avais encore le crâne en chou-fleur et continuellement, j'avais l'impression qu'on me poignardait, encore et encore. Il n'y avait que cette souffrance et cette douleur sans nom qui me tiraillait de l'intérieur et dont je savais que ce n'était pas la mienne. J'avais l'impression de tourner de l'œil à chaque fois mais je ne pouvais pas me le permettre. Il fallait que j'aille au bout.

Pour lui. Pour eux.

Il était temps de régler nos comptes. Une bonne fois pour toutes.

« - Ça va Amy ? demanda Tara en m'aidant à me redresser
- Ouais ... J'ai connu des jours meilleurs c'est tout.
- Tu crois que...Kyle tu peux savoir comment il va ? s'interrogea Nico
- Mal. C'est tout ce que je sais.
- À mon avis, Léo nous servira de comité d'accueil dès que les portes s'ouvriront. Tara et moi, on l'occupera, et toi, tu fileras aider Kyle.
- Vous voulez que je vous laisse avec lui ?
- T'inquiète... Ce n'est pas le premier chaton que l'on gère ! »

Tara et Nico avaient une sorte d'optimisme sans failles. Cette complicité dans les yeux dès qu'ils se regardaient. Comme s'ils pouvaient comprendre ce à quoi pense l'autre. C'est vrai que je les ai souvent vus faire ça. Agir en fonction de l'autre sans pour autant échanger un mot. C'était impressionnant. Comme s'ils savaient exactement ce que l'autre allait faire et à quel moment.

Et on ne fut pas surpris de découvrir, qu'effectivement, Léo nous attendait, dos au mur, dès que l'ascenseur fut niveau.

« - Pendant que le chat n'est pas là... Les souris dansent apparemment, dit-il. S'il faut vous renvoyer moi-même là-haut, je ne vais pas me priver.
- N'oublie pas ce que l'on a dit Amélia... À la moindre ouverture, tu passes, siffla Nico
- C'est beau de rêver. Aller soyez sages, me forcez pas à être méchant.
- Non, non... On va rectifier la situation. C'est NOUS qui allons être méchants maintenant. »

J'eus à peine le temps de cligner des yeux que l'ensemble de la pièce se mit à exploser de partout. Dans la fumée, un rire résonne parmi les débris des murs et soudain, je sentis une main sur mon épaule.

« - Accroche-toi. »

Tara se téléporta à l'autre bout de la pièce et me jeta par terre avant de retourner vers Nico.

Quelque part, j'ai le sentiment de les abandonner. De leur laisser le plus gros du travail. Comme toujours.

Il y a quelques mois, je n'aurais pas imaginé que ces deux personnes soient une part aussi grande de ma vie mais je n'en serais pas là s'ils n'avaient pas été là à chaque fois que j'ai eu besoin d'aide. À chaque fois, ils ont répondu présents. À chaque fois, ils sont venus... Sans rien demander en contrepartie. Sans poser aucune question. Ils se sont juste regardés et m'ont dit « oui », d'une voix et d'une unique voix.

Si l'on ressort en un seul morceau de cette histoire, je vous promets que je saurais me racheter. Si l'on ressort en un seul morceau, je vous promets que quoi qu'il arrive, je saurais être là moi aussi.

Mais on sait tous, maintenant, que ce n'est pas le cas. N'est-ce pas ? Vous l'avez compris vous aussi non . Depuis le temps. Vous savez ce qui va arriver dans quelques heures non ?
Ces heures-là furent les plus noires, les plus sombres de toute ma vie, aussi courte fut-elle. La seule chose que je n'ai pas oubliée, c'est cette soirée-là. La seule chose que je ne peux pas oublier, c'est cette soirée-là. Parce que c'est là que tout changera. C'est là que l'irréparable fut commis.

Ces durant ces quelques heures... Que nos vies basculèrent. Ensemble. Quelle ironie. Savoir que notre propre promesse se retournerait ainsi contre nous. Au final, depuis le début, nous avons été nos propres ennemis. Aujourd'hui, j'en viens à me dire que nous n'aurions jamais dû nous aimer. Nous n'aurions jamais dû partager ce lien. Nous n'aurions jamais dû nous revoir... Jamais. Parce que c'est ça, qui causa notre perte.
Ni lui. Ni eux. Nous.

Nous n'aurions jamais dû nous infliger ça. Nous n'en avions pas le droit. Mais maintenant, c'est trop tard. Maintenant, tout est fait. Tout est joué.

J'entends un cri provenant de l'autre côté du couloir. Un long couloir qui me paraissait interminable. Un couloir sombre et sinistre. J'entends un cri provenant du couloir de la mort.
Je sais qu'il souffre, je sais qu'il a mal. Je sais qu'il a peur. Je le sais que trop bien, j'ai envie que l'on m'arrache le cœur de la poitrine. J'ai mal autant que lui.

« Avance. N'ai crainte. »

Tendant la main vers la poignée de la porte, je la retire dès que j'entends encore un hurlement me transperçant de part et d'autre.

« - Tu sais quoi « voix dans ma tête » ? On va faire ça en grand !Défonce-moi cette porte ! »

En tendant la main, le rayon rouge s'en dégage et la porte part dans les airs et profitant de l'effet de surprise, je bondis sur le Consul, l'écartant de Kyle sans prendre souci de son état.
Attends-moi.

« - Qu'est-ce que...AMELIA !
- TU ! VAS ! LACHER ! MON ! COPAIN ! »

Je lui mords l'oreille et lui griffe tout l'avant-bras jusqu'à ce qu'il m'attrape et me balance à travers la pièce.

« - Je ne sais pas comment tu es arrivé jusqu'ici jeune fille mais tu arrives trop tard... Regarde donc ! »

Entre ces deux doigts grassouillets, il tenait une petite perle scintillante. Une perle dorée. Qu'est-ce que c'est que ça ? D'où ça sort ?

À son sourire fier, je me tourne et me précipite vers Kyle pour le détacher et le secouer.

« - Kyle ! Kyle ! Regarde-moi... Aller ! »

Aucune réponse. Pourtant, il n'est pas mort. Je peux le sentir en moi. J'avais l'impression qu'on l'avait saigné de partout et certains de ces membres semblent en trembler encore dès que mes doigts l'effleurent. Mon Dieu...comment est-ce que cela a-t-il pu se produire ? Comment peut-on faire ça à quelqu'un ? Comment peut-on se permettre d'être barbare de cette façon ?

« - Oh, ne me fait pas ce regard plein de haine. Ne comprends-tu pas ? Avec ça, on sera en mesure d'avancer d'une façon considérable ! On pourra être maîtres de deux mondes !
- Tu n'es le maître que de ta propre folie. C'est parce que tu es aveuglé par le pouvoir et la gloire que tu veux ce genre de chose mais regardes à quel prix ! Ne vois-tu dont pas ? Tout le mal que tu causes autour de toi ?
- Le mal ? Tu veux parler de ce « demi » ?
- Kyle est aussi un homme.
- Tu es bien stupide ma pauvre fille. Voir l'homme plutôt que l'animal. Pourtant n'est-ce pas la cause de toute ta souffrance aujourd'hui ?
- Non. Le seul responsable c'est TOI. Toi et ton égo. Tu n'as toujours pensé qu'à toi ! Ta petite personne ! Tes propres intérêts !
- Que veux-tu ? La vie est trop courte, il faut savoir se mettre avant.
- C'est ridicule...
- Ce qui est ridicule c'est l'importance que tu accordes à cet animal en détresse. Tu devrais l'abandonner. Le monde est vaste... Il le sera d'autant plus quand j'aurais stabilisé le portail grâce à sa PETITE contribution. »

Rien que de le voir agiter la perle sous mon nez me donne la nausée. L'entendre me fait vomir. J'ai honte. Honte d'être de son sang. Honte d'être née de lui. Honte de me dire que je lui dois la vie. Cet homme est un monstre de cupidité et de vanité. Jamais il ne pensera aux autres.

« Ne sois pas impulsive. Réfléchis. »

Pourquoi perdrais-je mon temps en réflexion ? Pourquoi me poserais-je la moindre question ? Mon choix est fait. Ma décision est prise.
Cet homme, pour tout le mal qu'il a fait, doit être arrêté.

Et de ça, je m'en chargerais.